En physique, le paradoxe des jumeaux (parfois appelé paradoxe de Langevin) est une expérience de pensée qui semble montrer que la relativité restreinte est contradictoire. En fait, le paradoxe n'a jamais été véritablement considéré comme une difficulté par la plupart des physiciens, Albert Einstein en ayant donné une résolution en même temps qu'il le présentait en 1911. Dans les ouvrages d'enseignement, il est mis en avant pour ses vertus pédagogiques et peut être l'occasion de se livrer à des calculs précis sur le ralentissement des horloges.
Des frères jumeaux sont nés sur Terre. L'un fait un voyage dans l'espace en fusée à une vitesse proche de celle de la lumière. D'après le phénomène de ralentissement des horloges en mouvement de la relativité restreinte, celui qui est resté sur terre voit que celui qui voyage vieillit moins vite que lui. Mais celui qui voyage voit son frère s'éloigner à grande vitesse de lui et, d'après le même phénomène, voit le frère resté sur Terre vieillir moins vite que lui. Ainsi d'après ce raisonnement utilisant la relativité restreinte, chacun voit l'autre vieillir moins vite alors qu'en réalité, au retour du voyageur, ils ne peuvent être tous les deux plus vieux que l'autre.
En réalité, les situations des jumeaux ne sont pas symétriques : le sédentaire coïncide avec un seul repère galiléen (en général celui de la Terre, car pour que l'effet soit notable le caractère non-inertiel du référentiel du voyageur doit être vraiment plus marqué que celui de la Terre) pendant toute la durée du voyage, tandis que le voyageur effectue un demi-tour et coïncide ainsi avec au moins deux repères galiléens successifs. Cette différence fait que la relativité restreinte s'applique différemment à l'un et à l'autre, notamment le « ralentissement des horloges en mouvement » n'est vrai sur l'ensemble du voyage qu'aux yeux du frère restant dans un seul référentiel inertiel. Au final, c'est celui qui a fait l'aller-retour dans la fusée qui a vieilli moins vite que celui qui est resté sur Terre.
Les conclusions de la relativité restreinte concernant les mesures de durées sont brillamment éclairées par la différence des durées de vie des muons ultra-relativistes créés dans la haute atmosphère à partir des rayons cosmiques et de ceux produits en laboratoire. Mais à partir de 1971, des vérifications directes du paradoxe furent possibles : des avions à réaction embarquèrent des horloges atomiques tandis que des horloges similaires synchronisées restaient au sol. Lorsque les avions suivaient le mouvement de la Terre, à leur retour, les horloges embarquées avaient retardé de quelques milliardièmes de seconde sur les horloges restées au sol, un écart en parfait accord avec la théorie de la relativité (des corrections plus fines liées à la relativité générale ont également été mesurées). Le décalage s'inverse si l'avion parcourt la Terre dans le sens opposé à sa rotation (pour bien comprendre ces expériences, il faut tenir compte de ce que le référentiel terrestre n'est lui-même pas galiléen). Toutes corrections faites, ces expériences n'ont fait que confirmer, avec une précision de plus en plus grande, les prédictions de la théorie.
Au sujet de la dilatation du temps prédite par la relativité restreinte, Albert Einstein indique en 1911 :
« Si nous placions un organisme vivant dans une boîte … on pourrait s'arranger pour que cet organisme, après un temps de vol aussi long que voulu, puisse retourner à son endroit d'origine, à peine altéré, tandis que les organismes correspondants, qui sont restés dans leur position initiale auraient depuis longtemps cédé la place à de nouvelles générations. Car pour l'organisme en mouvement, la grande durée du voyage était un court instant, à condition que le mouvement ait été effectué quasiment à la vitesse de la lumière. »
La même année, Paul Langevin développe cette expérience de pensée sous une forme qui passe à la postérité : « le boulet de Jules-Verne Langevin » où il relate de manière réaliste le déroulement de la vie de deux frères jumeaux dont l'un voyage à une vitesse proche de la lumière et l'autre reste sur Terre. Cet exposé, lors de la Conférence au Congrès de philosophie de Bologne en 1911, permet de populariser la notion du temps en relativité et d'illustrer la révolution philosophique qu'elle apporte.