Dans La Folle Semence (1962) de Anthony Burgess, la terre est épuisée par la surpopulation. En lutte contre ce fléau, l’État n’autorise qu’un enfant par couple. Pour ce faire, il condamne le modèle familial et promeut l’homosexualité : au fronton du Ministère de l’Infertilité brille cette devise : "Qui dit sapiens, dit homo." Hétéro par ci, Homo par le rat (1999) de Cy Jung raconte la difficulté de la différence, mais dans un monde à l’envers : une maladie a décimé le monde, laissant les homos comme seuls survivants. Suite à cet évènement pour le moins bouleversant, la société s’est réorganisée autour de cette nouvelle norme.
Dans la fantasy, l’émergence de pouvoir magique, ou parapsychologique au moment de la puberté peut faire émerger des désirs sexuels pour des personnes du même sexe. Ainsi, dans L'Héritage d’Hastur (1975) de Marion Zimmer Bradley, par exemple, les efforts de Regis Hastur pour réprimer ses pulsions homosexuelles se combinent avec le réveil de ses pouvoirs psis. De même, Vanyel dernier héraut mage de Valdemar, découvre l’étendue de ses pouvoirs dans la colère suivant la mort de son ami et amant Tylendel (Trilogie de la Magie (1990) de Mercedes Lackey). Ouvrage s’adressant directement à un public gay et lesbien, Cœur de Démon (2003) écrit par Claude Neix réunit toutes les ficelles de la fantasy : royaume, princes, guerre, assassinat et trahison mais en centrant l’histoire autour d’une histoire d’amour au masculin.
Outre les sorcières et les vampires (traités dans l’article suivant), les homos côtoient aussi le fantastique dans le monde dans lequel nous évoluons, en tant que victimes d’un rituel sanglant dans Le Livre de Sang (1984) de Clive Barker, Dans Les Collines, les Cités, un couple gay, Mick et Judd, assiste à un combat de titans entre deux cités. Lui-même gay, Clive Barker a semé tout au long de son œuvre des personnages homos, avec notamment dans Sacrements (1996), le protagoniste principal Will Rabjohns, photographe gay de grand renom, qui découvre un monde où l’horreur pure côtoie le merveilleux après un coma profond.
Sara, de Marion Zimmer Bradley (1990), est une jeune femme qui reçoit en héritage une vieille maison de sa tante ainsi que ses mystérieux pouvoirs. En préparation du sabbat, elle est initiée sexuellement et maléfiquement par Tabitha, qui avait repris temporairement le rôle de la tante de Sara à la tête de la confrérie démoniaque. La saga des sorcières de Mayfair d’Anne Rice (Le Lien Maléfique - 1990, L’heure des Sorcières - 1993, et Taltos - 1994) met en scène l’histoire d’une lignée de sorcière dont les pouvoirs sont liés à l’union d’une femme par génération avec un esprit Lasher. Même si Julien n’est pas une de ces femmes de la lignée, il a une forte importance dans le déroulement des événements, officiellement bisexuel, ce sont plutôt ses conquêtes masculines qui sont évoquées.
L’homosexualité est cependant beaucoup plus présente chez Anne Rice dans ses Chroniques de Vampire. (première chronique en 1976). Les relations qui se nouent entre Louis, Lestat, Armand sont très homosensuelles tout au long du cycle. Armand a été transformé en vampire par son maître et amant Marius, et comment ne pas voir dans le trio Lestat, Louis et Claudia un modèle d’homoparentalité avec ces deux pères et leur fille. Anne Rice n’était malgré tout pas précurseur dans le domaine puisque dès 1819, John Polidori relate l’étrange relation entre un mortel et un noble vampire dans Le Vampire. Sheridan Le Fanu raconte quant à lui dans Carmilla une histoire de vampire lesbienne. Dans ce texte, l’héroine partage le même toit que la magnifique et terrifiante Carmilla, et se dessine ainsi une interaction lesbienne entre les vivants et les morts. Même Bram Stoker, dans son Dracula (1897) introduit des relations entre Lucy et Mina. Les deux femmes sont asexuées et soumises jusqu’à ce que Lucy commence à devenir vampire. Digne héritière de ces auteurs, Poppy Z. Brite combine dans Âmes Perdues (1992) le maléfique, la parapsychologie et un trio de vampires. Non seulement le roman met en scène des relations entre les vampires eux-mêmes et leurs victimes humaines, mais il relate la rencontre intense passionnée entre un adolescent semi-vampire et un vampire qui s’avèrera être son père. Mêlant horreur et subversion, Brite continue à faire tomber dans ses recueils Eros Vampire 1 & 2, les tabous entourant la sexualité.