L’éducation doit elle-même être un facteur d’évolution sociale et de progrès technologique tout en continuant à assurer la transmission du patrimoine culturel. Elle doit préparer de mieux en mieux à l’entrée dans la vie professionnelle, alors que, sur le marché du travail, la concurrence est de plus en plus âpre, qu’on exige une formation toujours plus diversifiée et que les connaissances spécialisées sont dépassées avant même qu’on ait pu les dominer parfaitement. Enfin, l’éducation doit permettre de concilier les besoins sociaux et économiques en rapide évolution de la société, et les aspirations nouvelles de l’individu. Parallèlement, elle doit continuer à jouer son rôle traditionnel : former le caractère, réaliser un juste équilibre entre la formation et le savoir scientifique et technique, d’une part, et les valeurs humaines, éthiques et culturelles, d’autre part, aider l’élève à acquérir le sens de l’effort à accomplir et à percevoir l’unité et les réalités éternelles, sous-jacentes à l’extrême diversité et à la transformation de plus en plus rapide.
Dans l’esprit d’Adiseshiah, il était bien clair que le concept et les buts de l’éducation devaient refléter les valeurs et les normes de la société. Parallèlement, il soulignait que l’éducation était une manifestation d’intention : elle implique un programme d’apprentissage dont l’intention est que certains buts et objectifs soient atteints. Ce qu’il fit au niveau du macrocosme social et politique fut de rechercher quel type d’enseignement il fallait dispenser pour que celui-ci fût à la fois substantiel et cohérent, compte tenu de ses valeurs. Partant des valeurs d’une société donnée, il se demandait quelle sorte de résultats l’éducation devrait obtenir pour qu’ils soient considérés comme générateurs de progrès.
Au cours des années 1950 et 1960, Adiseshiah fut en rapport avec un grand nombre de gouvernements à valeurs sociales et politiques, à orientations et à institutions extrêmement différentes. Le rapport de la Commission Pearson décrivait cette période comme suit :
Dans les anciennes colonies britanniques, telles que l’Inde, dominées par les valeurs d’Oxford et de Cambridge, l’éducation avait pour objet de former des dirigeants, et certainement pas de réduire les inégalités. Les Britanniques avaient ainsi des écoles de grande qualité alimentant les universités dont les diplômés accédaient à des postes de direction. Les écoles traditionnelles de village perdaient leur raison d’être et disparaissaient, entraînant une extension massive de l’analphabétisme. En revanche, les Français mettaient l’accent sur la culture française et sur leur « mission civilisatrice ». L’éducation était en effet, dans leurs colonies, le processus par lequel on devenait français socialement et culturellement. Pour les ressortissants des pays francophones, le droit à l’éducation comprenait le droit d’être français.
Dans d’autres traditions coloniales, comme celle du Portugal, les objectifs de l’éducation étaient encore plus étroits, fondés en général sur certains progrès économiques mineurs, tels que l’accès aux emplois les plus modestes. Beaucoup de ces pays accédèrent à l’indépendance au cours des années 1960, sans avoir plus de dix titulaires de diplômes universitaires.
Adiseshiah se mit en devoir d’aider les nouvelles nations à changer les données du problème. Dès le début, il aida les pays en développement à fixer des critères d’excellence correspondant à leurs besoins. Et il y travailla sans relâche. René Ochs, qui fut aux côtés d’Adiseshiah au Département de l’assistance technique de l’UNESCO dès ses débuts en 1950, écrivait :