Aussi spectaculaire que élégant, le baldaquin de l'autel de l'église de l'Abbaye de la Trinité de Fécamp, toujours en place et édifié par Defrance en 1748 témoigne encore aujourd'hui de la hardiesse de son invention.
On y retrouve les palmiers chers au sculpteur, les chérubins fessus, la suspension qui suivent l'élévation des piliers et se rejoignent sous les voutes aériennes.
Les grands décors des églises de Rouen
Malheureusement tous disparus aujourd'hui ou disloqués et déplacés, les grands décors baroques dont Defrance habilla les églises de Rouen firent sa réputation. Bien entendu, on ne manqua pas de lui reprocher cet « habillage » qui masquait la pureté des lignes de la pierre.
Ainsi, Charles Le Carpentier, juge-t-il avec sévérité les travaux de Defrance à Saint-Vincent :
« Les piliers qui forment le pourtour du chœur furent décorés, il y a plusieurs années, d’ornements et cartouches dorés, d’après des dessins de l’architecte M. Defrance. Le mauvais goût de ces ornements indique bien l’époque du milieu du XVIIIesiècle, où cette partie des arts était encore négligée en France avant que des artistes habiles l’eussent ramenée aux belles formes et au véritable goût puisé dans l’antique, tels qu’ils s’exécutent aujourd’hui dans tous nos monuments publics et même sur nos meubles, même les plus communs. »
1719 : Église Saint-Jean dite « Saint-Jean-sur-Renelle ». Dès 1709, les trésoriers de cette paroisse avaient décidé de remplacer la contre-table et le tabernacle exécutés par le sculpteur rouennais Michel Lourdel (1577-1976) en 1616 et qui, par leur vétusté, « étaient tout noirs et dépouillés des ornements qui faisaient autrefois leur beauté, de manière qu’il n’y avoit pas dans tout Rouen un autel en si mauvais ordre ». On a alors recours à différents avis en forme « concours » sollicitant en même temps Domp de Troyes (un feuillant), le frère Antoine (un Capucin), et de Defrance. C'est une autre haute figure de l'urbanisme rouennais, Jean-Jacques Martinet, « entrepreneur des ouvrages du Roy » qui eut à se prononcer en faveur d'un des candidats. Il choisit le projet présenté par Defrance dont les ouvrages de maçonnerie furent adjugés à Barjolle, architecte-entrepreneur, sous la direction de leur auteur. À défaut des colonnes de marbre de Rance provenant des pères Théatins de Paris, on établit un marché avec le marbrier parisien Dropsy pour faire venir du pays de Rance quatre nouvelles colonnes en marbre. Le 18 octobre 1719, on décida finalement que « pour la contre-table de l’autel du chœur, on s’en tiendra au dessin de Defrance ». La première pierre du nouvel autel fut posée le 27 février 1720 par François Le Seigneur de Reuville. Cet « autel », lisons-nous dans l’Histoire de Rouen, « est bâti à la moderne, d’un très bon goût ». Dans le même temps, en 1720, Defrance avait demandé qu’on lui cédât les « quatre statues de pierre qui étaient au haut des quatre piliers du fond du chœur », ce qui lui fut accordé. Peut-être avait-il l’idée d’une réutilisation ? L’établissement dans le chœur de 58 stalles sur deux rangs, le pavage du chœur en marbre et pierre de liais, de toute l’église en pierre de liais, la réédification des deux chapelles, ne coûtèrent pas moins de 60 000 livres et le tout est achevé sous la conduite de Defrance. Le 20 novembre 1721, il conclut un marché pour faire blanchir la couronne de la contre-table et dessine les nouvelles grilles du chœur en 1742. Cette dernière création prenait place dans une vague d'embellissements qui, à l'aube de cette seconde moitié du XVIIIe siècle vit l'édification de fonts baptismaux audacieux. Defrance s'était déjà essayer à cet exercice à Saint-Michel en 1731, à Saint-Candé-le-Vieux en 1740, à Saint-Nicolas en 1742, avant de réitérer l'expérience à Notre-Dame-de-la-Ronde en 1756. Ainsi, le 22 février 1742, 4000 livres sont allouées à la nouvelle cuve des fonts et à sa décoration. Quelques mois plus tard, le sculpteur est de nouveau sollicité pour améliorer encore l'effet. Il fournit trois projets dont nous avons gardé la trace : Le premier proposait « deux palmiers garnis de guirlandes, placés aux deux côtés de la vitre de la chapelle, [qui] devaient former par l’extrémité de leurs branches, vers la voûte, un baldaquin du milieu duquel descendait la colombe tenant à son bec la phiole ou boette renfermant les saintes huiles ». Le bas-relief figurant le « Baptême de Notre-Seigneur » proposé initialement par Defrance, devait être remplacé par une tablette de marbre noir, avec des ornements de sculpture dorés et une inscription décrivant le sujet. Le second dessin imaginait « deux colonnes partant de dessus le lambris, dont les panneaux seraient ornés d’attributs de sculpture en relief ; du chapiteau de ces colonnes s’élèverait un plein cintre, sur le front duquel seraient posés des chérubins avec un nuage ». Quant au troisième, sensible au précédent, il était exempt de toute sculpture. C'est finalement le premier projet qui remporta les suffrages mais la cuve de marbre blanc, sculptée en 1709 par le sieur Ricouard, et que Defrance avait prévu d'habiller, ne parut sans doute pas assez riche aux trésoriers de Saint-Jean puisqu’elle fut remplacée par une autre en marbre, de forme ovale, portée par quatre consoles sculptées de la même masse et surmontée d’un couvercle de cuivre doré.
