Porté au pouvoir en 1939, le premier ministre du Québec, Adélard Godbout, dénonce l'inefficacité de ce système privé dominé par des intérêts anglophones, ainsi que les alliances entre les deux principales entreprises du secteur — la Montreal Light, Heat and Power (MLH&P) et la Shawinigan Water and Power —, qui ont pour conséquence de ralentir le développement industriel. Godbout qualifie les agissements des monopoles de « dictature économique crapuleuse et vicieuse »
Malgré l'impopularité de plus en plus généralisée du « trust de l'électricité », le gouvernement Godbout n'agit pas dès le début de son mandat. Il attend presque deux ans avant de commencer à intervenir. En juin 1941, le ministre Pierre-Émile Côté avise la Beauharnois Light, Heat and Power qu'elle sera acquise par l'État, par entente ou expropriation. Quelques mois plus tard, en novembre, le gouvernement annule le bail emphytéotique consenti à la National Hydro Electric Company — dont le tiers du capital est détenu par la Montreal Light, Heat and Power (MLH&P) —, pour l'aménagement d'une centrale aux rapides de Carillon. Le gouvernement invoque le fait que la compagnie n'a pas construit l'installation dans les délais convenus.
Le rapport sur les actifs de la MLH&P, commandé en 1938, est finalement publié quatre ans plus tard. L'inventaire confirme les accusations des détracteurs de la compagnie. La valeur des actifs ne correspond pas à la réalité et leur prix a été gonflé artificiellement afin d'augmenter la valeur comptable de la compagnie. Cette valeur gonflée servait aussi à la MLH&P à justifier des augmentations de tarifs lors de ses comparutions devant l'organisme de réglementation.
Le 8 octobre 1943, le gouvernement Godbout annonce qu'il déposera un projet de loi afin de prendre le contrôle de la MLH&P, de la Beauharnois et de toutes leurs filiales, qui exercent un monopole dans la grande région de Montréal. Rédigé par le juriste Louis-Philippe Pigeon de l'Université Laval — il deviendra juge à la Cour suprême du Canada dans les années 1960 —, le bill 17, comme on l'appelait alors, est influencé par le New Deal et en particulier par la création de la Tennessee Valley Authority par le président américain Franklin D. Roosevelt. La loi crée une entreprise commerciale de propriété publique, la Commission hydroélectrique de Québec, dont le mandat initial de desservir en électricité la région de la métropole québécoise aux « taux les plus bas compatibles avec une saine gestion financière ». Hydro-Québec avait aussi pour mission de réhabiliter un réseau vétuste et de développer l'électrification des régions rurales non desservies par les entreprises existantes.
Les dirigeants de la MLH&P sont sur le pied de guerre depuis l'annonce et Godbout et dénoncent avec virulence le projet du gouvernement. Ils se paient une grande campagne de publicité en français pour semer le doute sur les intentions du gouvernement et affirmer que le service offert par la compagnie reçoit l'approbation de 95 % de la population. En anglais, les alliés de la compagnie dans la presse, comme The Gazette et le Financial Post écrivent des éditoriaux qui amplifient les positions de J.S. Norris, le président de la MLH&P. Les textes doutent de la capacité du gouvernement d'engager des personnes assez compétentes pour gérer une compagnie d'électricité et laissent même croire que les jours de l'entreprise privée sont comptés au Québec si le gouvernement va de l'avant avec son plan.
Le débat à l'Assemblée législative est teinté de partisanerie, voire de démagogie, à l'approche de la campagne électorale. Les unionistes accusent leurs adversaires libéraux d'avoir créé cet « enfant cancéreux », qui a grandi sous les administrations libérales précédentes de Gouin et de Taschereau. Le premier ministre Godbout dénonce le monopole et dit même que la MLH&P est passée entre les mains de « bandits qui ont exploité nos ressources à leur profit et à leur bénéfice personnel ». La loi « étatisant » — on ne parle pas de nationalisation à cette époque — la MLH&P est néanmoins adoptée par l'Assemblée législative et le Conseil législatif — qui amende afin d'y ajouter la forme courte Hydro-Québec —, le 14 avril 1944.
Bien que le débat ait parfois pris des accents nationalistes, l'adoption de la loi 17 n'en fait pas un enjeu central. Paul-André Linteau de l'UQAM soutient que la loi ne vise qu'« à soulager les consommateurs et s'appuie sur l'idée que la gestion publique est préférable à la gestion privée ».
