La nationalisation de l'électricité au Québec désigne les deux séries d'événements qui ont mené à la création de la société d'État Hydro-Québec en 1944 et à la prise de contrôle des compagnies d'électricité privées du Québec en deux étapes.
En 1944, la première nationalisation a permis à l'État québécois de prendre le contrôle de la Montreal Light, Heat and Power, qui exerçait un monopole impopulaire et décrié sur la vente d'électricité et de gaz dans la région de Montréal. La seconde, lancée en 1962 par le gouvernement Jean Lesage, s'inscrit plutôt dans la foulée des réformes de la Révolution tranquille, dont elle constitue l'un des faits marquants.
Les deux nationalisations de l'électricité ont permis à Hydro-Québec de devenir un des principaux producteurs d'électricité en Amérique du Nord, de lancer d'ambitieux projets de développement hydroélectrique dans le Nord du Québec en plus de garantir aux consommateurs québécois des tarifs d'électricité bas et uniformes sur l'ensemble du territoire.
Dans les années qui ont suivi la Grande Dépression des années 1930, des voix s'élèvent au Québec en faveur d'une intervention du gouvernement dans le secteur de l'électricité. Pendant plus de dix ans, les reproches se multiplient à l'égard du « trust de l'électricité » : on considère leurs tarifs abusifs et leurs profits excessifs.
Les journaux de l'époque sont remplis des dessous du scandale de la Beauharnois, une affaire reliée à la construction d'une centrale hydroélectrique sur le fleuve Saint-Laurent, en amont du Lac Saint-Louis. Puisque le Saint-Laurent est une voie navigable, le gouvernement fédéral doit approuver le projet de construction. Au cœur de la tourmente, l'administration libérale de William Lyon Mackenzie King, qu'on accuse de collusion avec les promoteurs du projet. Les libéraux perdent le pouvoir et sont remplacés par les conservateurs de R. B. Bennett. Tenté d'en découdre avec la Beauharnois, il ordonne la tenue d'une commission parlementaire pour faire éclater la vérité. Une fois les travaux de la commission terminés, il accepte finalement de garantir le financement nécessaire pour compléter la première phase du projet de la centrale de Beauharnois.
Inspirés par la nationalisation de la production et la municipalisation de la distribution menée en Ontario par Sir Adam Beck au début du XXe siècle, des personnalités, comme Philippe Hamel, René Chaloult et T.-D. Bouchard, proposent d'imiter la province voisine. Le dentiste Hamel en particulier, mène une vigoureuse campagne contre la compagnie d'électricité qui dessert mal Québec, la Quebec Power. La multiplication des critiques envers les monopoles amène le gouvernement de Louis-Alexandre Taschereau à ordonner une commission d'enquête de trois membres, dirigée par Ernest Lapointe, le 5 novembre 1934.
Dans son rapport, remis l'année suivante, la Commission Lapointe ne recommande pas de mettre un terme aux monopoles privés, mais propose plutôt d'augmenter l'encadrement de ce secteur de l'économie. En réponse aux travaux des commissaires, le gouvernement forme un organisme de réglementation, la Commission d'électricité de Québec. Dirigée par l'un des membres de la commission Lapointe, Augustin Frigon, la Commission a le pouvoir de faire enquête, peut faire modifier les hausses de tarifs en plus du pouvoir d'approuver les fusions d'entreprises du secteur. Le gouvernement resserre ses exigences pour consentir de nouvelles concessions hydrauliques et autorise la formation de coopératives électriques dans certaines régions, afin d'accélérer l'électrification rurale.
En un peu plus d'un an d'existence, la Commission rend une centaine de décisions, forçant les certaines compagnies d'électricité à réduire leurs tarifs ou les obligeant à brancher certains groupes d'habitations isolées.
L'élection d'un gouvernement de l'Union nationale, dirigé par Maurice Duplessis, lors de l'élection de 1936 ne remet pas en cause les objectifs et les recommandations de la commission Lapointe. Une loi fusionne la Commission d'électricité du Québec à un autre organisme de réglementation, la Commission des services publics, dans un nouvel organisme nommé la Régie provinciale de l'électricité, mais le nouvel organisme continue dans la même voie.
À compter de 1938, la nouvelle régie enquête sur les tarifs d'électricité afin de les abaisser et dresse l'inventaire des titres et possessions des compagnies actives dans le secteur. Bien que la plupart des compagnies font preuve de diligence, la MLH&P fait exception. L'inventaire des actifs préparé par deux ingénieurs prendra quatre années de travail à préparer et ne sera remis à la Régie qu'en 1942.