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L'Invasion des profanateurs (titre original : (en) The Body Snatchers) est un roman de science-fiction de l'auteur américain Jack Finney paru en 1955. Ce roman est tout d'abord paru en français sous le titre Graines d'épouvante (1977) avant de trouver son titre français définitif en 1994.
Tout commence au mois d'octobre 1976, dans la petite ville paisible de Mill Valley, Californie. Miles Bennell, un médecin généraliste, reçoit la visite de Becky Driscoll, l'un de ses amours de jeunesse. Becky confie à Miles Bennett qu'elle s'inquiète pour sa cousine Wilma Lentz qui prétend ne plus reconnaître son oncle Ira. Miles Bennett décide alors d'accompagner Becky chez sa cousine pour la rassurer et tirer cette affaire au clair.
Sur place, le médecin ne constate aucun changement dans le comportement ou le physique de l'oncle Ira qu'il connaît pourtant depuis des années. Wilma ne réussit pas à lui expliquer clairement en quoi consiste le changement qu'elle perçoit et Miles finit par lui conseiller de consulter son ami Manfred Kaufman, un psychanalyste de San Rafael.
Mais le lendemain, de nouveaux patients consultent le docteur Bennell, arguant qu'ils ont un doute sur l'identité réelle d'un membre de leur entourage. Le mardi suivant, Miles Bennell se rend à sa réunion professionnelle hebdomadaire et tous les spécialistes s'étonnent de cette névrose qui semble être devenue contagieuse.
Dans la thématique choisie par Jack Finney, l'un des points essentiels - aussi bien d'un point de vue narratif que philosophique - est la définition de l'être humain : en quoi les doubles extra-terrestres des habitants de Mill Valley manquent-ils d'humanité alors qu'ils se comportent exactement comme leur original et possèdent tous leurs souvenirs ? La réponse de Jack Finney apparaît clairement dès le début du roman (dans les propos de Wilma Lentz) avant d'être plus longuement développée à la fin du récit (dans le dialogue entre Miles Bennett et Manfred Kaufman) : l'humanité réside dans la force créatrice et la vie émotionnelle de l'Homme qui assurent la cohésion entre ses souvenirs, son caractère et ses actes.
Même s'ils se présentent eux-mêmes comme une forme de vie intelligente supérieure, les extra-terrestres du roman semblent soumis à une simple pulsion de survie qui s'exprime dans le besoin impérieux de la reproduction de l'espèce. En revanche, par sa force créatrice et la richesse de sa vie émotionnelle, l'être humain a réussi à s'émanciper du simple cycle de la reproduction biologique pour investir les sphères de l'esprit et de la création.
Au chapitre XVI, Jack Finney laisse l'un de ses personnages critiquer les romans et bandes dessinées de l'époque et leur tendance à proposer des Martiens ou des Sélénites qui ne sont que des caricatures d'êtres humains : « On leur attribue six jambes, trois bras, une petite antenne sur la tête, on les peint en vert, mais ce sont toujours de petits hommes. » Prenant le contre-pied de cette tendance, Jack Finney propose à son lecteur une race extra-terrestre totalement étrangère à la race humaine, lui attribuant une origine vaguement végétale, mais sans jamais dévoiler tout son mystère.
L'invasion des extra-terrestres de Jack Finney frappe par sa subtilité et sa lenteur. Les entités aliens attendent simplement le sommeil de leurs victimes pour prendre leur place et leur insidieuse invasion s'effectue sans armes, ni violence. Jack Finney préfère l'angoisse induite par l'étrangeté radicale de ses extra-terrestres aux conséquences tragiques d'une extermination violente de l'espèce humaine, comme dans La Guerre des mondes de H. G. Wells.
L'idée du voyage de spores végétales à travers l'espace et leur arrivée sur la planète Terre fut exploitée en 1909 par un auteur allemand, Kurd Laßwitz, dans son roman Rosée d'étoile. La possibilité scientifique du voyage de spores végétales à travers l'espace avait été défendue au préalable par Lord Kelvin qui soutenait que le germe de la vie était arrivé sur Terre depuis l'espace.
