Le but de cet article est de montrer comment on obtient l'anneau des polynômes à une variable (ou indéterminée) sur un anneau unitaire non nécessairement commutatif.
Le cas des anneaux de polynômes sur un anneau commutatif unifère est traité dans les articles Construction de l'anneau des polynômes et Polynôme formel (à une indéterminée) et dans l'article Polynôme en plusieurs indéterminées. Dans ce dernier, un autre type d'anneau non commutatif de polynômes est construit : l'algèbre d'un monoïde.
On se donne un anneau unitaire A.
On va construire :
On va prouver
Commençons par définir ce mystérieux X, appelé indéterminée : il s'agit de la suite nulle partout, sauf à l'indice 1 où elle vaut 1. On note par ailleurs que l'on peut envoyer A dans A[X] de façon injective par l'application qui à un élément a associe la suite dont le coefficient à l'indice 0 vaut a, et qui est nulle partout ailleurs.
Pour définir la structure de groupe additif sur A[X], on se contente de reprendre la structure héritée naturellement par le fait que ce sont des suites à valeurs dans un anneau : la suite a + b est donnée par (a + b)n = (a)n + (b)n. L'élément neutre est la suite entièrement nulle. La structure multiplicative est un peu plus compliquée : la suite a * b est donnée par
Comme les suites a et b n'ont qu'un nombre fini de coefficients non nuls, il en est de même pour a + b et a * b. La formule pour a * b définit bien une loi de composition interne associative et commutative, dont l'image de l'élément 1 de A par l'application injective mentionnée est élément neutre (il est également noté 1), ainsi que la propriété de distributivité par rapport à l'addition définie précédemment.
Et avec cette addition et cette multiplication, il est clair que l'on a bien une structure d'anneau. Il reste à remarquer que Xn est la suite nulle partout sauf en n, où elle vaut 1 ; en particulier, tout polynôme P = (an)n s'écrit donc de façon unique : :
P = | ∑ | anXn |
n |
On retrouve là l'écriture habituelle des polynômes.
On va considérer les suites d'éléments de A, nulles à partir d'un certain rang. Cet ensemble peut-être vu comme la partie de l'ensemble définie ainsi :
C'est notre ensemble A[X].
On se donne deux polynômes P et U. On ne fait pas d'hypothèse sur le premier, mais on demande que le coefficient dominant du second soit inversible.
On souhaite prouver qu'il existe un unique couple de polynômes Q et R réunissant les deux conditions suivantes :
Q sera le quotient et R le reste dans la division à droite. On dira aussi que Q est le quotient à droite et R le reste à droite.
Si R=0 on dira naturellement que P est divisible à droite par U.
De manière symétrique on désignera par quotient à gauche et reste à gauche les polynômes Q' et R' vérifiant :
et si R=0, P sera dit divisible à gauche par U.
Il est évident que ces 2 notions coïncident dans le cas d'un anneau commutatif. Nous ferons la démonstration de l'unicité et de l'existence du quotient et du reste dans le premier cas seulement, l'adaptation au second cas ne posant aucune difficulté.
Supposons que l'on a deux couples (Q1,R1) et (Q2,R2) qui vérifient les conditions requises ; on a alors, en calculant P − P : U(Q1 − Q2) = R2 − R1.
Mais si on compare les degrés des polynômes dans les membre gauche et droit de cette égalité, on doit alors clairement avoir: R1 = R2 et U(Q1 − Q2) = 0. Donc on a déjà l'unicité du reste.
Le fait que U est non nul ne suffit pas à conclure que Q1 = Q2, car A[X] n'est intègre que si A l'est (ce qu'on n'a pas supposé). En revanche, on sait que le coefficient dominant de U est inversible, et c'est cette remarque qui permet de conclure à l'unicité du quotient.
On la montre par récurrence sur le degré du polynôme P :
Soient et . Posons
Nous désignons par valeur à droite de P pour X = u l'élément de A :
De même la valeur à gauche sera :
Théorème Si u est un élément central de A (et donc pour tout si A est commutatif) les valeurs à gauche et à droite de pour X = u coïncident, et en désignant cette valeur par P[X: = u], l'application est un morphisme d'anneaux .
Preuve. Comme u commute avec tous les coefficients de P, les valeurs à gauche et à droite sont égales. Que est un morphisme de groupes est également clair (et ne dépend pas du fait que u est un élément central). Pour la compatibilité avec la multiplication, soit
P = | ∑ | aiXi |
i |
et
Q = | ∑ | bjXj |
j |
alors on a
P[X: = u]Q[X: = u] = | ∑ | aiuibjuj = | ∑ | aibjui + j = PQ[X: = u] |
i,j | i,j |
grâce à la commutation de ui avec les coefficients bj.