Ancien décor de l'église Saint-Maclou de Rouen par Defrance et Calais - Détruit en 1944
1727 - 1735 : Église Saint-Maclou. Avec celui de l'église Saint-Vincent, le décor du chœur de Saint-Maclou est l'un des chefs-d'œuvre de Defrance. Dès 1716 les paroissiens de Saint-Maclou protestaient contre l'absence de visibilité des célébrations et la présence imposante du jubé. Comme de nombreuses églises avant lui, l'édifice subit le même sort. Cependant, l'instabilité financière générée par la banqueroute de Law fit traîner les choses. En 1726, le menuisier Mathieu Le Carpentier construit de nouvelles stalles et Defrance propose alors de rapprocher l’autel des fidèles en le transposant au bas du chœur, « à la romaine ». Son avis n'est finalement pas retenu mais il achève la décoration de son confrère par un beau pavage « en marbre jaspé et noir » l'année suivante. C'est alors qu'on s’aperçoit que le pavage du chœur est de deux pouces plus haut qu’il n'aurait du. Un procès est intenté par Defrance contre les récriminations qui lui sont faites et ce n'est que contre 400 livres qu'il se désiste de l’action qu’il avait intentée au bailliage contre les trésoriers. Le 2 mai 1728, il est décidé que le chœur serait abaissé de huit pouces et mis au niveau avant que le 22 août, il soit déclaré être « dans la perfection ». Malgré une nouvelle proposition qu'il fait en 1728 d'un dessin pour une nouvelle contre-table, il faudra attendre le 29 décembre 1735 pour qu'une délibération ait lieu pour définir l'artiste qui remportera le marché. Defrance n'est pas retenu et ce n'est que deux ans plus tard que le curé, M. de Captot, offrit de faire élever à ses frais, sur les dessins de Jean-Sylvain Cartaud (1675-1758), un nouveau maître-autel. Il est vrai qu'il venait d'obtenir pour Saint-Maclou, et grâce aux libéralités de Mgr de Fitz James, grand vicaire de l’Archevêque de Rouen, « le corps entier de Saint Vérécond, avec une fiole de son sang et le Pro Christo de son martyre ». Ici s'arrêtait la collaboration de Defrance.
1728 : Église Saint-Étienne-des-Tonneliers. Dès 1728 Defrance établi les plans d’une contre-table pour cette église célèbre pour les miséricordes de ses stalles, à l'image de la puissante confrérie des tonneliers. Ce n'est que le 18 août 1754 que l'architecte reviendra à cette église avec un plan pour la reconstruction de la chapelle de la sainte Vierge suivi par un autre devis pour la contre-table du grand autel le 10 avril 1756.
1731 : Église Saint-Michel. Cette année-là voyait l'établissement d'un devis pour des ouvrages de pierre, serrurerie, menuiserie, sculpture pour la décoration des contre-tables du chœur, des chapelles de la Vierge et du Saint-Esprit : « Sur l’autel et la contre-table du chœur il convient de faire un gradin de marbre de Rance, de 8 pouces de hauteur dans l’architrave des premiers piédestaux, lequel gradin aura de largeur de 15 à 16 pouces. Au-dessous de la bordure du tableau sera fait, de menuiserie, un contre-autel avec ornement de sculpture en bas-relief de la Fraction du pain par J.C., enfermé dans un cartouche des plus riches. Au-dessus du dit cartouche sera élevé en saillie des palmiers mêlés de branches d’olivier, soutenus par deux anges pour faire le couronnement de la dite Exposition » et ceci pour 125 livres. La même année, Defrance fournit un modèle pour un changement à faire à la contre-table ainsi que celle de la chapelle du Saint-Esprit à construire d’après son modèle. La chaire de Saint-Michel, transférée à l'église Saint-Vivien depuis 1791, est l’œuvre de Claude Le Prince qui, en 1743, orna le Palais de Justice de sculptures et fit les travaux de décoration de la porte Guillaume-Lion. Elle date de 1732, sa menuiserie fut faite par Mouard. Le 9 juillet 1734, Le Prince informait le trésorier « que la chaire était prête à être livrée et qu’il était nécessaire de faire faire la ferrure de la porte et les boulons de fer pour sceller les pieds dans le pavage ». On monta la chaire en dehors de l’église et on la fit visiter par Defrance qui certifia qu’elle était conforme au dessin et devis.
