Loutre de mer - Définition

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Protection

La pression des marchands de fourrure ayant disparu avec l’intérêt commercial de la chasse, la loutre de mer fut protégée en 1911 par le « traité international sur le phoque à fourrure », ratifié par les États-Unis, la Russie, le Japon et la Grande-Bretagne (pour le Canada), à un moment où beaucoup pensaient qu’elle était déjà condamnée. Ce traité était un des premiers à organiser une protection d'espèce au niveau international.

Les survivants

Bien que la chasse de loutre ait été officiellement interdite, et que les animaux soient devenus très difficiles à trouver, des braconniers ont continué à les chasser.

Ainsi, « la dernière loutre de mer dont la prise a été confirmée au Canada a été abattue en 1929 près de Kyuquot, en Colombie-Britannique ».

Les braconniers japonais étaient également sur le point d'éliminer totalement les loutres restantes dans les îles Aléoutiennes (possession américaine depuis 1867) lors du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. La zone fut militarisée par les deux parties. Il y eut une occupation partielle des îles par le Japon et le renforcement de la présence militaire américaine dans le reste de la zone. Du fait de cette militarisation et des dangers liés à l'état de guerre, le braconnage cessa.

Avec le groupe des Aléoutiennes, d’autres petites populations ont survécu de justesse, en particulier en Alaska ou au Kamtchatka. Un groupe a été identifié au large de Carmel, en Californie en 1938, dans une zone où on pensait que les loutres avaient totalement disparu. Une estimation de 1976 considère qu'il devait y avoir une cinquantaine de survivants de E. lutris nereis vers 1914. D'autres estimations parlent de 10 à 30 survivants seulement.

Ces différents survivants ont permis aux 3 sous-espèces de se reconstituer naturellement, colonisant progressivement les zones se trouvant autour d'eux.

Un exemple de recolonisation ayant été assez largement étudié est celui d'Enhydra lutris nereis, la sous-espèce californienne :

Fortement peuplée, la Californie entraîne des cohabitations forcées.

Réintroductions

En plus de la croissance naturelle des populations, des réintroductions couronnées de succès ont été réalisées le long des côtes nord-américaines pour accélérer la recolonisation, en particulier au Sud-Est de l'Alaska, dans l’État de Washington (USA) et en Colombie-Britannique (Canada).

Par exemple, 89 loutres de mer d’Alaska (« provenant de l’île Amchitka et du détroit du Prince William ») ont été introduites en plusieurs étapes en Colombie-Britannique en 1969 et 1972, « dans la baie Checleset, sur la côte ouest de l’île de Vancouver ». Comme souvent, la translocation a entraîné une surmortalité, et la population a rapidement diminué, peut-être jusqu'à seulement 28 individus. Cette petite population s'est ensuite adaptée, et a dès lors rapidement augmenté, puisqu’elle atteignait déjà 1 500 individus en 1995 et 3 185 en 2004.

Ainsi aussi, 59 loutres des Aléoutiennes ont été implantées en 1969 et 1970 dans les eaux de l’État de Washington (USA). Après un démarrage assez lent (100 animaux en 1987), une enquête de 2001 en recensait 555, et 814 en 2005.

Des réintroductions de loutre d'Alaska dans le sud-est de l'Alaska ont également réussi, les autorités ayant déplacé entre 1965 et 1969 412 loutres provenant du sud-ouest de l’Alaska.

La réintroduction des loutres de Californie sur l'Île San Nicolas.

Certaines réintroductions, ont par contre échoué, ou ont connu des succès partiels. C'est ainsi qu'une population de 140 membres de la sous-espèce Enhydra lutris nereis a été installée entre 1987 et 1990 autour de l'Île San Nicolas, en face de Los Angeles, un peu au sud de la zone recolonisée naturellement par la loutre de Californie. Le succès a été très partiel, la population peinant à se développer vraiment. Cette échec partiel est sans doute en partie le fait de la stratégie choisie. En effet, devant l'opposition des pécheurs, une « zone exempte de loutres de mer » a été instituée au sud de la pointe conception, la limite sud de recolonisation naturelle par les loutres. Les animaux entrant dans cette zone (dont la seule exception était l'île San Nicolas) devaient être capturés et ramenés dans la zone réservée, au nord. « En juillet 2000, le USFWS a décidé que le confinement des loutres de mer en tentant de maintenir la zone exempte de loutres de mer mettait en péril de rétablissement de la population de loutres de mer du Sud et a arrêté de retirer les loutres de mer présentes dans la zone d’exclusion ». Cette nouvelle politique devrait favoriser la descente des populations du nord vers Los Angeles, et sécuriser la population de San Nicolas. Mais le développement à long terme de cette nouvelle population reste en 2007 incertain.

De son côté, la réintroduction de population dans l'Oregon a été un échec total.

