Dès son apparition, et en raison de son caractère révolutionnaire, la théorie de Ruddiman a suscité à la fois soutiens et critiques. Il reçut notamment le soutien de James Hansen, directeur du NASA Goddard Institute for Space Studies (GISS) qui affirma « je me range aux côtés de Ruddiman », ainsi que d’autres scientifiques. Les critiques furent également nombreuses. La première était que l’agriculture ancienne n’aurait pu dégager les quantités de gaz à effet de serre nécessaires pour provoquer les effets évoqués par Ruddiman.
Selon Gavin Schmidt, climatologue au GISS, « il est extrêmement improbable que les faibles populations et l’étendue limitée des terres cultivées avant la révolution industrielle aient pu entraîner des émissions substantielles ». A propos de cet argument, Ruddiman et Ellis ont fait paraître en 2009 dans Quaternary Science Reviews une étude selon laquelle les premiers agriculteurs utilisaient jusqu’à dix fois plus de surface agricole qu’aujourd’hui pour produire la même quantité de nourriture, en raison de techniques rudimentaires et d’une forte rotation des surfaces cultivées. Leur impact sur l’environnement aurait donc été proportionnellement très important par rapport à leur population.
Une autre critique concerne le choix des périodes de référence. Pour déterminer que l’évolution du méthane et du CO au cours de l’interglaciaire actuel ne pouvait pas être naturelle, Ruddiman l’avait comparée à celle des trois précédents. L’hypothèse de la « glaciation évitée » suppose que l’interglaciaire actuel aurait connu un retour rapide du froid en l’absence d’influence humaine.
Mais selon des études par Michel Crucifix, Marie-France Loutre et André Berger de l’université catholique de Louvain, l’holocène pourrait encore durer naturellement de 40 000 à 50 000 ans en raison de configurations orbitales particulières. Le meilleur analogue à la situation actuelle serait un interglaciaire plus ancien (environ -400 000 ans), appelé stade isotopique 11, qui dura plus de 20 000 ans, d'après les carottes de glace prélevées en Antarctique. Cela signifie que l’absence de retour vers le froid au cours des derniers millénaires pourrait être attribuée à des causes naturelles et non humaines. Ces résultats ont été corroborés par des simulations numériques réalisées par le groupe du centre de recherche sur les impacts climatiques à Potsdam (Allemagne). Dans son livre, Ruddiman répond que la contradiction n’est qu’apparente. Selon lui, si l’on aligne les deux périodes (holocène et stade 11) sur le point où le rayonnement solaire est minimum, le résultat confirme son hypothèse : les concentrations de méthane et de CO baissent de façon naturelle pendant l’interglaciaire ancien, et la remontée observée pendant l’holocène garde donc son caractère anormal. Par ailleurs, il note que la durée du stade 11, d’après l’analyse d‘enregistrements marins, n’a guère excédé 13 000 ans et n’a peut-être en réalité duré que 6000 ans.
L’origine du carbone contenu dans le CO2 supplémentaire dégagé depuis 8000 ans est également un sujet de controverse. Selon une étude de Wally Broecker (université Columbia) en 2006 elle serait marine et non végétale : l’océan aurait rejeté du carbone dans l’atmosphère pour compenser la baisse de CO due à l’accroissement de la masse végétale au début de l’holocène, lors de la fonte des glaces. Il se base sur la répartition entre deux isotopes stables du carbone: le carbone 12 (C12) et le carbone 13 (C13). La photosynthèse des végétaux contribue à faire augmenter la proportion de C13 dans l’atmosphère, car elle capture plus de C 12. Une diminution importante de la masse végétale par la déforestation inverse ce processus, et on devrait donc constater, à partir de -8000, une baisse du C13 dans l’atmosphère. Or, selon l’étude, une telle baisse n’est pas constatée dans les bulles d’air contenues dans les carottes de glace, ce qui contredit les données de l’hypothèse Ruddiman. Broecker en est un des opposants les plus affirmés : dans un dossier du New Scientist en 2008, il la qualifie de « total non-sens ». A ceci Ruddiman répondit qu’il était normal que le carbone ne provienne pas principalement de la végétation, compte tenu du modèle en deux temps qu’il proposait pour expliquer l’augmentation du CO : un premier effet direct lié à la déforestation et responsable seulement de 25% des émissions, puis un effet indirect lié aux échanges océan/atmosphère (voir ). La majeure partie du CO proviendrait donc bien de l’océan par cet effet de rétroaction (feedback).
Dans Nature en 2009, Joachim Elsig, Thomas Stocker et al. relèvent une baisse du C13 de 0,05 pour mille, donc faible et incompatible avec l’hypothèse d’un fort dégagement de carbone dû à une déforestation massive. Comme Broecker, ils attribuent l’augmentation du CO au phénomène de compensation océanique. Pour Ruddiman, cette conclusion ne prendrait pas en compte l’ensemble des paramètres. Si la baisse du C13 est apparemment faible, c’est parce qu’elle aurait été contrariée par un puissant effet inverse : la capture de centaines de millions de tonnes de carbone par les tourbières boréales tout au long de l’holocène. Ce phénomène massif aurait poussé la proportion de C13 dans l’atmosphère vers le haut, car le C12, plus léger, est proportionnellement plus capturé. La baisse du C13 due à la déforestation aurait donc été masquée par cette tendance contraire à la hausse.
Selon lui, pour l’instant, les fondamentaux de son hypothèse (à savoir que les gaz à effet de serre se sont comportés depuis 8000 ans d’une façon jamais observée lors des périodes passées équivalentes) n’ont pas pu être expliqués de façon convaincante autrement que par l’influence des premiers agriculteurs.