1738 : Non loin de la cathédrale se dressait l'église Saint-Nicolas. On sollicite ainsi Defrance, en 1738, pour un dessin d'une nouvelle contre-table du chœur. Même si l'on n'en a pas retrouvé la trace formelle, de nombreux historiens pensent que l'on doit au même sculpteur le cintre qui soutenait le crucifix de la nef, ouvrage considéré alors, comme un chef-d’œuvre du genre. La première contre-table datait de 1579. Œuvre du peintre et sculpteur Gilles Doudement, elle était en bois, assise au maître-autel et présentait plusieurs histoires dont une de la Résurrection de N. S. Jésus-Christ. On commanda alors à Étienne Mazeline une nouvelle pièce pour 700 livres dès 1652, décorée cette fois-ci d’un tableau figurant l’Ascension. Celle de Doudement fut vendue au curé d’Ectot-l'Auber pour 144 livres. Les quatre tableaux commandés à Pierre Le Tellier en 1656 et placés de chaque côté de l’autel sont actuellement conservés au musée des Beaux-Arts de Rouen. On sait qu'au cours du XVIIIe siècle, le curé de la paroisse, Guillaume-Robert-Philippe-Joseph Gau de Beaumont fit faire au chœur « une décoration appropriée au goût du temps ». Serait-elle de Defrance ? Naillon n’en par le pas. Par contre, il nous dit qu’en 1728, on fit mettre à bas la ceinture du chœur, dont le jubé et son escalier construit en 1442 par Jean Roussel. Le jubé fut remplacé par un cintre de bois richement décoré sur lequel on plaça un crucifix. Naillon contredit cependant Dubosc et attribut le cintre au sculpteur Claude Le Prince. L’autel, par contre, fut orné de sculptures d’un genre classique et, au-dessus du tabernacle, au milieu d’un trophée en forme de nuage, on suspendit un ange qui tenait une couronne. Cette description correspond aux compositions typiques de Defrance… Naillon poursuit d’ailleurs en mentionnant les portes de fer et en fonte qui furent commandées, pour clôturer le chœur, au serrurier Papillonet et au sculpteur Marie, sous la direction de… Defrance !
1756 : C'est à Saint-André-de-la-Ville, qu'en cette année 1756, est établi un « devis des ouvrages de maçonnerie, menuiserie, marbrerie, sculpture, serrurerie et bronze qu’il convient de faire pour la décoration de la contre-table du principal autel de l’église, en conformité du plan et élévation qui en ont été dressés par le sieur Defrance, architecte » pour un total de 9000 livres. Selon Eustache de La Quérière, c’est en 1742 que la contre-table avait été commandée à Defrance, en même temps que trois tableaux au peintre Jean-Baptiste Deshayes, et représentant le Martyre, la Flagellation et la Sépulture de Saint-André. Ce dernier tableau, était placé à droite de l’autel, du côté de la chapelle de la Vierge. Eustache de La Quérière nous rapporte ensuite qu’en 1862, la dernière toile avait été attribuée à l’église Saint Nicaise et les deux autres au musée de Rouen après la suppression de la paroisse Saint-André.
1760 : En cette seconde partie du XVIIIe siècle, est lancée la reconstruction du portail de l’église Sainte-Croix-Saint-Ouen qui deviendra la paroisse de Defrance. Le portail qui lui est commandé, de style classique avec fronton et pilastres, sera démoli une trentaine d’années plus tard, mais il nous est connu que par une gravure titrée : « Élévation du portail de Sainte-Croix-Sainte-Ouen de la composition du sieur De France, architecte, sous sa direction actuelle, 1761. Dédié aux seigneurs magistrats, propriétaires et paroissiens de Sainte-Croix-Sainte-Ouen par les sieurs curé et thrésoriers de ladite paroisse ».