La situation des différentes sous-espèces

Il y a aujourd’hui 3 sous-espèces reconnues (voir Wilson sur l'histoire de la taxonomie de l'espèce - 1991) :

  • La loutre de mer d’Asie (Enhydra lutris lutris ou E. l. gracilis, selon les classifications) est la plus petite. Elle vit sur la côte ouest du Kamtchatka (fédération de Russie) et autour des Îles Kouriles. Elles seraient entre 15 et 20 000 en 2006. Cette sous-espèce a totalement disparu du Japon, mais une recolonisation à partir des Kouriles est possible, et l'observation d'au moins un individu en 1997 a été rapportée par Gorbics.
  • La loutre de mer d’Alaska (Enhydra lutris kenyoni ou E. l. lutris , selon les classifications), vit sur les îles Aléoutiennes, sur les côtes de l’Alaska. Des groupes ont été réintroduits en Colombie-Britannique (Canada) et dans l'État de Washington (USA). Elles seraient en 2006 une centaine de milliers, surtout présentes en Alaska. La population des Aléoutiennes semble en forte baisse, et le center for biological diversity a demandé en 2000 un statut de protection renforcé.
  • La loutre de mer de Californie (Enhydra lutris nereis) est la moins nombreuse. Elle a une taille intermédiaire entre E. l. gracilis et E. l. lutris. À l’origine, on la trouvait sur toutes les côtes du sud-ouest de l’Amérique du Nord. Déjà rare dès 1830, elle était totalement exterminée au début du XXe siècle. Seuls quelques dizaines d’animaux ont survécu près de Carmel en Californie, à mi-chemin entre Los Angeles (au sud) et San Francisco (au nord). Limité à une petite zone autour de Big Sur (Carmel), l'animal s'est progressivement développé jusqu'à coloniser presque tout le territoire entre les deux grandes métropoles californiennes (voir ci-dessus pour une carte de ce développement). Ils seraient en 2006 2 800 animaux sur 400 km de côte.

« Une analyse génétique récente indique [...] qu’un certain flux génétique s’est produit entre les individus de la Californie et du détroit du Prince-William, en Alaska, avant la traite des fourrures marines ». La séparation entre les sous-espèces, ici Enhydra lutris nereis et Enhydra lutris kenyoni n'empêche donc pas des croisements ponctuels.

Il existe un problème de nom, puisque certains scientifiques appellent la sous-espèce asiatique Enhydra lutris lutris (et non Enhydra lutris gracilis), et la sous-espèce aléouto-alaskane Enhydra lutris kenyoni (et non Enhydra lutris lutris).

Protections légales

Les loutres sont aujourd’hui présentes dans la quasi-totalité de leur ancienne zone de présence, mais de façon beaucoup moins dense, avec un habitat en taches de léopard. En pratique, seule la moitié des eaux où elles habitaient ont actuellement une présence de loutres, et la sous-espèce de Californie reste fortement menacée.

Aujourd'hui, les différentes populations sont stables, en lente augmentation ou en régression (selon les zones). La tendance globale en 2007 semble être une lente augmentation. Là ou des régressions sont constatées, une des hypothèses avancées est celle d'une prédation beaucoup plus forte des orques, ainsi que diverses menaces humaines.

Malgré son retour relatif, la loutre de mer est toujours protégée. Elle l’est au niveau international (la CITES a placé la sous-espèce de Californie (E. lutris nereis) en annexe I : protection maximale, et les 2 autres sous-espèces en annexe II), mais aussi par des lois des pays concernés, comme la Loi sur les espèces en péril et la Loi sur les pêches du Canada ou l'U.S. Marine Mammal Protection Act de 1972 aux États-Unis.

Au Canada, la loutre de mer était « désignée comme étant « en voie de disparition » en avril 1978 », un statut confirmé en 1986. L'animal a obtenu un « réexamen du statut et [une] désignation en tant qu’espèce « menacée » en avril 1996 et en mai 2000 ». « Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a procédé, en avril 2007, à la réévaluation de la situation de la population de loutres de mer et l’a désignée en tant qu’espèce préoccupante [...] du fait qu’elle avait repeuplé de 25 à 33 % de son aire de répartition historique et que la population est en croissance et en expansion. Toutefois, on considère que l’effectif demeure peu élevé (< 3 500 individus) et que la population est particulièrement vulnérable aux déversements de pétrole en raison de sa fragilité aux hydrocarbures et de la proximité des principales routes maritimes empruntées par les pétroliers ».

Prédateurs et menaces

Causes naturelles

Les prédateurs naturels de la loutre sont les orques (ou épaulards), les requins, mais aussi certains oiseaux, comme le pygargue (qui s’attaque surtout aux jeunes), voire exceptionnellement des prédateurs terrestres, comme le coyote (quand elles viennent à terre).

