Michel Ragon - Définition

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Les enthousiasmes de Michel Ragon

La littérature prolétarienne

Alors qu'il vit encore à Nantes, Michel Ragon, très impressionné par la lecture de Jean Guéhenno (Caliban parle), découvre que l'exercice de la littérature n'est pas réservé à la bourgeoisie. Il entame une correspondance avec des écrivains autodidactes comme lui, Ludovic Massé, Emile Guillaumin, et surtout Henry Poulaille. Il commence une étude sur "Les écrivains du peuple". En arrivant à Paris en 1945, il s'empresse d'aller rencontrer Poulaille à son bureau des éditions Grasset. Grâce à l'accueil chaleureux de celui-ci, il rencontre de nombreux écrivains prolétariens. Profitant de la jeunesse enthousiaste de Ragon, Poulaille espère alors reformer le groupe des écrivains prolétariens dispersé par la guerre, notamment autour de la revue Les cahiers du peuple (1946-1947) dont Ragon est le rédacteur en chef. Ragon devient l'historien de la littérature prolétarienne : il publie en 1947 son premier livre, Les Écrivains du peuple, qui reçoit un bon accueil, et qu'il retravaillera à plusieurs reprises. Il publie des articles dans les revues Maintenant (Poulaille), Les Cahiers du Travail (48-50), Peuple et Poésie (Jean L'Anselme) (48-50). En 1953 il publie une nouvelle version de son ouvrage, titré Histoire de la Littérature ouvrière. De 1958 à 1974, pris par d'autres passions, brouillé avec Poulaille à cause de ses gouts artistiques trop modernes, il cesse d'écrire sur la littérature prolétarienne. Il y revient en 1974 avec son Histoire de la littérature prolétarienne de langue française (dont une édition augmentée paraitra en 1986). En 1979, il renoue avec Henry Poulaille, juste avant son décès. Il préface son roman paru à titre posthume (1980) Seul ds la vie à 14 ans.

Il parraine le Salon du livre d'expression populaire et de critique sociale d'Arras et il est président d'honneur de la Société Octave Mirbeau.

La voie libertaire

Lorsque Michel Ragon débarque à Paris à la Libération, le milieu des écrivains prolétariens et le milieu anarchiste sont intimement liés. Henry Poulaille fait rencontrer à Ragon Rirette Maitrejean et Edouard Dolléans. Ragon se lie d'amitié avec le poète Armand Robin qui lui fait lire Le Libertaire, et l'oriente vers la FA où il rencontre Maurice Joyeux, Brassens et bien d'autres. Il rencontre Georges Conchon, Daniel Guérin, Gaston Leval... Admirateur de Rousseau, de Proudhon et de Fourier, Ragon affirme son anti-marxisme dans le pamphlet Karl Marx publié en 1959. En 1962, il soutient Louis Lecoin en grève de la faim pour obtenir un statut pour les objecteurs de conscience.

Dans ses différents métiers, il exerce une activité syndicale. Dès 1946 il écrit dans des journaux comme Le monde ouvrier ou L'émancipation paysanne. En 1955, il devient secrétaire du Syndicat des bouquinistes. De 1966 à 1969 il est président du Syndicat des critiques d'art (AICA-France), puis président de l'AICA (Association Internationale des critiques d'Art). Dans les années 70 jusqu'en 1985, devenu enseignant, il est membre du SGEN-CFDT.

Dans les années 80, il collabore au Monde Libertaire, il défend Radio Libertaire quand celle-ci est plusieurs fois menacée d'interdiction.

Ragon n'est pas un théoricien de l'anarchisme. Pour lui, l'anarchie est affaire de fidélité et d'amitiés (Louis Lecoin, Maurice Joyeux, mais aussi André Breton, Félix Fénéon, Jean Dubuffet, Noam Chomsky, John Cage, Daniel Cohn-Bendit, Georges Brassens, Léo Ferré, Albert Camus…).

La critique d'art

Ami dès 1943-1944 des peintres nantais James Guitet et Martin Barré, Michel Ragon fréquente dès 1946 les galeries parisiennes où il découvre les toiles de jeunes peintres abstraits alors totalement inconnus : Hans Hartung, Jean-Michel Atlan, Pierre Soulages, Serge Poliakoff, Gérard Schneider...

Il est aussi un des premiers amateurs de l'Art Brut : dès 1946 il rencontre Gaston Chaissac et lui consacre un article dans la revue de Poulaille, Maintenant. Il devient ami de Jean Dubuffet. En 1983, il préfacera un catalogue pour La Fabuloserie de son ami l'architecte Alain Bourbonnais.

Il devient également en 1949 le correspondant français des artistes du groupe Cobra (Jorn, Dotremont, Appel, Corneille, Constant, Pierre Alechinsky…). A cette occasion, il voyage au Danemark.

Comme il est un des rares à s'intéresser alors à tous ces artistes abstraits ou "informels", il devient critique d'art par hasard, par amitié... A partir de 1948, il publie des articles plus ou moins régulièrement dans les revues Arts, Neuf (revue de Robert Delpire), Le Jardin des Arts, Arts-Loisirs, Galerie des Arts, Les Echos. Il anime la revue Cimaise (revue de l'art abstrait) de 1953 à 1963, puis de 1967 à 1974. Il publie L'aventure de l'art abstrait en 1956. Dans les années 50 et 60, il continue à défendre de nouveaux peintres et sculpteurs : Jean Fautrier, Marta Pan, Alexander Calder, Francis Bacon, Louise Nevelson, des peintres de l'école de New-York (Franz Kline, Mark Rothko, Robert Rauschenberg, Jasper Johns), Antonio Saura, Dado, Jacques Poli...

