L'Institut national de la statistique et des études économiques est depuis 1946, l'organisme d'État français chargé de la statistique nationale. Il a été précédé par plusieurs organismes de production de statistiques publiques.
Alexandre Moreau de Jonnès est considéré comme le père de la statistique française. À partir de 1828, il est affecté au ministère du Commerce, où il s'occupe de la statistique, et il est chargé à partir de 1833, par Adolphe Thiers de compiler, au sein du ministère de l'Intérieur, l'ensemble de la statistique française, sous la dénomination de Statistique générale du royaume.
Durant ces années, il fut l'initiateur de la Statistique de l'agriculture de France, de la Statistique générale de France et de la Statistique de l'industrie de France.
René Carmille, pionnier de l'utilisation des machines mécanographiques, obtient en 1940, la création du « Service de la démographie », qui, sous couvert d'un rattachement au ministère des Finances, remplaçait les bureaux de recrutement militaire interdits par l'Armistice. Le Service de la Démographie a été fusionné, le 11 octobre 1941, avec la SGF, et l'ensemble prit le nom de Service national des statistiques (SNS). Carmille mit en place l'identifiant numérique (aujourd'hui numéro NIR, ou INSEE), à des fins de mobilisation secrète.
Six nouveaux ateliers furent créés en zone Nord, mettant ainsi en place les futures Directions régionales de l’INSEE. René Carmille créa une école d'application du SNS (ancêtre de l'ENSAE actuelle), où sont formés les membres de deux corps nouvellement créés : les attachés et les administrateurs.
À partir de 1840, son service devient le Bureau de la Statistique générale de la France (SGF) jusqu'en 1940. Attaché au ministère de l’Agriculture et du Commerce et Alexandre Moreau de Jonnès en sera le directeur jusqu'en 1851. Ses services produisent durant son administration une publication monumentale en 13 volumes et son action contribue à développer en France les travaux statistiques et leurs usages.
Toutefois, jusqu'en 1852, d'autres services statistiques existaient, n'utilisant pas les mêmes catégories. Ainsi, outre la SGF dirigée par Moreau de Jonnès, qui dépend du Ministère de l'Agriculture et du Commerce, Alfred Legoyt dirige le Bureau d'administration générale, service de statistiques du Ministère de l'Intérieur. Ces deux services sont réunis en 1852 sous la direction de Legoyt, qui succède ainsi à Moreau de Jonnès.
Sous l'impulsion de Lucien March, directeur de 1896 à 1920, la SGF diversifie son activité : première enquête de consommation en 1907, début des enquêtes périodiques sur les prix de détail en 1911, recensement démographique quinquennal sur des classi-compteurs mis au point par Lucien March. Un concours de niveau élevé est instauré pour le recrutement de la SGF, qu'Alfred Sauvy réussit en 1920.
En 1937, la SGF dispose encore de peu de moyens, elle emploie 126 personnes, délégations régionales comprises, ce qui est faible surtout si on la compare avec en Allemagne, l'Office statistique du Reich qui emploie plus de 2 400 collaborateurs. La SGF dispose d'une bibliothèque de 60 000 ouvrages mais n'a pas de bibliothécaire par manque de moyens financiers. Alfred Sauvy évoque alors « un établissement artisanal (...) un curieux mélange d'archaïsme et de haute productivité ». Cette année là, les statisticiens établissent les divers indices conjoncturels, rédigent trois publications (hebdomadaire, mensuelle et trimestrielle) et un annuaire statistique.
La SGF mesure l'indice de la « vie chère », terme popularisé par les journaux d'époque alors que les prix avaient plus que doublé durant la Grande Guerre. Ce terme fut repris en 1936 dans le programme du Front populaire dont un de ses objectifs est de lutter contre cette « vie chère ».
Cet indice de prix, plutôt rudimentaire, portait sur 13 articles de 1916 à 1930 et sur 34 articles après. Il est calculé en fonction du budget d'une famille ouvrière de quatre personnes : l'alimentation représentait alors 60 % de sa consommation, l'habillement 15 %, le chauffage 5 %, les dépenses de loisirs et de santé 10 % dont 2% pour le seul savon.
Cependant, les relevés faits par les employés de la SGF ne concernent que Paris, alors que pour les villes de plus de 10 000 habitants, ce sont les municipalités qui sont chargées de faire les relevés de prix et de les communiquer à la SGF.
En 1920, le gouvernement décide la mise en place d'une soixantaine de commissions locales du « coût de la vie », composées de représentants du patronat, de déléguées syndicaux et des fonctionnaires chargés du calcul de ce coût de la vie. Chaque commission est libre dans l'organisation de son travail : composition et pondération de son indice et récupération des données.
Constatant un certain niveau de fantaisie dans les indices, la Commission centrale du coût de la vie qui chapeaute toutes les autres commissions locales décide en 1930 que chacune des commissions locales devra désormais respecter un budget type, dont la pondération est celle utilisée pour le calcul de l'indice national composé des 34 articles.
Dans les années 1930, la SGF met en place deux nouveaux indices complémentaires :
À partir de 1924, la SGF s'occupe chaque année de la question des revenus. Auparavant, existait une enquête décennale mais l'évolution rapide des prix impose un rythme plus soutenu. Devant l'immensité de la tâche, la SGF ne calcule qu'un « indice du salaire ouvrier évalué approximativement à partir du taux le plus fréquemment appliqué dans chaque profession ». Les données sont récoltées auprès des mairies, des conseils de prud'hommes et du ministère du travail. Une cinquantaine de professions sont suivies dans l'indice, parmi elles : charron, dentelière, forgeron, giletière, repasseuse, tailleur d'habits...
En janvier 1939, la Revue d'économie politique écrit : « On ne dispose pas d'indices du pouvoir d'achat de l'ensemble de la population. (...) Ce sont des indices (des 13 et 34 articles) qu'il semblerait naturel de rapprocher du montant des revenus, mais la question de savoir dans quelle mesure ils peuvent être étendus à toutes les classes sociales est délicate à résoudre ». La revue fait alors allusion aux revenus des rentiers, porteurs de valeurs mobilières et propriétaires de biens immobiliers, et à celui des professions libérales, alors que l'indice du coût de la vie est seulement confronté à celui du salaire ouvrier.