Le danger que peut représenter la flore pour l'homme fut déjà traité en 1947, sur un ton humoristique, par l'auteur américain Ward Moore dans Encore un peu de verdure et en 1951, de manière plus dramatique, par l'auteur britannique John Wyndham dans Le Jour des Triffides. Dans les deux cas, l'intervention de l'être humain sur la flore terrestre est synonyme de danger pour l'existence de l'espèce humaine.
Les extra-terrestres du roman prennent forme humaine par mimétisme. Ils répliquent la structure moléculaire humaine et absorbent l'énergie vitale individuelle. Pour expliquer ce phénomène étrange, Jack Finney utilise différentes métaphores du double tirées du vécu de ses personnages. Miles Bennell, le héros, utilise par exemple une comparaison empruntée à la technique du développement photographique pour rendre compte de la transformation du corps extra-terrestre en corps humain. L'ectoplasme original laisse peu à peu apparaître ses traits humains, comme le fait un papier photosensible dans un bain révélateur. Theodora Belicec, en revanche, compare le processus à celui de la frappe des médailles en deux étapes. La première frappe fait apparaître les lignes principales de la gravure, tandis que la seconde apporte tous les détails nécessaires en affinant le trait. Par cette dernière métaphore, Jack Finney insinue l'idée de contre-façon. Une subtile nuance s'insinue alors entre la simple duplication technique et la contre-façon sous son aspect moral et juridique. Les extra-terrestres apparaissent dès lors comme les faux-monnayeurs de l'humanité, créant des semblants d'humains sans valeur.
Jack Finney oppose la réalité objective d'une invasion extra-terrestre à l'illusion collective d'une invasion pour des raisons psychologiques. En faisant intervenir un psychanalyste dans son roman, Jack Finney rappelle un cas étonnant d'hystérie collective qui avait défrayé la chronique américaine en 1944 : le maniaque de Mattoon (The Mad of Mattoon). Ce cas clinique, dûment analysé par les psychologues de l'époque, éclaire d'un jour nouveau les faits du roman et insinue le doute dans l'esprit même du héros, lui-même médecin et rationaliste. La seule issue dont dispose le héros du roman pour échapper aux pièges tendus par son inconscient, c'est de trouver des preuves tangibles de la réalité objective de l'invasion extra-terrestre. Le combat contre l'invasion alien passe dès lors par une lutte acharnée contre soi et contre ses propres doutes, ses convictions et ses préjugés.
Jack Finney intègre à son roman une réflexion sur le cinéma :
Pour anecdote, les deux personnages principaux du roman vont au cinéma voir un film intitulé Le Voyage de Simon Morley qui raconte l'histoire d'un homme qui a trouvé le moyen de remonter le temps. Ce film fictif est une allusion directe au roman éponyme que Jack Finney publiera quinze ans plus tard.
Le thème du roman de Jack Finney, rapidement popularisé par sa toute première adaptation cinématographique réalisée par Don Siegel en 1956, fut interprété de deux manières différentes et relativement opposées.
La première faisait du récit un pamphlet contre le fascisme représenté par la « chasse aux sorcières » du maccarthisme, tandis que la seconde s'alignait plutôt sur la ligne politique du maccarthisme qui érigeait la paranoïa anti-communiste en principe de sécurité nationale. Tout comme les profanateurs infiltraient insidieusement - et sans que personne ne remarque quoi que ce soit - une paisible petit ville américaine, on craignait que le communisme n'infiltrât subrepticement la société américaine pour la conduire à sa perte.
Sur ce second point, quelques détails romanesques du récit de Jack Finney peuvent conduire à considérer le roman comme une allégorie anticommuniste et à rapprocher ses extra-terrestres d'une vision schématique et négative du communisme :
Le réalisateur américain Don Siegel affirma en revanche n'avoir voulu dépeindre que l'indifférence, la passivité et le conformisme de ses contemporains.