Avant d'entrer dans le cabinet de Freud, Sergueï Pankejeff avait été suivi par d'autres médecins qui pensaient que le patient présentait un trouble névrotique qualifié d'état maniaco-dépressif. Freud, lui, considère plutôt l'état de l'homme aux loups comme un état suivant la guérison spontanée d'une névrose obsessionnelle.
Très préoccupé par le comportement du jeune Sergueï face aux petits animaux (qu'il torturait), son entourage décida de lui inculquer quelques principes religieux dans l'espoir que cet enseignement attendrirait son cœur. Bien que Freud se définisse comme athée et considère la religion comme une illusion (car sa structure dogmatique lui paraît mythique), il qualifie cette instruction comme un facteur d'apaisement . C'est Nania, que Freud qualifie de très pieuse et superstitieuse, qui se charge de l'éducation religieuse de Sergueï Pankejeff.
Le jeune garçon s'identifie rapidement au Christ car ils sont tous deux nés un 24 décembre. Durant son instruction religieuse, Sergueï Pankejeff percevait le Christ comme un double de lui-même et embrassait chaque soir les icônes qui décoraient sa chambre.
Si cette initiation rencontre un certain succès (l'enfant cesse de martyriser les animaux), elle est cependant très critiquée par l'enfant. Ce dernier se révolte contre la passivité du Christ face à la souffrance mais surtout contre le rôle joué par Dieu le Père durant La Passion. La religion traditionnelle ne satisfait pas l'homme aux loups, par conséquent, il se crée sa propre religion (pour reprendre les termes employés par Freud) : la névrose obsessionnelle.
Le problème de l'homme aux loups réside dans son incapacité à trouver le père symbolique dans son entourage. L'enfant n'a pas pu s'identifier à une image proprement paternelle remplissant la fonction symbolique du père. Pour cela, il n'a pas pu accomplir son complexe d'Œdipe normativant puisqu'il s'est identifié, non pas à son père, mais à sa mère. L'objet de son désir est son père. De plus, dans la famille, le père n'est pas un "père castrateur" aussi bien dans ses actes que dans ses paroles (ce sont les femmes de son entourage qui jouent ce rôle), il se montre même extrêmement tendre avec son fils.
Pourtant, Sergueï Pankejeff, pour des raisons liées à la séduction qu'il a subie recherche et fuit le père symbolique castrateur. Un père qui, contrairement à son vrai père, aurait avec lui des rapports punitifs. L'enfant a une attitude provocatrice et recherche la satisfaction : être puni par le père.
Les critiques que l'homme aux loups formule contre la religion tiennent leur origine du fait que le Dieu présenté à l'enfant ne tient pas pour lui la place du père symbolique mais aussi parce qu'il essaie de chasser de son cœur son véritable père.
D'où sa révolte contre le masochisme affecté par son " double " dans les saintes écritures : le Christ (qui, lui, a laissé le père symbolique prendre la place de son vrai père : Josef et est mort pour lui).
La religion sert également de prétexte pour justifier la névrose obsessionnelle.
Freud considère cette maladie comme une religion privée ce qui lui permet de faire apparaître la névrose comme la dégradation d’une organisation symbolique forte.
Dans son livre Modèle:Psychoses, Névroses et Perversion: Freud affirme que les pratiques religieuses sont identiques aux pratiques des obsessionnelles (scrupulosité dans l’exécution des détails, conviction que si le rituel n’est pas accomplit des catastrophes se produiront, toute puissance des idées, une certaine stéréotypie du rite…) à ceci près que le névrosé accomplit ses rituels seul et surtout que les rites du névrosé apparaissent aux communs des mortels comme dénué de sens.
Lorsqu'il était enfant, Sergueï Pankejeff expirait dès qu'il croisait un mendiant ou un infirme et attribuait une propriété magique à ce souffle expiré. En réalité, Freud pense que cette expiration servait à éloigner du patient ces images représentant le mauvais père mais aussi la menace de la castration dont les mendiants et infirmes étaient le paradigme.
Freud relie ce souffle à la forte respiration du père entendu par l'enfant lors de la scène primitive. Enfin, le fait d'embrasser systématiquement les icônes ornant sa chambre était une forme de défense contre les mauvaises pensées formulées par l'enfants en réaction contre le père symbolique castrateur.
La religion servit également de moyen pour l'enfant de s'éloigner des femmes de sa famille. Tout d'abord de sa mère, à laquelle il s'identifiait et qui avait été le support de son homosexualité, et de sa sœur séductrice, représentant, à présent à ses yeux, une tentatrice.
L'attrait pour la religion du patient disparut lorsque celui-ci rencontra un précepteur allemand anti-religieux qui incarna pour lui le père symbolique. Il affectionnait tant cet homme que, toute sa vie durant, il privilégia, par identification avec cet homme, l'élément allemand.