Le théorème d'impossibilité d'Arrow, également appelé « paradoxe d'Arrow », est une confirmation mathématique dans certaines conditions précises du paradoxe évoqué par Condorcet selon lequel il n'existerait pas de fonction de choix social indiscutable, permettant d'agréger des préférences individuelles en préférences sociales. Pour Condorcet, il n'existait pas de système simple assurant cette cohérence. Arrow tente de démontrer, sous réserve d'acceptation de ses hypothèses, qu'il n'existerait pas du tout de système assurant la cohérence, hormis celui où la fonction de choix social coïnciderait avec les choix d'un seul individu, parfois surnommé dictateur, indépendamment du reste de la population.
Ce théorème est dû à Kenneth Arrow, lauréat 1972 du Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel, lequel l'a exposé dans sa thèse et l'a publié en 1951 dans son livre Choix social et valeurs individuelles (Social Choice and Individual Values).
Si un individu ayant des préférences classe une option A devant une option B, la présence d'une troisième option C toutes choses égales par ailleurs ne doit pas en principe intervertir cette préférence. On dit que cela manifeste la cohérence de son choix.
Pour les mathématiciens, ce que les économistes appellent « préférences » correspond à un pré-ordre complet ou, à la limite, un ordre complet (on parle alors de « préférences strictes »).
De façon similaire, les « préférences » d'un individu correspondent à l'ordre qu'un individu établit entre des options qui s'offrent à lui. Ces préférences sont dites strictes lorsque l'individu ne classe jamais deux options ex-æquo. Pour que la description de cette notion soit complète, on suppose que l'ordre qu'un individu établit entre les différentes options existantes n'est pas modifié par l'ajout d'options supplémentaires.
Un profil de préférences est le nom donné à un « groupe » de préférences individuelles. On nomme préférences sociales des préférences qui valent au niveau social.
Il s'agit d'agréger un ensemble de préférences individuelles en un ensemble de préférences sociales, autrement dit un ensemble d'ordres individuels en un ordre social.
Quelques exemples:
On nomme fonction de choix social l'opération de passage des préférences individuelles vers une préférence collective.
La démonstration est très technique et repose sur plusieurs lemmes que l'on déduit de cas particuliers. Le plus souvent, on suppose l'existence d'une procédure de choix social vérifiant les conditions d'universalité, d'unanimité, et d'indifférence aux options non pertinentes, et l'on montre que cette procédure coïncide avec les choix d'un individu donné.
Plus précisément, désignons par X l'ensemble de la population. Une partie F de cette population est dite décisive, si la fonction de choix social donne comme résultat la liste des préférences des individus de la partie F, lorsque ceux-ci ont les mêmes préférences individuelles. On montre alors que l'ensemble de ces parties décisives F forme un ultrafiltre sur X. Lorsque X est fini, l'ultrafiltre est trivial, ce qui signifie qu'il existe parmi les éléments de l'ultrafiltre une partie décisive formée d'un seul individu x, et que toute partie F est décisive si et seulement si cette partie contient cet individu x. On montre enfin que la fonction de choix social coïncide avec les choix de x.
Ce théorème n'est pas un résultat positif : il ne permet pas d'illustration systématique, mais constate que pour des choix non-binaires, il y aura toujours des situations problématiques. Ainsi, une fonction de choix social qui présente les propriétés élémentaires énoncées plus haut sera souvent sensible aux options non-pertinentes. Remarquons néanmoins que nos propres choix sont parfois influencés eux aussi par des options non-pertinentes et que cela n'affecte pas dans le cas général notre efficacité.