« Les épaulards ne seraient pas une cause de mortalité importante en Colombie-Britannique [...]. Par contre, la prédation par les épaulards peut être importante dans l’ouest de l’Alaska, où des déclins spectaculaires touchent présentement la population de loutres de mer. Estes et al. (1998) avancent l’hypothèse que, en raison des déclins spectaculaires dans les populations de phoques et de lions de mer résultant d’un changement à grande échelle au niveau de l’écosystème, les épaulards s’alimentant de mammifères auraient commencé à s’attaquer aux loutres de mer et seraient la cause du déclin observé dans la population de celles-ci. La prédation par le grand requin blanc est une cause importante de mortalité chez les loutres de mer du Sud [en Californie] et s’est accrue au fil du temps, particulièrement pendant la période de déclin récent et actuel touchant cette population de loutres de mer (Estes et al., 2003) ».

Les tempêtes et le manque de nourriture peuvent aussi causer des pertes importantes au sein des groupes.

Causes artificielles

Dans certaines zones, la pollution et les filets des pêcheurs (prises accidentelles) représentent un risque important. On estime que la marée noire de l’Exxon Valdez, en Alaska en 1989, a tué environ 800 à 5 000 loutres (selon les estimations).

Chez les loutres de Californie, le problème vient d'une proximité très forte avec les humains, les côtes de la Californie étant particulièrement peuplées. « Au milieu des années 1970, on a décelé un déclin d’environ 5 % par année, lequel a été attribué à des mortalités provoquées par les filets de pêche submergés. La tendance s’est inversée à la suite de l’imposition de restrictions sur l’utilisation des filets et, en 1995, les relevés indiquaient une population d’au moins 2 377 individus ». Bien que la tendance, soit actuellement satisfaisante, on a cependant noté une forte mortalité chez les loutres de Californie du fait de maladies infectieuses ou parasitaires favorisées par la pollution. De fait, des études ont montré une contamination notable par des pesticides organochlorés chez des animaux retrouvés morts le long de la côte de Californie. « en général, on ne croit pas que les maladies soient une cause de mortalité importante dans la plupart des populations de loutres de mer, excepté celles de la Californie. En Californie, les maladies sont en effet responsables de 40 % mortalités d’individus dont les carcasses ont été retrouvées sur les plages et contribuent à maintenir un faible taux de croissance démographique, comparativement à d’autres populations de loutres de mer ».

Dans les eaux territoriales russes (Kouriles et Kamtchatka), « la population est menacée par le braconnage, la contamination de l’habitat et les conflits avec les pêches. Le braconnage est particulièrement important du fait que l’on croit qu’un marché noir existe en Russie et qu’il permet d’exporter illégalement des fourrures vers la Chine, la Corée et le Japon (Burdin, 2000) ».

Conséquences

Les menaces actuellement enregistrées n'empêche pas la population des loutre de mer d'être en lente augmentation, mais cette augmentation ne vaut pas pour toutes les zones, et certaines connaissent des baisses de populations.

La diminution la plus spectaculaire est celle des loutres des Aléoutiennes. Alors que les autres populations sont plus ou moins en expansion, la population des Aléoutiennes s'est effondrée, passant d'un fourchette entre 55 et 73 000 individus en 1985 à moins de 9 000 animaux en 2000. Cet effondrement est mal compris, mais l'hypothèse d'une prédation croissante par les orques est souvent avancée, sans preuve formelle.

Estimation de populations

La compilation des estimations des populations locales est difficile, sachant que les méthodes utilisées sont différentes selon les équipes scientifiques, et que les années d'observation ne sont pas les mêmes.

La principales différence vient de l'utilisation de la méthode du comptage des seuls animaux vus, ou de la méthode du comptage estimé, qui ajoute aux animaux observés une hypothèse sur une proportion d'animaux non observés.

Le total des estimations ci-dessous peut-être considéré comme un minimum, beaucoup de ces estimations ne reposant que sur les observations directes, lesquelles ne peuvent espérer être exhaustives. Le total des animaux vivants en 2007 peut donc être estimé entre 100 000 et 150 000 bêtes.

REGIONS NOMBRE DE LOUTRES ANNEE DE L'ESTIMATION SOURCES
États-Unis – Californie 2 026 2007 USGS, 2007
États-Unis - État de Washington 814 2005 Jameson et Jeffries, 2005
Canada – Colombie-Britannique 3 185 2001, 2004 Nichol et al., 2005
États-Unis – Sud-est de l’Alaska 10 563 2000, 2002, 2003, 2005 Compilation USFW, 2008
États-Unis – Centre sud de l’Alaska 15 090 2000, 2002, 2003 Compilation USFW, 2008
États-Unis – Sud-ouest de l’Alaska et Aléoutiennes 47 676 2000, 2001, 2002, 2004 Compilation USFW, 2008; Doroff et al., 2003
Russie – Îles du Commandeur 5 546 2002 A. Burdin
Russie – Péninsule du Kamtchatka et îles Kouriles 16 910 1997 Gorbics et al., 2000
Japon – Cap Nossapu 1 1997 Gorbics et al., 2000
TOTAL 101 811 1996 à 2007


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