Jean Cruveihlier (1791- 1874) est un médecin français, chirurgien des Hôpitaux, membre de l’Académie de Médecine, qui fut le premier titulaire de la chaire d’anatomo-pathologie de la Faculté de Médecine de Paris.
Jean Cruveilhier est né à Limoges le 9 février 1791 ; il est issu d’une famille de médecins puisque son grand-père était médecin à Châteauneuf-la-Forêt et son père, Léonard Cruveilhier, condisciple d’Alexis Boyer, était devenu chirurgien de première classe aux Armée de Rhin-et-Moselle puis chirurgien de chef de l’hôpital militaire de Choisy. Il fut élevé par une mère très pieuse et elle sut lui faire partager la foi ardente qui l’animait, au point qu’il envisagea d’entrer dans les Ordres, après ses études au collège de Limoges ; mais son père avait décidé qu’il serait médecin.
Recommandé à Guillaume Dupuytren, il suivit son enseignement d’anatomie à Paris, mais il fallut que Léonard Cruveilhier intervienne, tant son fils supportait mal l’univers des salles de dissection et se sentait attirer vers une autre vocation. Il poursuivit néanmoins ses études et il fut reçu premier au concours de l’internat de 1811 : il entra dans le service de Dupuytren à l’Hôtel-Dieu et il y passa tout son internat : il se prit vite d’une admiration sans borne pour le « patron » et la monographie qu’il lui a consacré en témoigne.
Son internat terminé, il soutint sa thèse en 1816 sur un sujet qui préfigurait son avenir et ses travaux d’anatomo-pathologie : « Essai sur l’anatomie pathologique en général » : ce travail était dédié à son père en même temps qu’à Dupuytren et défendait les idées développées par François Broussais sur la nécessité d’étudier les lésions des organes pour préciser la connaissance des maladies.
Désireux de succéder à son père, Cruveilhier avait repris le chemin de sa ville natale et s’y était marié. Installé à Limoges, il postula une place de chirurgien à l’hôpital, ce qui lui fut refusé et en 1823, il regagna la Capitale pour y affronter de nouveaux concours.
Il fut reçu au concours d’agrégation en novembre 1823 et, sur recommandation de Dupuytren, nommé à Montpellier comme professeur de médecine opératoire ; toutefois, ce poste ne lui convenait pas et il envisagea très sérieusement de reprendre son exercice médical à Limoges, quand il fut proposé pour occuper, à Paris, la chaire d’anatomie devenue vacante suite au décès de Pierre Augustin Béclard, en mars 1825.
C’est avec une extrême minutie qu’il préparait ses cours, consignant chacune de ses observations et c’est ainsi qui composa son manuel d’Anatomie Descriptive dont le premier tome parut en 1834. Il eut également à cœur de restaurer la Société anatomique qui avait été dissoute après la présidence de Laennec en 1808 : il la présida pour la première fois, le 12 janvier 1826 et en resta le président fondateur jusqu’en 1866 : « pendant toutes les années où il la dirigea, CRUVEILHIER pesa sur les choix de la Société anatomique. Sous sa direction, la Société s’engagea toujours plus loin dans la voie de l’anatomie pathologique pure ». C’est également en 1826, que Cruveilhier fut nommé Médecin des Hôpitaux et il commença à avoir un service de maternité avant de passer à la Salpêtrière : c’est là qu’il put recueillir un grand nombre de cas pour son Atlas d’anatomie pathologique, dont le premier tome parut en 1828.
Jusqu’alors, l’anatomo-pathologie ne faisait pas partie de l’enseignement officiel, bien que Cabanis, ait préconisé la création d’une chaire dans toutes les écoles de médecine, dès 1799. C’est Dupuytren qui est à l’origine de la chaire d’anatomo-pathologie de la Faculté de Médecine de Paris : en effet, il légua par testament la somme de deux cents mille francs pour sa fondation et avait manifesté le désir que Cruveilhier en soit le premier titulaire. Cruveilhier prit possession de sa nouvelle chaire en 1836, mais son enseignement n’eut guère de succès, les étudiants ne comprenant pas l’utilité de cette nouvelle science.
Il fut élu membre de l’Académie de Médecine en 1836 et en fut le Président en 1859, mais il ne réussit pas à entrer à l’Institut.
Clinicien habile, il fut l’un des médecins les plus en vogue de son temps et sa clientèle se recrutait dans toutes les couches de la société : Talleyrand, Châteaubriant, Alfred de Vigny, Chopin ... furent de ses patients mais il n’hésitait pas à témoigner de son désintéressement aux plus humbles.
Les travaux de Jean Cruveilhier ont permis des avancées importantes dans divers domaines de la médecine ; c’est lui qui, le premier en 1830, attira l’attention sur la confusion de l’ulcère de l’estomac (avec son risque de perforation) soit avec la gastrite chronique soit avec le cancer. Il étudia longuement la paralysie musculaire progressive, à peu près en même temps que François-Amilcar Aran et Guillaume Duchenne de Boulogne, mais ce sont ces derniers qui prirent la paternité de cette affection dégénérative connue sous le nom d’amyotrophie d'Aran-Duchenne. Les études de Cruveilhier sur les phlébites marquent une date dans l’histoire de cette affection puisqu’il avait noté que la coagulation du sang était la conséquence d’une altération de la paroi des vaisseaux sanguins: cette théorie rencontra une très vive opposition.
En 1866, sur les instances de sa famille, il donna sa démission de professeur (il avait 75 ans) et il déserta peu à peu les sociétés savantes qu’il fréquentait ; on ne le vit plus guère que dans le service de son fils à la Salpêtrière. Lorsque qu’éclata la guerre , sa famille le poussa à quitter Paris et il se retira dans sa villa de Sussac où il vécut encore quatre années.
Il est décédé, à Sussac, le 10 mars 1874, à 83 ans d’une pneumonie aiguë ; ses obsèques eurent lieu à Limoges et l’inhumation au cimetière de Louyat.