Jean-Pierre Defrance - Définition

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Defrance, le sculpteur

Bien que Defrance soit principalement connu pour ses décors baroques des édifices religieux de la capitale haut-normande, il contribua pourtant à se faire connaître par l'embellissement des certaines monuments civils.

Mais c'est principalement en 1731 qu'il réalise son plus grand coup d'éclat en voyant agréer par la ville de Rouen, son projet pour la construction de la fontaine du Gros-Horloge, le 25 avril 1731.

La fontaine du Gros Horloge

Détail des sculptures de la fontaine du Gros Horloge de Rouen par Jean-Pierre Defrance - L'Alphée

« A Rouen, le XVIIIe siècle aima beaucoup les fontaines. […] toute cette grammaire décorative s’est résumée en un chef-d’œuvre, le seul dont le public se préoccupe et qui s’appuie au Gros-Horloge. » nous avouait Pierre Chirol...

Le 27 juin 1728, alors que le duc de Montmorency-Luxembourg vient à Rouen, recevoir son poste de gouverneur de la Province de Normandie, le Conseil de la Ville le reçoit avec tous les honneurs, et lui offrent les « présents d’usage » ; soit 3000 livres « dans une bourse tissue d’or » et 24 bouteilles de vin des Canaries. Matérialisant la générosité que l'histoire lui prêta, du duc rendit la somme en arguant de son désir qu'elle fût consacrée aux besoins de la Ville. C'est ainsi qu'en 1731, on décida, par le biais d'une fontaine, de rendre hommage au généreux donateur et à sa famille. En effet, la tradition rapporte qu’un des premiers Montmorency, nommé Lanicet ou Lisoie, assistant au baptême de Clovis dont il était le favori, se jeta dans le bassin des Fonts aussitôt que le roi en fut sorti, et fut baptisé immédiatement après lui ; d’où le titre de « Premier baron Chrétien » donné au chef de cette famille.

La célébrité de Defrance semble avoir été suffisante pour les échevins de Rouen lui passent commande, le 25 avril 1731, d'une « décoration de Fontaines de la Grosse-Horloge, dans laquelle entrera un groupe de quatre figures qui représenteront un Batesme de Clovis, ensemble celui du premier Baron Chrestien, suivant le dessein qu’il en représentera incessamment » ; l'artiste devant fournir « sous trois semaines un modèle en plâtre pour l’exécution de ladite Fontaine. Le jet de l’eau sera un Monstre marin à trois têtes, en bronze, comme aussi les armes de M. le gouverneur et y joindre celles du Roi, de la Ville et de la Province en haut du fronton, et table convexe de marbre noir, gravée en lettres d’or ». 2500 livres furent allouées au projet qu'on souhaita voir achevé entre mai et novembre 1731 ; l'inauguration devant avoir lieu pour la clôture de la Foire Saint-Romain.

Le 3 juillet, Defrance ne s'estime pas satisfait du décor et propose quelques adjonctions qui portent le total de l'opération à… 5000 livres : « comme de l’augmentation d’un Génie Français, avec sa corne d’abondance au-dessus de l’Hydre, le tour de bronze ; de deux balcons de fer ornés et dorés aux deux fenestres du second étage ; d’un haut-vent en forme de domino au-dessus de l’ouvrage, couvert d’ardoise et plafonné au-dessous ; de toute la sculpture et figures ou statues de la dite décoration, conforme au modèle en plâtre de présent à l’Hôtel-de-Ville, qui seront toutes dorées, ainsi que toutes les armoiries et autres ornements ». Il semble que les échevins souhaitèrent tout de même recevoir l'avis d'un homme lettré en la personne de Claude Gros De Boze, intendant des Devises et Inscriptions des édifices royaux, Garde des Médailles du Cabinet de Sa Majesté, l’un des Quarante de l’Académie française, Membre honoraire de l’Académie royale de peinture et de sculpture et enfin Secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et belles-lettres.

