Buckingham devint finalement la résidence royale principale en 1837 lors de l’accession au trône de Victoria. Alors que les suites officielles n’étaient que dorures et couleurs vives, les besoins du nouveau palais étaient un peu plus terre à terre. Il fut rapporté que les cheminées fumaient tellement qu’on laissa les feux mourir, si bien que la cour frissonnait dans un palais magnifique. La ventilation faisait également défaut dans un palais aux odeurs omniprésentes, et lorsque la décision fut prise d’installer des lampes à gaz, on s’inquiéta sérieusement de l’accumulation de gaz aux étages inférieurs. On raconte également que le personnel était peu soigné et paresseux, et que le palais était sale. Après le mariage de la reine en 1840, son mari le Prince Albert s’occupa de la réorganisation du personnel, du service et des fautes de goût dans la décoration. Tout cela fut corrigé, et les ouvriers quittèrent le palais en 1840.
En 1847, le couple royal trouvait le palais trop petit pour la vie de cour et leur famille grandissante, c’est pourquoi la nouvelle aile conçue par Edward Blore fut construite, fermant la cour centrale. Cette grande aile à l’est, en face du Mall, est aujourd’hui l’image publique de Buckingham avec le fameux balcon en son centre, d’où la famille royale fait signe à la foule lors des grandes occasions ainsi que chaque année lors de la parade militaire qui se tient en juin. L’aile où se trouve la salle de bal ainsi que d’autres suites officielles a aussi été construite à cette période, sur les plans de l’élève de Nash : Sir James Pennethorne.
Avant la mort du Prince Albert, la Reine Victoria avait la réputation d’aimer la musique et la danse. Les plus grands musiciens de l’époque venaient à Buckingham : Felix Mendelssohn Bartholdy y joua à trois reprises. Johann Strauss II et son orchestre y jouèrent également lors de leur passage en Angleterre. La polka « Alice » de Strauss fut jouée pour la première fois au palais en 1849 en l’honneur de la fille de la reine, la Princesse Alice. Sous le règne de Victoria, de somptueux bals costumés furent organisés à Buckingham Palace, en plus des cérémonies royales habituelles, des investitures et des présentations.
Lorsqu’elle devint veuve en 1861, Victoria, accablée de chagrin, se retira de la vie publique et quitta le palais de Buckingham pour vivre aux châteaux de Windsor et de Balmoral, ainsi qu’à Osborne House. Pendant de nombreuses années le palais fut rarement utilisé, voire négligé. L’opinion publique la força à revenir à Londres, bien qu’elle préférât vivre ailleurs chaque fois que c’était possible. Les événements de cour se tenaient au château de Windsor plutôt qu’au palais, présidés par la reine endeuillée habituellement habillée de noir.
Les pièces principales sont situées à l'étage noble, derrière la façade donnant sur les jardins ouest. Au centre de ces pièces richement ornées se trouve la Salle de musique, dont la grande arche constitue l’élément principal de la façade. Jouxtant la salle de musique se trouve les salons de réception bleu et blanc. Au centre de la suite, la galerie de tableaux de 50 mètres de long sert de lien entre les différentes pièces. On peut admirer des œuvres de Rembrandt, Van Dyck, Rubens, Vermeer, parmi d’autres. D’autres pièces conduisant à la galerie sont la salle du trône et le salon de réception vert. Le salon de réception vert sert de grande antichambre à la salle du trône et fait partie du trajet de cérémonie vers la salle du trône en venant de la salle des gardes en haut du grand escalier. La salle des gardes contient une statue de marbre blanc du prince Albert.
Juste sous les appartements officiels se trouve une série de pièces un peu moins solennelles, appelées appartements semi officiels, accessibles par le hall en marbre. Ces pièces sont utilisées lors d’occasions moins formelles, des déjeuners et des audiences privées. Certaines d’entre elles sont nommées et décorées en l’honneur de certains visiteurs, comme la « Salle de 1844 » qui a été décorée cette année-là pour la visite officielle de l’empereur Nicolas Ier de Russie. Puis au centre, la salle de l’arc, que des milliers d’invités traversent chaque année pour se rendre aux jardins lors des garden parties. La reine occupe une suite dans l’aile nord pour son usage privé.
Entre 1847 et 1850, lorsque les travaux de la nouvelle aile est étaient en cours, on utilisa encore de nombreux ornements provenant du pavillon à Brighton. C’est pourquoi plusieurs pièces de cette aile ont une atmosphère résolument orientale. La salle de déjeuner chinoise rouge et bleue est composée d’éléments des salles de banquet et de musique de Brighton, cependant la cheminée est de style indien, bien qu’elle provienne également de Brighton. On peut voir une tapisserie du XVIIIe siècle dans la salle de réception jaune, qui fut utilisée en 1817 pour le salon de Brighton. La cheminée dans cette pièce est une transposition européenne de ce que serait l’équivalent chinois, avec des mandarins hochant la tête dans les niches et des dragons effrayants.
Au centre de cette aile on reconnaît le célèbre balcon, et derrière ses fenêtres se trouve la Salle centrale. Il s’agit d’un salon de style chinois aménagé par la reine Mary à la fin des années 1920, bien que les portes laquées fussent apportées de Brighton en 1873. Malgré son appellation modeste de Couloir principal, l’immense galerie fait la longueur du piano nobile de l’aile est. Les portes y sont couvertes de miroirs, qu’on trouve aussi sur les murs, reflétant les pagodes en porcelaine ainsi que les autres objets de Brighton. La salle de déjeuner chinoise et le salon de réception jaune sont situés à chaque extrémité de la galerie, la salle centrale se trouvant évidemment au milieu.
