Alors que la science-fiction, la fantasy et le fantastique sont des genres qui offrent aux auteurs plus de liberté que la littérature classique, les mondes et cultures imaginés reproduisent la plupart du temps les schémas hétérosexuels et à prédominance masculine de notre société. Certes, on pourra remarquer que pendant très longtemps, les ouvrages de SF se caractérisaient à peu près tous par une parfaite absence de sexualité : pour toucher un plus grand nombre, y compris les adolescents (selon le cliché considérant qu'il n’y a qu’eux pour lire de la SF), il ne fallait pas choquer. Mais certains auteurs ont su sortir de ces schémas pour évoquer des sexualités alternatives.
Avec Voyage dans la Lune et autres histoires vraies, Lucien de Samosate inaugure en l’an 115 les premiers récits de science-fiction de la littérature occidentale et... le premier monde entièrement masculin où le héros se voit offrir en mariage le fils du roi Sélénites. La description des mœurs (mariage, naissance, reproduction) de ce peuple est très imagée et peu d’œuvres ont atteint par la suite ce niveau de détail. Dans la nouvelle Le Crime et la Gloire du Commandant Suzdal des Seigneurs de l’Instrumentalité T.II Le Rêveur des étoiles de Cordwainer Smith (1955), sur Arachosia, planète de l’empire, la féminité est devenue cancérigène. Une femme médecin, le docteur Astarté Klaus, met donc en place une mutation pour que les femmes deviennent hommes et élabore un système génétique de reproduction par inséminations et de radiations afin que les hommes puissent porter des enfants de sexe masculin. Dans Ethan d'Athos de Lois McMaster Bujold (1986), le docteur Ethan Urquhart doit partir de la planète Athos, où les hommes vivent tranquillement entre eux, car les cultures ovariennes s’épuisent et il faut qu’il aille en chercher d’autres.
Dans Cyteen (1988), C. J. Cherryh place la relation entre Justin et son azi Grant (êtres humains produits dans un but de servitude) au cœur de son récit. Justin est le double génétique de son père Jordan, qui entretient lui-même une relation avec son propre azi Paul. Cocon de Greg Egan (1994) est une réflexion subtile sur la place des homos dans la société moderne, par le biais d’une enquête futuriste sur l’explosion d’une unité de recherche en ingénierie génétique.
Theodore Sturgeon a présenté de manière explicite un couple d’extra-terrestres homosexuels échappant au système répressif de leur planète et recevant l’aide inattendue de leur geôlier dans Un Monde bien perdu (1953). Les Maîtres Chanteurs d’Orson Scott Card (1978) présente Mikal, empereur impitoyable qui se laissera attendrir par Ansset, un jeune Oiseau Chanteur formé pour chanter en harmonie avec lui. Dans Le Rivage des Intouchables (1990), Francis Berthelot sans parler d’homosexualité aborde les amours considérées comme « contre-nature », interdites entre deux peuples d’une même planète : les Gurdes, natifs du désert couvert d’écailles et les Yrvènes, habitants des eaux à la muqueuse pigmentée. Il évoque ainsi les transvers qui essayent d’effacer les limites entre ces deux mondes et une maladie qui n’est pas sans rappeler le sida. Avec Cosmoqueer (2000) et Cosmoqueer vs Starstraight (2001), Kevin Saad nous livre un space opéra délirant mixant Star Wars avec Priscilla, folle du désert.
Princes charmés (1995) et Princes radieux (1997) de Peter Cashorali sont deux recueils présentant les contes traditionnels de Perrault, Grimm et Andersen avec une nouvelle grille de lecture, drôle, touchante et intelligente. Bien sûr, tout ne se termine pas par un mariage et beaucoup d’enfants. De même, le mythe de la Belle et la Bête devient Le Roi des Chats dans le recueil Self-Made Man (1998) de Poppy Z. Brite. Laetitio, le triton de La Boîte à Chimères (2000) de Francis Berthelot, veut devenir sirène pour séduire les matelots tandis qu’un père souhaitant repeupler la Terre pratique une opération transsexuelle sur son fils Iscan devenant Iseut mère des nouveaux hommes.