Le déconstructivisme est un mouvement artistique, particulier à l'architecture, qui a trouvé son nom dans celui du mouvement littéraire de la déconstruction dont l'universitaire Jacques Derrida fut le théoricien et la figure de proue. Son nom se réfère aussi au mouvement du Constructivisme russe des années 1920 dont il reprend certaines des inspirations formelles.
C'est un mouvement contemporain, parallèle et différent du postmodernisme, qui s'oppose comme lui à la rationalité ordonnée de l'architecture moderne, mais sur des fondements complètement différents puisqu'il assume pleinement la rupture avec l'histoire, la société, le site, les traditions techniques et figuratives.
Il revendique la philosophie postmoderne, en particulier ses idées de fragmentation et de polarité négative, qu'il associe à des processus de design non linéaire, à des thèmes comme la géométrie non-euclidienne, en poussant à l'extrême des thèmes de l'architecture moderne comme l'opposition entre structure et enveloppe, entre plancher et mur, et ainsi de suite.
Les apparences visuelles des réalisations dans ce style sont caractérisées par une imprédictabilité stimulante et un chaos contrôlé. Cependant, les critiques de la déconstruction le voient comme un exercice purement formel qui se fait au détriment de la vie sociale.
Il semble a priori absurde, voire contradictoire, de vouloir déconstruire ce qui appartient au domaine de la construction. Les bâtiments sont considérés comme l’accomplissement et l’aboutissement de toute une démarche de travail. Mais l’architecture déconstructiviste qui s’affirme dans les années 90 a de bonnes raisons d’être, en apparence, déraisonnable. Murs penchés, sols inclinés, poteaux de biais, fenêtres inclinées, ces édifices qui semblent avoir subi les secousses telluriques sont bien le résultat d’un travail pensé de la part des architectes.
Cet article a pour but d’éclaircir les démarches des architectes qui ont participé au développement d’une recherche sur la décomposition des espaces dans un contexte post-moderne.
En 1988 Philip Johnson et Mark Wigley organisent une exposition au musée MOMA à New York intitulée : « deconstructivist architecture ». Le public découvre la confluence du travail, depuis les années 80, des architectes : Frank Gehry, Peter Eisenman, Zaha Hadid, Rem Koolhaas, Daniel Libeskind, Coop-Himmelb(l)au, Bernard Tschumi. En effet, leur approche similaire qui se traduit par l’emploi d’un même registre de formes non conventionnelles et déstabilisantes, les a fait se regrouper non pas pour célébrer l’émergence d’un nouveau style, mais pour présenter des tendances très proches venant de différentes parties du monde occidental. Les architectes ou autres connaisseurs y découvrent une nouvelle post modernité puisant aux sources du modernisme et empruntant la géométrie des constructivistes. Cette explosion de formes reflète la liberté des virtuoses capables de faire naître des œuvres aussi fortes sur le plan plastique qu’intellectuel.
La déconstruction est donc à l’opposé des constructions qui supportent des systèmes philosophiques clos ou des ouvrages achevés. La déconstruction est un espace qui s’ouvre, un état de l’espace ouvert aux réflexions, aux transformations. C’est une opportunité de construire un espace « autre ». Dans les années 90 le terme déconstructivisme appliqué à l’architecture ne représente pas un mouvement ou un style et n’est pas synonyme non plus de destruction ou de démolition. Par l’intermédiaire de procédés de décomposition les concepteurs expriment dans leurs bâtiments les contradictions, les dilemmes ou les conflits de la ville, reflets de la société et de la culture actuelles. Ces situations complexes sont exposées à travers une recherche formelle expressive. Les formes sont pensées de façon à révéler et non dissimuler, elles ont la capacité de déranger la façon habituelle de percevoir les configurations spatiales.