Introduction
La controverse sur la brevetabilité du logiciel est un débat sur la pertinence de la possibilité de poser un brevet sur un logiciel, ou sur une invention présente ou alléguée dans un logiciel.
Cet article tente de recenser les différents arguments, l'article brevetabilité du logiciel, étant quant à lui une description factuelle de celui-ci.
Les arguments contre la brevetabilité du logiciel
Arguments techniques
- Le principe des brevets a été conçu à une époque où l'information représentait peu de chose par rapport à la fabrication. Dans le domaine du logiciel les deux notions seraient confondues et on ne pourrait différencier le savoir de sa mise en œuvre. Il n'y aurait pas de différence fondamentale entre une idée et sa mise en œuvre informatique, il suffirait de faire appel à des techniques et outils largement connus et répertoriés. Pour certains, cela apparait comme inexact puisqu'entre l'idée d'une fonction et sa réalisation informatique, la différence serait de plus en plus énorme. En effet, les outils de programmation actuels sont de plus en plus complexes et font appel à des compétences qui ne sont pas à la portée du premier venu ; en d'autres termes, ce n'est pas parce qu'un utilisateur à l'idée de réaliser un logiciel qu'il en a techniquement les compétences, ce qui est un point essentiel lors de la détermination de l'évidence.
- Certains informaticiens considèrent que tout programme complexe est localement trivial, ou du moins facilement réalisable par un praticien du domaine ; il n'empêche que, dans leur ensemble, les logiciels comprennent des mécanismes extrêmement complexes, qui ne sont pas à la portée du premier venu ; depuis les débuts de l'informatique les principales techniques, algorithmes et méthodes de stockage, méthodes d'accès aux données et de communication entre les programmes et les procédures, qui constituent le cœur de tout logiciel, ont été décrites et répertoriées. Ces techniques sont par exemple documentés dans des ouvrages encyclopédiques de référence tels que The Art of Computer Programming de Donald Knuth. Certains estiment que les brevets dits novateurs sont une simple application de ces techniques dans de nouveaux domaines comme Internet (exemple : one-click-shopping breveté par Amazon et qu'il a fallu une décision de justice pour invalider après des années de procédure). D'autres encore pensent qu'accorder un brevet logiciel équivaudrait à accorder un brevet sur une idée, sauf si le brevet impliquait une divulgation du code source complet (qui est l'équivalent de la divulgation d'un procédé industriel, contrepartie de sa protection), ce qui n'est pour le moment pas le cas.
- Un résultat théorique : la Correspondance de Curry-Howard stipule que tout programme est équivalent à une preuve mathématique, breveter un programme reviendrait donc à breveter un théorème. Cette idée est cependant battue en brèche. En effet, de nombreux programmes informatiques sont aujourd'hui intégrés au sein de microprocesseurs.
- Un employé du bureau des brevets ne pourrait déterminer la valeur de certains brevets logiciels que s'il était programmeur lui-même, et ainsi bien au fait des pratiques de la profession qui évoluent très rapidement (compétence des employés du bureau des brevet).
- Selon les détracteurs de brevets logiciels, le nombre de brevets croirait de manière exponentielle. Il serait également difficile pour un examinateur de passer en revue l'ensemble de ces brevets, sans parler des lignes de programmes qui sont écrites sans être brevetés. Les examinateurs ne travaillent cependant pas de cette manière et ont à leur disposition des outils de recherche extrêmement perfectionnés leur permettant de réaliser des recherches pertinentes rapidement.
- Un logiciel moderne comprend des dizaines ou centaines de milliers de lignes de code et vérifier qu'aucun brevet n'existe transformerait une course de fond en course d'obstacles, d'autant que les bureaux de brevets ne demandent plus de prototype prouvant la validité du brevet. De plus la formulation des brevets peut être large, imprécise et utiliser un jargon afin de masquer l'aspect trivial d'une invention, comme le montre Richard Stallman dans The anatomy of a trivial patent, 2000).
Liste de brevets supposés triviaux
Dans un domaine complexe et mouvant comme l'informatique, il ne semble pas exister de moyen infaillible de distinguer ce qui est innovation réelle de ce qui ne l'est pas. De nombreux brevets logiciels suscitent la controverse, aussi bien pour le principe que pour la façon dont on les accorde ; par exemple, les inventions de la transformée de Fourier rapide, qui est actuellement utilisée dans de nombreux appareils industriels, ou de l'algorithme de Boyer-Moore ne sont pas brevetées.
Les brevets suivants sont, selon certains, considérés comme triviaux pour des programmeurs normaux :
- chez Microsoft : la navigation au clavier sur Internet ;
- le double clic ;
- la barre de progression ;
- la boutique web est brevetée : Le commerce en ligne, les onglets Musique, Film ou Livre, la gravure en magasin, l'envoi d'offres en réponse à une requête, etc. ;
- l'anti-spam.
En effet, pour déclarer qu'un brevet est trivial, il faut se reporter à sa date de dépôt, pas à la date à laquelle le brevet est lu par un programmeur. la question à se poser pour déclarer qu'un brevet est trivial n'est pas : "à l'heure actuelle, suis-je capable de faire facilement l'invention ?", mais "à la date de dépôt du brevet (souvent il y a plus de 10 ans pour les brevets incriminés), l'invention était-elle nouvelle et inventive ?". En effet, l'évidence d'un brevet s'apprécie à la date de dépôt du brevet, pas à la date de lecture de celui-ci.
Liste de brevets invalidés par décision de justice
La justice considère que les brevets suivants sont triviaux et n'auraient jamais dû être acceptés.
- Le shopping en un clic d'Amazon.com
Arguments sur l'innovation
- Compte tenu de la difficulté de vérifier l'état de l'art existant, la décision finale de la validité d'un brevet est implicitement laissée à la justice ;
- Déposer, défendre, ou se défendre contre un brevet coûte cher. Les grandes multinationales sont, de ce fait, largement avantagées.
- De petites sociétés dédiés à l'exploitation des brevets logiciels se sont constituées. Ces sociétés se constituent des portefeuilles de brevets, ce que certains appelle les brevet mines. Ces sociétés n'auraient pour seule raison d'exister que de permettre de faire des procès.
Argument économique
- Les brevets logiciels ne bénéficieront pas à l'Europe car près de 3/4 des brevets logiciels accordés par l’OEB sont détenus par des pays extra-européens.
- Les brevets sont incompatibles avec les Logiciels libres et/ou Open source et, en particulier, Linux. Or, ces logiciels seraient une chance pour les pays dont l'industrie logicielle est en retard, autant que pour l'Europe elle-même, dont le marché est dominé par les éditeurs américains.
Action de pré-publication
Le système d'utilisation de hashs de taille variable en Perl aurait pu obtenir un brevet, de l'avis des spécialistes qui se sont penchés dessus. Larry Wall a fait le choix de mettre le code source correspondant dans le domaine public, renonçant à ses droits.