« Démobilisé début mai nous reçûmes notre ordre d'incorporation pour la fin du mois. J'avais envisagé sérieusement de m'évader en Espagne mais la déportation en Pologne de toute une famille que je connaissais parce que leur fils s'était soustrait au service militaire, me fit renoncer à mon projet. Je ne pouvais prendre une telle responsabilité envers mes parents. Par ailleurs, inconscient et plein d'illusions quand on a dix-sept ans, j'étais persuadé de revenir sain et sauf. »
Affecté en mai 1943 à Erlangen, petite ville de Bavière, il obtient une courte permission pour aller voir sa famille, et fut rapidement intégré dans un régiment de train sur le front russe, avec en face les orgues de Staline, les allemands utilisaient ce genre de troupes pour préserver leurs troupes d'élite de la division SS Viking... Blessé, rescapé des tranchées et de la folie hitlérienne, il survécu à ce no man's land grâce à son esprit de survie.
Après maintes péripéties, il a rejoint le flot des grands blessés, amputés et gueules cassées de l'armée, il fut démobilisé en 1944 et renvoyé dans ses foyers à cause de sa blessure, mais aussi tôt, la libération de Strasbourg devenant imminente, il fut à nouveau réquisitionné pour l'hôpital de Probstzella en Allemagne, pour éventuellement repartir au combat par la suite. Libéré enfin par l'armée américaine, il a eu bien du mal à prouver sa situation de français, car les forces d'occupation américaines considéraient l'Alsace comme une province allemande...
L'atelier UA5 reçoit en 1972, la Grande médaille d'argent d'Architecture (Fondation Jean-François Delarue 1905), pour la réalisation du « Centre d'étude et de formation du Crédit Mutuel d'Alsace-Lorraine », dit le « Bischenberg » à Bischoffsheim.
Jean-Pierre a toujours regretté que l'État français ait mis tant de temps pour reconnaître la situation des Malgré-nous, enfants qui, pris en étau entre deux pays, n'en sont pas moins restés français malgré tout.
Malgré les griefs et rancœurs du passé, Jean-Pierre a réussi avec bien du mal à pardonner à ses anciens tortionnaires, mais avec une fille aujourd'hui devenue allemande par mariage et des petits enfants de la même nationalité, il a réussi à faire la part des choses et cultiver l'art du pardon...
Quelques jours avant sa mort, Bertrand Benoît du Financial Times avait rencontré Jean-Pierre pour écrire un article sur justement cette subsistance de rancœur ou le pardon entre les différents bords du Rhin, Jean-Pierre n'a pu en lire que l'ébauche, il est mort quelques jours avant que ne soit publié l'article...
Après plusieurs incidents cardiaques, il décède le 21 mars 2007 à l'hôpital de Strasbourg des suites d'une insuffisance respiratoire due à une grippe, Jean-Pierre Apprill repose dans le cimetière de la petite commune de Mittelhausen, où il avait construit une maison pour sa retraite qu'il avait baptisée « La Lierrelei ».