Georg Joachim von Lauchen, surnommé Rheticus ("originaire de Rhétie", la Rhétie romaine correspondant à peu près à l'actuel Tyrol) est un astronome et mathématicien autrichien, né à Feldkirch (Vorarlberg) le 15 février 1514, mort à Kassa (Hongrie) le 4 décembre 1574. Il est passé à la postérité comme celui qui décida Copernic à publier sa théorie héliocentrique (1541-1543).
Né d'une famille aisée du Tyrol autrichien, Rheticus voyagea enfant en Italie. Puis il étudia dans les universités de Zurich, de Wittenberg (où il devint le protégé de Melanchthon), Nuremberg et Göttingen. À 22 ans, Melanchthon lui confia les chaires de Mathématiques et d'Astronomie de la toute jeune université luthérienne de Wittenberg. Informé des idées de Copernic sur l'héliocentrisme, il obtint l'autorisation de son université de se rendre à Frauenburg pour rencontrer Copernic, malgré la désapprobation de Luther, et malgré les persécutions que l'évêque de Varmie, Dantiscus, exerçait contre les Luthériens.
Rheticus expliqua plus tard (1543) qu'il avait souhaité rencontrer Copernic parce qu'il venait d'être nommé professeur d'astronomie à l'université de Nuremberg et qu'il se sentait par trop ignorant de cette discipline.
Arrivé à Frauenburg à l'été 1539, Rheticus y passa deux années au côté de l'astronome, cartographe et mathématicien Johann Schöner. Copernic n'avait alors écrit qu'un Commentariolus (entre 1510 et 1514, selon Koyré) sur ses hypothèses cosmologiques, fascicule qui n'avait circulé qu'en un très petit nombre d'exemplaires. Selon Kœstler, Copernic sentit qu'il aurait besoin, vu son âge avancé (66 ans), d'un jeune disciple pour l'aider à publier un traité complet sur son système, mais avant de s'en remettre à Rheticus, il consulta longuement son vieil ami, l'évêque d'Ermeland, Tiedemann Giese (1480-1550). Il semble également que Copernic souhaitait se limiter à publier ses tables de position des planètes, mais sans expliciter l'hypothèse sur laquelle elles étaient construites.
Finalement, Rheticus, aidé par Giese, obtint de Copernic l'autorisation d'évoquer dans une Narratio Prima la théorie d'un anonyme dominus præceptor, narration dans laquelle Copernic serait nommé comme le savant Docteur Nicolas de Thorn : ce petit livre, écrit dans un style enthousiaste et presque idolâtre (le præceptor est comparé à Atlas portant la Terre sur ses épaules), relu attentivement par Copernic, était rédigé en septembre 1539 et parut à Dantzig en 1540.
Pendant que la Narratio faisait connaître les idées de Copernic, Rheticus reprit ses cours à Nuremberg de mars à juillet 1540. Lorsqu'il retourna à Frauenburg, Copernic consentit enfin à le laisser recopier son manuscrit de 424 pages, De revolutionibus orbium cœlestium. En mai 1542, Rheticus parvint à convaincre l'imprimeur Johann Petreius de Nuremberg d'imprimer le traité de Copernic, ainsi que ses propres tables trigonométriques qui en formeraient une annexe.
C'est dans ces tables de Joachim Rheticus qu'on trouve pour la première fois l'emploi des sécantes en trigonométrie.
À la mort de Copernic (1543), Rheticus abandonna brutalement tout prosélytisme pour la théorie de son maître. La raison de ce revirement est controversée, et ne sera peut-être jamais complètement éclaircie. Selon une tradition anticléricale, Rheticus aurait cherché à fuir les persécutions de l'Église, tenante du géocentrisme. Mais Kœstler soulève une autre hypothèse : la dédicace de De Revolutionibus au pape Paul III, dans laquelle Copernic explique la genèse de son livre, laisse complètement dans l'ombre la contribution de Rheticus. Ce comportement, s'il peut s'expliquer par le fait que Rheticus était protestant, aurait rebuté le jeune disciple.
À partir de ce moment, Rheticus mène une vie instable, ponctuée par des scandales et des affaires de mœurs.
De 1543 à 1545, il est professeur à Leipzig, puis part brusquement pour l'Italie : l'université le rappelle par deux fois à ses devoirs d'enseignant, en vain (l'intéressé invoque des problèmes de santé), mais il rentre tout de même en 1548. Là, il publie des éphémérides astronomiques (1550). Pressé par plusieurs collègues de corriger les erreurs de calculs de la première édition du De revolutionibus, Rheticus professe dans ses Éphémérides l'opinion que seul le système de Ptolémée devrait être enseigné en Allemagne.
En 1550, accusé de sodomie, il quitte précipitamment Leipzig et apparemment le Saint Empire, bien qu'en 1554 on imprime à Nuremberg son traité de trigonométrie : Canon doctrinæ triangulórum (1554), un ouvrage qui est accompagné des tables les plus précises du siècle (15 chiffres significatifs, pour tous les angles par arcs de 10 secondes d'ouverture).
En 1557, Rheticus réapparaît à Cracovie et, se réclamant à présent disciple de Copernic, fait ériger un obélisque de 15 mètres de hauteur pour mesurer la position des astres. De nouveau sollicité pour rééditer les travaux de Copernic, il se dérobe. Il vit désormais essentiellement de sa pratique de médecin.
En 1568, il écrit à Pierre de la Ramée au sujet d'un projet d'observatoire astronomique «fondé sur le principe des obélisques égyptiens». Il gagne sa vie en tant que médecin de cour, en Pologne puis finalement en Hongrie. L'année de sa mort, il travaille avec un étudiant, Valentin Othon, à de nouvelles tables trigonométriques, l'Opus Palatinum de triangulis. Il cède à son élève son manuscrit et celui de Copernic, dont il était l'héritier. Valentin Otho ou Othon publie ses tables, mais de façon tronquée, en 1596. Quant au précieux De Revolutionibus, il passera dans d'autres mains à la mort d'Otto (ou Othon).