Les chefs d’État en visite occupent la suite belge lorsqu’ils sont reçus au palais. Elle se trouve au rez-de-chaussée face aux jardins nord. Ces pièces, dont les couloirs comportent des dômes, furent les premières décorées pour l’oncle du Prince Albert Léopold Ier, premier roi des Belges. Le roi Édouard VIII y vécut durant son court règne.
Les cérémonies ont subi un changement radical sous le règne d’Élisabeth II, et l’entrée au palais n’est plus un privilège réservé aux grands noms.
Il y a eu un relâchement progressif dans le code vestimentaire régissant l’uniforme formel de la cour. Durant les règnes précédents, les hommes qui ne portaient pas l’uniforme militaire portaient des hauts-de-chausses de style XVIIIe. Pour les femmes, la robe à traîne était de rigueur, avec une tiare et/ou des plumes dans les cheveux. Après la Première Guerre mondiale, lorsque la reine Mary souhaitait suivre l’exemple de la mode en relevant ses jupes de quelques centimètres, elle demanda d’abord à une dame d’honneur de raccourcir sa jupe pour constater la réaction du roi. Le roi George V fut horrifié et la reine garda ses jupes en l’état. Par la suite, le roi George VI et la reine Élisabeth autorisèrent les jupes un peu plus courtes durant la journée.
En 1924, le premier ministre travailliste Ramsay MacDonald était le premier homme reçu par un monarque dans le palais qui portait un costume de ville ; ce fut cependant une exception. Les tenues du soir prescrites restèrent en vigueur jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.
Il n’y a plus de code vestimentaire de nos jours. La plupart des hommes invités à Buckingham la journée choisissent de porter leur uniforme de service ou bien une jaquette. Le soir, suivant l’occasion, ils portent un smoking ou une tenue de soirée plus formelle. Dans ce cas, les femmes portent une tiare si elles en possèdent une.
Le changement le plus important eut lieu en 1958 lorsque la reine abandonna les soirées de présentation des jeunes filles de l’aristocratie. Ces soirées de présentation au monarque se déroulaient dans la salle du trône. Les jeunes filles se conformaient au code vestimentaire, et portaient trois grandes plumes d’autruche dans leurs cheveux. Elles entraient, faisaient une révérence, marchaient à reculons selon une chorégraphie bien particulière, faisaient la révérence à nouveau, tout en manœuvrant la traîne de leur robe de la longueur adéquate. La cérémonie correspondait aux soirées de la cour qui se déroulaient dans les salons de réception, mais la reine Élisabeth II remplaça ces présentations avec de grandes garden parties où est invitée une sélection de la société britannique. La défunte princesse Margaret aurait déclaré à propos de ces présentations : « Nous devions y mettre un terme, toutes les putains de Londres entraient au palais ». Aujourd’hui la salle du trône est utilisée lors de grandes occasions formelles comme les jubilés de la reine. C’est sur l’estrade où se trouve le trône que les portraits royaux de mariage et les photos de famille sont pris.
Les investitures, anoblissements et autres cérémonies de ce type se déroulent dans la salle de bal victorienne, construite en 1854. Elle mesure 37 mètres sur 20 : c’est la plus grande pièce du palais. Elle a remplacé la salle du trône en importance et en termes d’utilisation. Lors d’investitures, la reine se tient sur l’estrade sous un grand dais de velours, utilisé lors du couronnement à Delhi en 1911. Un orchestre militaire joue dans la galerie des musiciens, pendant que les récipiendaires de prix s’approchent de la reine, sous le regard de leurs familles et amis. Les Beatles furent parmi les premiers artistes populaires à recevoir les honneurs au palais.
Les banquets officiels se déroulent dans la salle de bal. Ces dîners formels sont organisés la première soirée lors d’une visite officielle d’un chef d’État étranger. À cette occasion, souvent plus de 150 invités en tenue de soirée formelle dînent avec des couverts en or. La réception plus grande et plus formelle à Buckingham a lieu tous les ans au mois de novembre, lorsque la reine s’entretient avec les membres des corps diplomatiques étrangers à Londres. Les suites officielles sont alors utilisées, alors que la famille royale entame sa procession vers les portes de la galerie de tableaux. Comme Nash l’eut imaginé, la totalité des grandes portes restent ouvertes, les miroirs réfléchissant la lumière des nombreux chandeliers et bougeoirs, créant une illusion de lumière et d’espace.
Les cérémonies plus petites comme la réception de nouveaux ambassadeurs se passent dans la « Salle de 1844 ». La reine y tient également de petits déjeuners, et des réunions du conseil privé. Les plus grands déjeuners ont lieu dans la salle de musique ou dans la salle de dîner officielle. À toutes les occasions formelles, les hallebardiers de la tour de Londres sont présents dans leur uniforme anachronique, ainsi que d’autres officiers à la cour tel que le Lord Chamberlain.
Depuis le bombardement de la chapelle du palais lors de la Seconde Guerre mondiale, les baptêmes royaux ont eu lieu quelques fois dans la salle de musique. Les trois premiers enfants de la reine y furent baptisés, dans des fonts spéciaux en or. Le Prince William a été baptisé dans la Salle de musique. Cependant, son frère le Prince Harry a été baptisé à la Chapelle St Georges à Windsor.
Les événements les plus importants de l’année sont sans conteste les garden parties, où jusqu’à 8 000 personnes sont conviées, dégustant thé et sandwiches sous de grandes tentes. Les invités se rassemblent, puis la reine sort du palais pendant qu’un orchestre militaire joue l’hymne national. Elle marche lentement vers les invités, saluant ceux qui ont été sélectionnés pour prendre le thé sous sa tente privée. Si les invités n’ont pas tous l’opportunité de rencontrer la reine, ils peuvent tout du moins se consoler de pouvoir admirer les jardins.