Polynôme formel - Définition

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Introduction

En algèbre, le terme de polynôme formel, ou simplement polynôme, est le nom générique donné aux éléments d'une structure construite à partir d'un ensemble de nombres. On considère un ensemble A de nombres, qui peut être celui des entiers ou des réels, et on lui adjoint un élément X, appelé indéterminée. La structure est constituée par les nombres, le polynôme X, les puissances de X multipliées par un nombre, aussi appelés monômes (de la forme aXn), ainsi que les sommes de monômes. La structure est généralement notée A[X]. Les règles de notation de l'addition et de la multiplication ne sont pas modifiées dans la nouvelle structure, ainsi X + X est noté 2.X, ou encore X.X est noté X2. Des exemples de polynômes formels sont :

X^2 + 2X + 1,\quad 3X^3 + 4X + 5

L'ensemble A, utilisé pour bâtir la structure A[X], peut être composé de nombres, mais ce n'est pas indispensable. On lui demande seulement de supporter deux opérations, l'addition et la multiplication. Si ces deux opérations possèdent certaines propriétés comme l'associativité, la commutativité et la distributivité de la multiplication sur l'addition, on dit que A est un anneau commutatif. On lui demande souvent de posséder un élément neutre pour la multiplication. Seul ce cas est traité dans cet article. Parfois, A possède des propriétés encore plus fortes, comme par exemple d'être un corps, ce qui signifie que tout élément différent de 0 est inversible pour la multiplication, à l'image des rationnels ou des réels. Dans ce cas, en plus de l'addition et de la multiplication, la structure A[X] possède une division euclidienne, à l'image de l'anneau des entiers et il devient possible d'utiliser les techniques de l'arithmétique élémentaire pour travailler sur les polynômes formels. L'identité de Bézout s'applique, comme le lemme d'Euclide ou le théorème fondamental de l'arithmétique. Il existe un équivalent des nombres premiers constitué par les polynômes unitaires irréductibles. Quelle que soit la nature de l'anneau commutatif et unitaire A, la structure A[X] possède au moins les caractéristiques d'un anneau commutatif. On parle d'anneau des polynômes formels.

Le polynôme formel est un des outils à la base de l'algèbre. Initialement, il était utilisé pour résoudre des équations dites algébriques. Résoudre l'équation algébrique revient à répondre à la question : par quelle valeur doit-on remplacer X pour que l'expression obtenue soit égale à 0 ? Une solution est appelée racine du polynôme. Le polynôme formel est maintenant utilisé dans de vastes théories comme la théorie de Galois ou la géométrie algébrique et qui dépassent le cadre de la théorie des équations.

De même que l'anneau A peut être étendu à une structure plus vaste A[X], l'anneau des polynômes à une indéterminée peut encore être étendu, soit par un anneau à plusieurs indéterminées, soit par le corps des fractions rationnelles, soit par l'anneau des séries formelles.

Dans toute la suite de l'article, A désigne un anneau commutatif unitaire et intègre, K un corps commutatif, Z l'anneau des nombres entiers, R le corps des nombres réels et C celui des nombres complexes.

Préambule

Approche intuitive

Une manière simple de concevoir un polynôme formel est d'ajouter une lettre X, à un ensemble de nombres comme Z, ou R. Cette lettre ne possède aucune relation algébrique avec les nombres, les seules choses que l'on peut écrire sont des égalités comme X + X = 2.X, ou encore X.X = X2. Sur l'ensemble obtenu, on souhaite que l'addition et la multiplication disposent des mêmes propriétés que celles qu'elles avaient dans l'ensemble de nombres et qui sont formalisées sous le nom d'anneau. Les identités remarquables sont toujours vérifiées, ainsi, si a désigne un nombre quelconque :

(X + a)^2 = (X + a)(X + a)= X(X+a) + a(X+a)=X^2 + aX + aX + a^2 = X^2 + 2aX + a^2\;

Un polynôme formel est une expression comportant un nombre fini de termes, tous composés de la même manière, le produit d'un nombre et d'une puissance de X. Un tel terme est appelé un monôme, le nombre le coefficient du monôme et la puissance de X le degré du monôme. Le polynôme 5X2 + 3X + 4, contient un monôme de degré 2 et de coefficient 5. Dans le cas général, un polynôme formel P quelconque prend la forme suivante, si ai désigne un nombre et i est un entier variant de 0 à n :

P = a_nX^n + a_{n-1}X^{n-1}+\cdots + a_1X + a_0

Les additions se font comme pour les nombres usuels, ainsi aXn + bXn est égal à (a + b)Xn. La multiplication suit aussi les mêmes règles, auxquelles on ajoute la loi : Xn.Xm = Xn+m qui implique que (Xn)m = Xm.n, si n et m désignent deux entiers positifs.

Fragments d'histoire

L'idée d'ajouter une lettre à un ensemble de nombres pour résoudre une question qui se formalise sous la forme d'une équation est ancienne. On la trouve chez Diophante dès le IIIe siècle, il donne à la lettre S le même sens que notre X dans son pré-langage symbolique et l'a qualifie de quantité indéterminée d'unités. Il définit ensuite les mécanismes opératoires de l'addition et de la multiplication d'une expression contenant sa lettre S. Sa motivation est la recherche de solutions d'équations dites diophantiennes où les coefficients ainsi que les solutions recherchées sont des nombres entiers ou rationnels. Cette idée est reprise par les mathématiciens arabes qui généralisent l'étude aux cas où les solutions ne sont pas rationnelles. L'indéterminée chez eux prend le nom de say' et signifie la chose que l'on recherche. On leur doit la lettre X provenant du mot gizr' et qui signifie racine, le nom maintenant donné à une solution de l'équation polynomiale. Certaines méthodes sont développées, comme la dérivation formelle d'un polynôme dès le XIIe siècle

Cette formulation est reprise par François Viète, un mathématicien du XVIe siècle qui invente le terme de polynôme et qui l'étudie toujours sous l'angle de l'équation. Un siècle plus tard, le formalisme du polynôme est modifié, le polynôme n'est plus une expression à laquelle on a ajouté une lettre X, qui se comporte comme un nombre; mais une fonction, qui à un nombre associe un nombre, ce que l'on appelle maintenant une fonction polynôme, concept différent de celui du polynôme formel. Au XIXe siècle, la nécessité du polynôme formel réapparaît. Dans son livre Disquisitiones arithmeticae, Carl Friedrich Gauss factorise le polynôme cyclotomique pour trouver un nouveau polygone régulier constructible à la règle et au compas. Il utilise des polynômes à coefficients dans des corps finis, nécessitant impérativement le concept de polynôme formel, remis ainsi à l'honneur.

Jusque dans les années 1940, le formalisme change peu, le terme d'indéterminée désigne toujours la lettre X ajouté à un ensemble de nombre et, si les notations ont évolué, le formalisme reste celui élaboré par Viète. Maintenant, différentes constructions permettent de définir l'indéterminée comme un véritable objet mathématique et non plus comme une lettre, les polynômes sont construits rigoureusement. Durant l'époque charnière, Claude Chevalley écrit dans un texte préparatoire à la première édition du chapitre II Éléments de mathématique de Bourbaki de 1942 : « On dit souvent que l'on a introduit n "lettres" X1...Xn, il est alors tacitement admis que ces lettres sont des symboles pour des éléments d'une certaine algèbre. ». Maintenant, le terme indéterminée ne désigne plus que rarement la lettre qui le symbolise, mais l'élément lui-même, même si les constructions varient.

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