Place Royale | |
---|---|
| |
Situation | |
Coordonnées | |
Pays | France |
Région | Pays de la Loire |
Ville | Nantes |
Morphologie | |
Type | Place |
Histoire | |
Monuments | Fontaine |
modifier |
La Place Royale, située au cœur de Nantes, a été conçue en 1788 par l’architecte nantais Mathurin Crucy.
Crucy, également le concepteur de la Place Graslin, la relia à la place Royale par la rue Crébillon.
Il respecta, pour la place Royale, les principes de l’architecture classique : symétrie des façades, rigueur du plan, ouverture des perspectives. Une fontaine, symbole de la ville, trône en son centre.
À l'origine, l'emplacement était occupé par le Boulevard Saint-Nicolas, bastion avancé construit vers 1500, défendant l'accès de la Porte Saint-Nicolas, elle-même percée dans l'enceinte de Pierre Ier de Bretagne, et reconstruite depuis 1144 (celle-ci s'ouvrait entre deux tours baptisées en l'honneur du Baillistre et de son épouse : Tour de Pierre de Bretagne, au nord, et Tour d'Alix de Bretagne, au sud). Cette porte et ses deux tours furent démolies en 1790. Puis, le conseil municipal du 3 octobre 1791 évoque la nécessité de déblayer « les pierres qui y sont empilées provenant de la démolition du Cavalier (bastion fortifié) qui existait sur cette place » ; le même conseil vote la construction d'un corps de gardes nationaux avec adjonction d'une fontaine destinée à remplacer le puits situé antérieurement sur le parvis de l'église Saint-Nicolas toute proche, aujourd'hui dénommé Place Félix Fournier.
Le projet avorte mais est remis à l'ordre du jour quelque cinquante-huit ans plus tard, le 27 avril 1849, par l'architecte en chef de la ville, Driollet, qui propose l'édification d'une fontaine monumentale et une nouvelle disposition de la place désormais baptisée « de l'Égalité » (elle prendra son nom actuel vers 1851). Son projet prévoit la mise en place de larges trottoirs avec bancs en pierre tout autour de la place, un nouveau nivellement, une nouvelle disposition du pavage et enfin une fontaine monumentale en fonte de fer combinant dans le même ensemble la lumière d'un brillant éclairage comme point central de la place : « le fond du bassin serait garni d'une platebande de gazon avec fleurs de saison et allée sablée d'entourage ; l'emplacement du plateau destiné à recevoir la grande vasque en tablier serait planté pyramidalement une corbeille d'arbustes fleuris de différentes espèces qui serait éclairée par une première ceinture de candélabres qui remplaceraient provisoirement les figurines portant des lanternes au gaz ; une deuxième ceinture de candélabres serait également placée en dehors du trottoir ». La fontaine en elle-même est ainsi décrite : « Au sommet du monument, une statue allégorique de la ville de Nantes ; à ses pieds, sur trois piédestaux correspondant aux carrefours des trois voies principales, sont groupées nos trois rivières, la Loire, dans l’axe de la rue Crébillon ; l’Erdre, dans l’axe du carrefour des rues Saint-Nicolas et de l’Arche-Sèche ; la Sèvre, dans l’axe du carrefour de la rue d’Orléans et de la rue de La Pérouse ; les trois nymphes qui représentent ces rivières portent trois urnes, d’où s’échappent trois chutes d’eau, qui retombent dans une large vasque ornée de six rostres de navires surmontés de lanternes à gaz. L’eau se trouve ainsi divisée par les rostres en six nappes séparées, laissant entre elles un espace qui permet de juger le piédouche de la vasque. Ce piédouche porte sur un vaste stylobate divisé par six riches piédestaux en consoles, supportant six génies assis sur des dauphins jetant de l’eau. Ces génies pourraient personnifier les principales branches commerciales et industrielles de Nantes ».
Mais la Ville recule devant la dépense et demande à l'architecte d'étudier l'idée d'un « grand candélabre monumental réunissant vingt-quatre lanternes en un faisceau lumineux ». Le projet est lui aussi remisé.