Le 26 janvier 1732, il répond ainsi ironiquement aux autorités de la ville de Rouen en leur annonçant que le sujet du baptême de Clovis n'est pas des plus appropriés :

« Il est certain que le Baptême de Clovis, et la circonstance hasardée de celui de Lanicet, son favori, avec des armoiries qu’on ne connaissait point en ce temps-là, et que la maison de Montmorency n’a prises que sept à huit cent ans après, était au fond un sujet peu convenable à la décoration d’une fontaine, et que loin de pouvoir être raisonnablement joint à un édifice profane, élevé au milieu d’un marché ou autre place publique, il aurait à peine pu être mis, comme un tableau de dévotion dans l’église métropolitaine de Reims, où Clovis, instruit des vérités du christianisme, reçut le baptême et les onctions sacrées par les mains d’un saint évêque. »

Il poursuit en proposant plutôt la représentation d'un des épisodes des Métamorphoses d'Ovide : la fable d'Alphée et d'Aréthuse. La symbolique du fleuve y paraîtra plus évidente selon lui.

Eustache de La Quérière nous décrit ainsi l'ensemble de la sculpture, qui, en 1864, avait encore gardé des traces de dorure :

« Alphée et Aréthuse, représentés de grandeur naturelle sont couchés chacun près de l’une des rives bordées de roseaux et de fleurs, entre lesquelles coulent les eaux qui les séparent. Penchés sur leurs urnes, ils se regardent avec tendresse. L’Amour qui va les unir, voltige sur leurs têtes et leur lance un de ses traits. L’architecture qui encadre cette scène est une œuvre de décoration remarquable où la dorure a été prodiguée. Elle offrait, à cause de la disposition des lieux, d’assez grandes difficultés d’exécution qui ont été surmontées avec bonheur. Les façades latérales des deux maisons qui forment l’encoignure dont la fontaine occupe l’angle, ont été fort heureusement ajustées pour entrer dans la composition du monument. Ces façades sont ornées de pilastres. Les assises de leur soubassement sont alternativement unies ou sculptées en bossages revêtus de glaçons. Les dosserets sont chargés de carquois, d’arcs, de coquillages, d’attributs de la pêche et de la navigation rassemblés en trophées. Les entablements présentent des groupes d’enfants jouant dans des roseaux, sous des attitudes variées : l’un soulève un dauphin, un autre tient un cygne entre ses bras. Les clefs des fenêtres des maisons portent, soit des écussons où étaient gravées les Armes de Rouen et de la Normandie, soir des coquillages posés sur un trident et une rame. Les deux retours d’équerre sont liés par l’encadrement en forme de niche et par le socle du tableau principal d’Alphée et d’Aréthuse. Cet encadrement, formé de stalactites, est clos à son somment par la voussure de la niche qui porte l’écusson destiné aux Armes de France. Le socle en arc de cercle saillant et d’ordre toscan, donne passage à un robinet qui verse l’eau dans une vasque de pierre . Au-dessus des robinets, est fixée la plaque de marbre chargée de l’inscription et, au-dessus de la plaque, sur la corniche, l’écusson des Montmorency. »

La dédicace, en effet, avait été composée par Gros de Boze pour être inscrite dans un cartouche de marbre noir. Son auteur en avait expliqué le sens dans sa lettre aux échevins de Rouen, où la raison semblait l'emporter sur la condescendance :

« Cette inscription, au reste, vous paraîtra d’abord ne pas renfermer tous les titres de M. le duc de Luxembourg ; mais ce détail, poussé trop loin, serait plutôt un défaut qu’une beauté ; car en fait de qualités, les grandes supposent les petites, et les petites dépriment les grandes : on a jugé de même qu’il était plus que inutile d’expliquer précisément que l’argent que vous avez employé à cet édifice provenait des 3000 livres qui lui avaient été présentées et qu’il avait refusées, parce que, d’un côté, cet objet est trop mince pour le faire valoir nommément dans une inscription, qui peut et doit donner une idée plus générale et plus étendue de sa magnificence, que d’ailleurs vous pouvez avoir employé plus ou moins, et qu’enfin il doit être plus flatté des titres d’Amantissimus et Munificentissimus que de toute autre expression qui en restreindrait l’idée. »

Agréée par le Conseil assemblé le 31 janvier 1732, la nouvelle iconographie est donc exécutée d'après un dessin de Louis de Boullogne, alors premier peintre du Roi et directeur de l'Académie Royale.

Le 13 août 1733, Defrance accepte le marché, moyennant 5700 livres.

Les Échevins, considérant les mérites de Defrance, lui concèdent une prise d’eau pour l’usage de sa maison de la rue des Faulx.

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