Masse de la Terre - Définition

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Masse de la Terre et déviations de la verticale

Expériences de Bouguer au Chimborazo

Lors de l'expédition en Équateur, Bouguer a en fait essayé de déterminer la densité moyenne de la Terre par deux méthodes différentes. Ses observations n'ont pas abouti à des valeurs précises, mais elles ont donné lieu dans les décennies suivantes à des raffinements. Ceux-ci ont finalement conduit à des valeurs de <ρ> lesquelles, sans être très précises, ne sont pas loin de la bonne valeur. La première des méthodes employées par Bouguer est celle préconisée par Newton, à savoir mesurer la déviation de la verticale produite par une montagne, la seconde fait intervenir seulement des mesures pendulaires et a été inventée et mise au point par Bouguer lui-même.

En 1738, Bouguer tenta de déterminer la densité moyenne (et donc la masse) de la Terre en effectuant des mesures de la déviation de la verticale provoquée par l'attraction d'une montagne située à proximité de la station d'observation. Pour son expérience, il choisit le volcan Chimborazo (6250 m d'altitude, situé à la latitude de 1°25’S), montagne appartenant à la Cordillère des Andes et possédant une forme suffisamment régulière pour estimer la position du barycentre. Une première station fut établie sur le versant sud à une altitude de 2400 toises (un peu moins de 4700 mètres) située sur le même méridien que le barycentre approximatif. On y fit des observations méridiennes d'un groupe d'étoiles boréales et d'un groupe d'étoiles australes, respectivement. Suite à la déflexion du fil à plomb d'une quantité δ due à l'attraction du Chimborazo proche, la hauteur apparente des étoiles du groupe boréal devait être inférieure à la hauteur réelle (c'est-à-dire à la hauteur qu'on observerait à la même latitude et au même moment dans une région dénuée de topographie) de la quantité δ, tandis que la hauteur apparente des étoiles du groupe austral devait être supérieure à la hauteur réelle d'une quantité δ. Or, comme il ne connaissait pas la hauteur réelle des étoiles observées, Bouguer fit établir une seconde station à 174 toises en contrebas et à environ 3500 toises à l'ouest de la première station, pour y effectuer des mesures similaires sur les mêmes étoiles. L'ensemble de ces mesures permettait d'écrire des équations d'observations qu'on pouvait utiliser pour éliminer les hauteurs réelles inconnues. Bouguer calcula que la déviation théorique de la verticale, compte tenu du volume de la montagne, devait se chiffrer à δth ≅ 1’43’’ρ'/ρ, si ρ' est la densité moyenne des roches constituant la montagne. La valeur qu'il mesurait était ρmes ≅ 8’’. On en déduit un rapport ρ/ρ' plus grand que 12, alors que la vraie valeur en est voisine de 2. Bouguer se rendit évidemment compte que ses déterminations de ρ/ρ' tombaient loin de la réalité, à moins d'accepter l'idée que le Chimborazo ne fût creux. En réalité, les expériences de Bouguer n'étaient que des tentatives infructueuses qui devaient plus tard servir de modèle à d'autres expériences du même type.

Expériences de Maskelyne au Mt. Schiehallion

De nouvelles mesures de déviation de la verticale allaient être l'œuvre d'une équipe de savants britanniques. En effet, l'astronome Nevil Maskelyne (1732–1811) proposa en 1772 une répétition de l'expérience du Chimborazo, dans des conditions climatiques et sociales moins pénibles. À cette fin, une commission de la Royal Society de Londres sélectionna le mont Schiehallion (ou mont Schehallien) dans le Perthshire en Écosse. Cette montagne, dont le sommet s'élève à 1010 m, possède une courte arête orientée est-ouest, et des pentes abruptes au nord et au sud. Elle se prêtait fort bien aux expériences bien que sa masse, et par conséquent son effet sur la direction de la verticale du lieu, fût évidemment beaucoup moindre que celle du Chimborazo. On fit des relevés soignés entre les années 1774 et 1776, qui conduisaient à établir deux stations sur le même méridien, l'une sur le versant nord, l'autre sur le versant sud. En chacune des stations, Maskelyne effectua quelque 170 déterminations de distances zénithales apparentes de plus de 30 étoiles, et trouva pour les deux stations une différence de hauteur moyenne de 54’’,6. La différence entre cette valeur et la différence de latitude mesurée (42’’,9), soit 11’’,7, fut attribuée à la déviation de la verticale causée par la montagne. Le géologue écossais James Hutton (1726–1797), l'un des fondateurs de la géologie moderne, ainsi que le physicien britannique Sir Henry Cavendish (1731–1810) participèrent aux calculs, qui donnèrent le résultat ρ ≅ 1,79ρ'. Une première estimation de la densité de la montagne, ρ' ≅ 2,5 g/cm³, fixait la densité moyenne de la Terre à ρ ≅ 4,5 g/cm³. Plus tard, en 1821, le mathématicien écossais John Playfair détermina avec plus de soin les densités de diverses couches de roches du mont Schiehallion. Il arriva ainsi à amener l'estimation de ρ dans une fourchette allant de 4,56 à 4,87 g/cm³. En 1821, on adopta finalement la valeur ρ = 4,95 g/cm³. Beaucoup plus tard, en 1855, R.E. James et A.R. Clarke répétèrent l'expérience du mont Schiehallion sur les flancs du « Arthur's Seat » (Siège d'Arthur), un ancien volcan se trouvant tout près d'Édimbourg. Ils obtinrent la valeur assez réaliste ρ = 5,3 g/cm³.

Isostasie et limites de la méthode de déviation de la verticale

Les expériences au fil à plomb montrèrent qu'il n'est guère possible de déterminer la masse de la Terre à mieux de 10% près par la méthode de la déflexion de la verticale. La raison en réside surtout dans une certaine compensation des effets d'attraction des montagnes par un mécanisme appelé « isostasie ». En répétant en 1849 l'expérience de Bouguer dans les Pyrénées, Petit se rendait compte que tout se passait comme si les Pyrénées repoussaient un peu le fil à plomb au lieu de l'attirer. En particulier, Petit calcula l'influence de la chaîne des Pyrénées sur la direction du fil à plomb à Toulouse et trouva que la valeur observée était très inférieure à la valeur théorique. En fait, on se rendit vite compte que cette constatation s'appliquait de façon quasi-générale et que l'attraction des montagnes était plus petite que les valeurs qu'on calculait en supposant que la matière sous-jacente avait une densité normale. Le mont Schiehallion et l'Arthur's Seat constituent des exceptions notables, sans doute à cause de leurs étendues limitées qui ne permettent guère la compensation isostatique.

L'histoire de ce concept géodésique important qu'est l'isostasie est envisagée avec quelques détails dans l'article intitulé « Figure de la Terre: l'ellipsoïde et le géoïde ». Pour le moment, revenons-en à la détermination de la masse de la Terre et à la méthode pendulaire inventée par Pierre Bouguer à cet effet.

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