En 1854, le statuaire Daniel Ducommun de Locole et Driollet reviennent à la charge. S'ensuivent plusieurs années de discussions, d'atermoiements et de demandes de modifications. Ainsi, le 24 mars 1857, la commission départementale des bâtiments civils « approuve la disposition générale et les proportions du projet. C’est une véritable fontaine dans laquelle l’eau joue le rôle qui lui appartient, tout en laissant à la sculpture et à la décoration une large place. La sculpture ajoutera une valeur immense à la fontaine de la place Royale. Le programme, la composition, l’agencement des statues n’ont donné lieu à aucune observation. La figure de la Loire seule a été l’objet de critiques. La majorité des membres présents est portée à penser que la fontaine ne pourrait que gagner à la suppression pure et simple de cette statue. On rétablirait ainsi l’ordonnance symétrique qui convient à une fontaine isolée. La face principale serait suffisamment indiquée par la statue debout, tournée vers la rue Crébillon. Dans cette hypothèse, la Loire couchée prendrait place sur l’un des piédestaux, ou serait substituée au centre de la fontaine à la statue banale de la Ville de Nantes. D’autres membres au contraire insistent pour conserver la figure de la Loire qui forme, avec les figures voisines de l’Erdre et de la Sèvre, l’idée fondamentale de la composition et son motif capital. Toutefois, si la figure de la Loire est conservée, elle devra subir des modifications et dans son attitude et dans son drapée. Elle est trop nue, serait mal accueillie par une grande partie de notre excellente population. Il semble d’ailleurs que notre fleuve serait beaucoup mieux personnifié sous des traits masculins que sous les traits d’une jeune femme, et la composition ne pourrait que gagner à ce changement ».
Le 28 septembre 1859, l'évêque de Nantes exprime au maire « le regret profond » qu'il aurait « de voir s’élever, dans la ville de Nantes, un monument en opposition avec les sentiments religieux de la population ou avec les règles de la morale publique. Vous avez bien voulu me donner l’assurance que vous feriez tous vos efforts pour que les statues, destinées à l’ornement de la fontaine, n’offrissent rien de répréhensible sous le rapport de la décence. Vous comprenez, comme moi, quel fâcheux effet produiraient, au milieu d’une population religieuse et jusqu’à présent heureusement étrangère à de telles représentations, des statues demi-nues ou exécutées dans des attitudes inconvenantes. Les parents en seraient réduits à redouter pour leurs enfants ce dangereux spectacle(...) ». Le sénateur-maire Ferdinand Favre rassure le saint homme : « Cédant aisément à mes observations qui s’appuyaient d’ailleurs sur l’avis du Conseil des Bâtiments civils, l’habile statuaire n’a point hésité à s’engager à draper entièrement la statue de la Loire qui doit surmonter le monument. Je viens d’écrire néanmoins à M. Ducommun pour appeler toute son attention sur l’attitude des figures allégoriques qui seront placées aux quatre angles de la fontaine. Je le prie de vouloir bien faire en sorte que ces figures ne présentent aucune signification blessante pour la pudeur, en ce qu’elles soient voilées s’il le faut autant que peuvent l’admettre les convenances de l’art. » En 1861, le projet prend tournure. La fonte de fer sera remplacée par du bronze, l'exécution de l'ouvrage est confiée au fondeur Voruz. Chaque statue est coulée au fur et à mesure de l'exécution des modèles. Au début du mois de mars 1865, l'édification du monument s'achève, commentée ironiquement par Le Phare de la Loire (8 mars 1865) : « On a placé, ce matin, sur le sommet de la fontaine de la place Royale une statue qui, telle qu’elle est, remplit entièrement le programme de nos pudibonds ennemis des nudités sculpturales. Cette statue se trouve, en effet, recouverte d’un voile épais. Elle tient dans ses mains emmaillotées un bouquet de fleurs naturelles ; on dirait un domino gris s’apprêtant à aller au bal masqué de la Mi-Carême. Dans tous les cas, nous nous ferions un reproche de trahir son incognito ». La fontaine est inaugurée le 16 mars. Les quolibets continuent, la statue de la Loire est surnommée « Mme Jacquemet » (du nom de l'évêque à l'origine de son « emballage » dans d'épaisses draperies). Mort deux ans plus tôt, Driollet ne verra pas la concrétisation de son projet.