Les Grèves de Carmaux de 1892-1895 (Tarn, Midi-Pyrénées) ont attiré l'attention nationale non seulement en raison de leur importance et de leur durée, mais aussi parce que la première, qui toucha les mines de charbon, est considéré comme l'épisode fondateur de la conversion de Jean Jaurès au socialisme, qui fut élu en 1893 député du Tarn, tandis que la seconde, qui toucha la verrerie, laquelle dépendait de l'industrie charbonnière, aboutit à la création de la verrerie autogérée d'Albi.
Carmaux est par la suite demeurée une ville symbole du socialisme, Jaurès y étant ré-élu lors des législatives de 1902 portant le Bloc des gauches au pouvoir, tandis que de nombreuses autres grèves émaillèrent la région à la Belle Époque et après la Première Guerre mondiale. La verrerie autogérée d'Albi continua à fonctionner sous ce statut jusqu'en 1931, devenant par la suite une société coopérative ouvrière de production (SCOP).
La verrerie de Carmaux a ouvert ses portes sous l'Ancien Régime: en 1752, le chevalier Gabriel de Solages obtenait une autorisation royale à cette fin, ce qui lui permettait d'exploiter le charbon local avec la création de la Compagnie de Carmaux. Sous le Second Empire, Eugène Rességuier loue celle-ci en 1856 puis l'achète en 1862.
En 1882, la maison, dite verrerie Sainte-Clothilde, emploie 300 ouvriers et produit 21 000 bouteilles par jour, les souffleurs étant payés à la tâche. Des premières grèves surgissent en février 1883, et le mois suivant, le premier syndicat des ouvriers mineurs de Carmaux fut créé, un an avant la loi Waldeck-Rousseau élargissant les possibilités de création des syndicats. Ce syndicat comptait parmi ses membres Jean-Baptiste Calvignac, élu par la suite maire socialiste de la ville, le 15 mai 1892.
En 1884, Rességuier achète un four Siemens et fonde la Société anonyme des Verreries de Carmaux.
Jean Jaurès porta sa candidature au poste vacant de député de Carmaux. Il fut d’abord élu député en janvier 1893, puis conseiller général en août. Depuis, la ville est restée un véritable emblème du socialisme, d'autres grèves ayant lieu par la suite.
En février 1894, le maire socialiste Calvignac est suspendu puis révoqué pour un an, au motif d'un impair dans la révision des listes électorales. Il est remplacé par son adjoint Jean-François Mazens qui prend l'intérim.
La politique répressive du gouvernement, qui vient de promulguer les lois scélérates, officiellement pour lutter contre la propagande par le fait prônée par une partie du mouvement anarchiste, est dénoncé dans un discours saisissant de Jaurès à la Chambre, le 30 avril 1894, durant lequel il évoque une affaire trouble ayant eu lieu à Carmaux lors des grèves de 1892. Il dénonce ainsi l'usage des agents provocateurs:
« C’est ainsi que vous êtes obligés de recruter dans le crime de quoi surveiller le crime, dans la misère de quoi surveiller la misère et dans l’anarchie de quoi surveiller l’anarchie. (Interruptions au centre. — Très bien ! très bien ! à l’extrême gauche.)Et il arrive inévitablement que ces anarchistes de police, subventionnés par vos fonds, se transforment parfois — comme il s’en est produit de douloureux exemples que la Chambre n’a pas pu oublier — en agents provocateurs. »
Et d'évoquer un certain Tournadre, actif lors des grèves de 1892, qui avait proposé aux ouvriers de Carmaux des fonds pour acheter de la dynamite puis de s'enfuir en Angleterre: or, selon Jaurès, alors que Tournadre avait répondu aux ouvriers qu'il avait des « amis capitalistes à Paris », les perquisitions menées chez Tournadre à Carmaux, par la mairie socialiste, avaient menées à la découverte de deux lettres adressées à l'anarchiste, l'une du baron de Rothschild, l'autre de la duchesse d'Uzès. Malgré ce discours, la Chambre vota dans une large majorité la confiance au gouvernement.