La prise de contrôle de la Montreal Light, Heat and Power a lieu dès le lendemain, le 15 avril 1944, mais le rachat formel des 4,5 millions d'actions de la MLH&P prendra trois ans. Après avoir tenté de trouver un terrain d'entente avec J.S. Norris, le gouvernement Duplessis fait adopter une loi d'expropriation, financée au moyen d'une émission d'obligations de 112 225 000 CAD en 1947.
La nouvelle entreprise publique comptait 290 000 clients, disposait d'un réseau de distribution d'électricité et de gaz et de quatre centrales — Chambly, Beauharnois, Les Cèdres et Rivière-des-Prairies —, qui avaient une puissance installée combinée de 616 mégawatts (MW).
La première conséquence de la prise de contrôle par l'état des actifs de la MLH&P est une diminution des tarifs électriques, qui aura pour conséquence de faire quintupler la quantité moyenne d'électricité utilisée par les ménages montréalais entre 1944 et 1960. Après les privations subies pendant la Grande Dépression et de la Seconde Guerre mondiale, le boom qui suit la victoire des Alliés révolutionne la vie de tous les jours : les glacières sont remplacées par des réfrigérateurs, les laveuses-sécheuses facilitent la vie des ménagères et le Québec découvre le monde grâce à la télévision.
Cette augmentation de la demande et une expansion rapide vers des régions auparavant mal servies, comme la Gaspésie, la Côte-Nord et l'Abitibi, oblige la nouvelle entreprise à accroître son parc de production à toute vitesse. En 15 ans, Hydro-Québec rénove deux fois sa centrale de Beauharnois en plus d'ajouter une centrale sur le cours supérieur de la rivière des Outaouais et deux puissants ouvrages sur la rivière Betsiamites.
Cette croissance se fait aussi sentir sur le plan du personnel. Le nombre d'employés passe de 1400 à 3500 entre 1944 et 1960. Les francophones sont désormais majoritaires au sein du personnel et occupent de plus en plus de postes de responsabilité. Entré au service d'Hydro-Québec en décembre 1944, l'ingénieur Robert A. Boyd est l'archétype du nouveau visage d'Hydro-Québec. Âgé de 26 ans à l'époque, Boyd — qui deviendra président-directeur général de la société d'État en 1977 — est le premier ingénieur francophone à être engagé par l'entreprise responsable du service d'électricité dans la métropole québécoise.
L'historien Jack Jedwab écrit que la nationalisation de 1944 a constitué une première victoire de la population contre les intérêts commerciaux dominants et qu'elle annonce des changements profonds de la société québécoise. Il ajoute que la prise de contrôle de l'électricité à Montréal peut même être considérée comme « un important précurseur des réformes élargies qui allaient survenir lors de la Révolution tranquille des années 1960 ».
En faisant l'acquisition des actifs de la MLH&P, Hydro-Québec devient un joueur important de l'industrie du gaz naturel. Vers la fin des années 1940, des industriels envisagent la construction d'un gazoduc qui relierait l'Alberta et les grandes villes de l'Ontario. Hydro-Québec est approchée prolonger le gazoduc vers Montréal. Plusieurs rencontres sont organisées et la Commission hydroélectrique de Québec commande des études internes en plus de solliciter des avis d'experts. Un comité de commissaires est formé en mars 1954 pour prendre une décision. Le comité recommande de remplacer le gaz industriel par le gaz naturel de l'ouest, une conversion qui procurerait un léger bénéfice au service public.
Le président de la Commission, L.-Eugène Potvin, recommande plutôt de vendre le secteur gazier à une entreprise privée. Cette solution est adoptée et la commission adopte une résolution pour se départir tous ses actifs gaziers, qui est approuvée par le gouvernement Duplessis. Des négociations sont entreprises avec plusieurs groupes et la vente du réseau à la Corporation du gaz naturel du Québec — qui deviendra Gaz Métropolitain — est conclue au printemps 1957.
Le scandale du gaz naturel éclate le 13 juin 1958, avec une manchette fracassante du Devoir : « Scandale à la corporation du Gaz naturel du Québec ». Le quotidien, déjà hostile au duplessisme, déballe toute l'histoire. Des ministres et des hauts fonctionnaires auraient utilisé des informations confidentielles pour faire « l'un des coups de Bourse les plus extraordinaires de notre histoire ». Les deux journalistes qui mènent l'enquête, Mario Cardinal et Pierre Laporte évoquent des profits de 20 millions CAD et parlent d'une plus-value de 4 000 %.