De nombreux drames menaçaient les professionnels de la médecine en ces temps-là. Un médecin pouvait d'une part recevoir la somme astronomique d’au moins 4000000 dirhams par an, comme Bukhtishuibn Jurjis, médecin-chef du grand calife Haroun ar-Rachid et d’autre part payer, de sa propre vie, la mort malheureuse de son patient ou l'échec de son traitement, comme c'était souvent le cas pour les médecins qui soignaient des princes.
Mais en général, la sanction variait selon le statut du médecin et du patient. La vie d'Ibn Masawayh, a peut-être être été très instructive à cet égard : Quand il était inconnu et considéré encore comme ce que l'on appelait un médecin du bord des routes à Bagdad, pour avoir traité avec succès un serviteur souffrant d’ophthalmie, il avait été rémunéré en nourriture avec du pain, de la viande, des sucreries et la promesse d'un salaire mensuel constitué de quelques pièces d'argent et de cuivre. Quand Le vizir est tombé malade et qu’Ibn Masawayh a obtenu sa guérison, son salaire est passé à 600 dirhams d'argent par mois, auquel il fallait ajouter la nourriture nécessaire pour deux mules et l’attribution de cinq serviteurs. Et quand il a finalement obtenu le grade d’ophtalmologiste en chef du Khalifat, son salaire a été fixé à 2000 dirhams par mois, auxquels s’ajoutaient des cadeaux évalués à 20000 dirhams par an, comprenant le fourrage pour ses mules, ainsi que la mise à disposition d'un certain nombre de serviteurs.
Toutefois, les honoraires versés aux ophtalmologistes étaient dérisoires par rapport à d’autres gratifications encore plus extravagantes que d’autres professionnels étaient susceptibles de recevoir. Au moment où Ibn Masawayh recevait 2000 dirhams par mois comme ophtalmologiste en chef du calife Haroun ar-Rachid, Jibrail son médecin recevait 10000 dirhams par mois.
En ce qui concerne le mode de fixation des honoraires, dans les cas considérés comme chroniques nécessitant de multiples visites, les médecins recevaient uniquement une rémunération à la fin du traitement. Si le patient était guéri il n’était, dans la plupart des cas, pas question de refuser le paiement des sommes dues. Mais si l'issue était fatale, les parents pouvaient s'ils le souhaitaient, montrer au médecin-chef de la ville une copie de toutes les ordonnances détaillant les médicaments qui avaient été prescrits au malade. Si le Hakim-bashi concluait qu'ils étaient efficaces et en bonne adéquation avec la pathologie en cause, le médecin était exonéré de toute accusation de négligence ou de faute, il pouvait déclarer que la vie de la personne avait atteint son terme normal, alloué par la volonté d'Allah et que les honoraires devaient être payés en totalité. Si par contre, le médecin-chef avait la preuve de certaines négligences, il pouvait accorder aux parents le droit de percevoir du médecin le versement du dieh (ou prix du sang) pour leur parent, ce pourquoi il devait périr en punition de son incompétence et de sa négligence.
Néanmoins, certains ophtalmologistes avaient la chance de travailler comme ophtalmologiste personnel d'un Émir de bonne composition et intelligent et certains califes sont même connus pour avoir eu à leur service un ophtalmologiste en plus de leur médecin personnel.
La science de l'ophtalmologie était devenue si bien ancrée dans la culture islamique médiévale que le mot employé pour désigner la sagesse était en arabe al-Basirah, ce qui signifie la capacité à voir. En fait, l'on se réfère à des êtres chers comme Nour al-Ayni ce qui signifie la lumière de mes yeux.