Cet intérêt pour des formes d'art peu prolétariennes amènera sa brouille avec Henry Poulaille. Mais Ragon n'a jamais accepté de se laisser enfermer dans aucune chapelle, il s'intéresse à de multiples sujets : la musique contemporaine (Iannis Xenakis, Olivier Messiaen, Eric Satie...), la danse contemporaine (Maurice Béjart), le théâtre d'avant-garde (Arthur Adamov, René de Obaldia..., puis Tadeusz Kantor).

Il publie plusieurs ouvrages consacrés au dessin d'humour et à la caricature. Ses amis dessinateurs l'élisent président d'honneur de la SPH (Société protectrice de l'humour) de 1967 à 1976.

L'architecture

À partir du milieu des années 1960, il ralentit peu à peu son activité de critique d'art pour se consacrer à l'histoire de l'architecture, et à l'urbanisme, notamment celui imaginé par les grands utopistes à partir du XIXe siècle (le phalanstère de Fourier, Jean Baptiste Godin ou la Cité Radieuse de Le Corbusier), mais aussi celui rencontré dans ses nombreux voyages (Japon, États-Unis, Argentine, Brésil, URSS, etc.) Passionné par Le Corbusier, il fonde en 1965 le GIAP (Groupe International d'architecture prospective) avec des architectes de France (Paul Maymont, Guy Rottier, Jean-Louis Chanéac, Yona Friedman), de Suisse (Walter Jonas, Pascal Haussermann), du Japon (Kenzō Tange, Akira Kurosawa), d'Angleterre (groupe Archigram, Quarmby), d'Allemagne (Frei Otto), du Mexique (Mathias Goeritz). Il publie de nombreux livres, des chroniques dans L'Express et dans la revue Planète.

A partir de 1964, il commence à vivre de son travail de recherche et quitte son emploi de bouquiniste.

Le retour aux racines vendéennes

Suite au décès de sa mère en 1976, Michel Ragon commence à écrire un roman qui parait en 1980 : L'accent de ma mère. Ce récit rencontre un grand succès, et Ragon continue son travail de mémoire familiale par un roman sur sa demi-soeur ramenée d'Indochine par son père militaire (Ma soeur aux yeux d'Asie, 1982). Avec l'appétit de lectures et de recherches qui le caractérise, Ragon va vite dépasser le cadre familial de ces deux romans. Comme l'écrit Aliette Armel, "il étend très vite son devoir de mémoire au-delà de sa propre famille. Confronté aux guerres de Vendée, il est frappé par une évidence : il s'agit d'une révolte paysanne et non d'un soulèvement fomenté par l'aristocratie et les prêtres..." (Les itinéraires de Michel Ragon, pp. 147-148).

A travers ses romans (Les Mouchoirs rouges de Cholet, La louve de Mervent, Le Marin des Sables, Le Cocher du Boiroux…), à travers des essais (1793. L'insurrection vendéenne et les malentendus de la liberté), des préfaces (Hervé Louboutin, Le Puy du Fou, une culture en fête, 1982 ; Actes du colloque "Vendée, chouannerie, littérature", Université d'Angers), des entretiens (Enfances vendéennes, Ma Vendée), Ragon entreprend alors de "dépoussièrer" l'histoire mal connue de la Vendée. Ce nouvel enthousiasme de Ragon a parfois été mal compris. Certains assimilent cet intérêt pour la Vendée à un rapprochement politique avec Philippe de Villiers. Pourtant, si ce dernier, en bon politicien, a logiquement tenté de s'annexer l'intérêt suscité par Ragon pour la Vendée [1] , l'écrivain, lui, a toujours tenu des propos sans ambiguité : "J’ai dépoussiéré la Vendée, je lui ai redonné une histoire qu’elle avait perdue, mais je pense qu’elle l’a reperdue aujourd’hui parce que toutes les tendances réactionnaires s’en sont emparées à nouveau." ([2]) Ou ce propos de cet antimilitariste et pacifiste de toujours : "C'est une chose que j'ai reprochée, par exemple, à Philippe de Villiers pour son spectacle au Puy-du-Fou : les protestants n'y figurent pas. Il y a dans le texte du Puy-du-Fou une belle image d'une petite fille tambour dans l'armée de Stofflet qui fut tuée par l'armée républicaine. On aurait pu mettre en regard l'enfant Bara tué par les Vendéens. J'aurais aimé cette image de ces deux enfants victimes d'une guerre fratricide" (Ma Vendée, p. 34)

Michel Ragon a été président du « Prix Ouest » [3] . En 2000, le Conseil général de Vendée, a fait appel à lui pour l'organisation d'une exposition intitulée : « Le Musée du XXe siècle de Michel Ragon », qui s'est tenue à l'Hôtel du département à La Roche-sur-Yon, du 14 avril au 7 juillet 2000 [4] . Il a été élu membre de l'Académie de Bretagne.

Sources : Michel Ragon, J'en ai connu des équipages, entretien avec Claude Glayman, JCLattès, 1991 ; Michel Ragon, Ma Vendée, entretiens avec Maurice Chavardès, Ed. Christian de Bartillat, 1994 ; Plein Chant n° 64-65 : Michel Ragon parmi les siens, 1998 ; Aliette Armel, Les itinéraires de Michel Ragon, Albin Michel, 1999

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