La Peur géante est le quatrième roman de l'auteur français Stefan Wul, et le troisième à paraître aux Éditions « Fleuve Noir » en 1957. Le récit, divisé en vingt chapitres, se distingue du reste de la production de l'auteur en situant son action sur la planète Terre dans un avenir en parfaite continuité avec le monde de 1957. Dans La Peur géante, pas de planètes lointaines, pas de mondes extra-terrestres, pas d'apocalypse, c'est de l'homme terrestre et de sa survie qu'il est question.
Comme dans Oms en série ou Niourk, Stefan Wul prête à ses personnages des propos sans ambiguïté sur les causes du déclin des civilisations : l'affaiblissement des Hommes dû à un trop grand confort technologique. L'attaque des Torpèdes est par conséquent présentée comme l'occasion de réveiller les forces vives de l'humanité contrainte de faire preuve de pugnacité et de sortir de la relative torpeur induite par un monde techniquement assisté.
Le propos de Stefan Wul dans ce roman n'est à aucun moment écologique. Si les causes de la révolte du peuple marin des Torpèdes sont clairement énoncées par les personnages du récit (surexploitation des mers et réduction de l'espace vital des espèces marines par assèchements successifs des océans), la solution envisagée est défensive et sans réflexion sur l'équilibre écologique de la planète, un thème qui ne fera son apparition que quelques décennies plus tard.
Pour régler le problème posé par les dangereux Torpèdes, l'auteur s'est sans doute souvenu de la solution bactériologique proposée par H. G. Wells dans La Guerre des mondes.
Les Torpèdes, quoique dotés d'une civilisation très avancée (capacité à modifier les caractéristiques fondamentales de l'eau, soucoupes volantes, agriculture sous-marine, musées), ne sont traités que comme des horreurs, qu'on a soin de retransformer en poissons stupides, tout en essayant de récupérer leur techniques et leur science. Comme dans La Guerre des mondes, il n'est pas question de dialogue des civilisations.
L'œuvre de science-fiction de Stefan Wul traite bien souvent du thème de la colonisation. Dans La Peur géante, le contexte historique de la colonisation française du Maghreb élargi est intégré au roman et développé spéculativement en une grande nation unifiée et autonome, « l'Afrance ». Cette vision d'une France coloniale unifiée et largement développée s'oppose à une réalité historique qui voit, par exemple en Algérie dès 1954, des mouvements de guérillas revendiquer l'indépendance.
La vision romanesque d'un territoire fictif nommé « Afrance » avait déjà été anticipée, mais de manière très allusive, dans le roman de Stefan Wul paru juste avant, cette même année 1957 : Rayons pour Sidar. En effet, le héros de cet autre roman, Lorrain 1613 A.C., est présenté sans plus d'explications comme un « Afrançais ».
Il n'en reste pas moins que lors de leurs compétitions amicales, le héros Bruno, "géant blond" et ingénieur, donne toujours un peu d'avance à son ami noir Pol, journaliste. Les Torpèdes ne s'y trompent pas, car l'unique humain femelle de leur zoo est "une très belle femme blonde", qui heureusement meurt pendant son sauvetage, évitant un choix douloureux au héros qui revient à sa fiancée chinoise, également journaliste.
La hiérarchie sociale esquissée est la suivante : savant > patron - gérant - ingénieur - officier - médecin > journaliste > chauffeur de taxi - domestique - contrôleur de bus - garçon de bain.