Pour devenir un praticien, il n'y avait aucune méthode préétablie ni de cursus de formation bien défini. Il y avait même pas de spécialisation dans les différentes branches de la médecine, comme on aurait pu s'y attendre. Mais certains étudiants pouvaient finalement devenir pratiquement des spécialistes par l'acquisition de compétences particulières dans le traitement de certaines maladies ou dans l'utilisation de certains médicaments. Le Prince des médecins, le persan (iranien) Avicenne, par exemple, était considéré comme plus compétent que la plupart des autres dans le traitement des maladies nerveuses et, par conséquent, un grand nombre de cas cliniques relevant de cette pathologie ont été portés à sa connaissance, le plus célèbre étant celui du prince samanide Nooh ibn Mansour qui se prenait pour une vache et qui fut guéri par Avicenne qui n’avait alors pas plus de 17 ans. Avicenne lui-même a bénéficié de l'enseignement de nombreux maîtres, dans des disciplines allant de la géométrie à la théologie.
Néanmoins il était de règle, et cela était indispensable, d'apprendre et de comprendre les œuvres et l'héritage des anciens, pour espérer exceller et dépasser ses prédécesseurs dans la discipline. Parmi ces ouvrages on peut citer Les atteintes oculaires de Yuhanna Ibn Masawayh, le grand médecin chrétien nestorien, dont le livre peut être considéré comme la plus ancienne compilation sur l'ophtalmologie, œuvre princeps qui n’a été éclipsée que par celle de Hunayn ibn Ishaq, connu en occident sous le nom de Johannitius, pour son ouvrage Les dix traités de l'œil.
La premier livre marquant à traiter ensuite de l'ophtalmologie a été le traité des maladies des yeux écrit en Égypte par le médecin arabe irakien Ammar ibn Ali de Mossoul vers l’an 1000. Dans le domaine de la chirurgie de la cataracte, Ammar ibn Ali a été le premier à tenter l'extraction de la cataracte par aspiration. Il a inventé une (en fait les romains le savait bien avant lui Galien a même décrit l'opération.)aiguille creuse montée sur une seringue métallique, pour ponctionner la sclérotique et extraire avec succès les cataractes par aspiration. Il a écrit ce qui suit sur son invention de l'aiguille creuse et les circonstances de la découverte de la technique d'extraction de la cataracte et de son expérimentation chez un patient :
« Puis j'ai fabriqué une aiguille creuse, mais je ne l'ai pas expérimentée sur qui que ce soit, avant de venir à Tibériade. J’ai reçu pour une intervention un homme qui m'a dit : Faites comme vous voulez avec moi, mais je ne peux pas m’allonger sur le dos. Ensuite, je suis intervenu sur lui avec l’aiguille creuse et j’ai extrait la cataracte. Il a vu immédiatement et n'a eu pas besoin de s’allonger, mais il a dormi comme il le souhaitait et a gardé les yeux bandés pendant sept jours seulement. Personne n’a utilisé cette aiguille avant moi et j’ai fait de nombreuses opérations avec cet instrument en Egypte. »
— Ammar ibn Ali
La technique historique d'opération de la cataracte utilisée pour la première fois il y a 4000 par les chirurgiens de l’Inde antique notamment par Sushruta est celle de l’abaissement du cristallin. Elle consiste à introduire dans l'oeil, sans anesthésie, un stylet non stérile, et à basculer le cristallin cataracté (c’est-à-dire devenu blanc et opaque) dans le vitré, grâce à des mouvements rapides. On imagine que le taux de complication devait être assez élevé. Au Moyen Age, les médecins arabes inventèrent une méthode supplémentaire qui consistait à introduire une aiguille creuse pour aspirer les débris du cristallin.
La méthode est décrite avec précision par Abulcasis :
« Commencez par faire asseoir le malade devant vous : soulevez la paupière avec la main gauche si c’est l’œil droit qui est cataracté et avec la main droite si c’est l’œil gauche ; saisissez le mikdah (ou aiguille à cataracte) avec la main droite s’il s’agit de l’œil gauche et avec la main gauche s’il s’agit de l’œil droit. Appliquez la pointe de l’instrument près de la cornée transparente à la distance d’un travers de stylet, dans le blanc de l’œil et du côté du petit angle. Plongez-le vivement et faites lui effectuer une légère rotation sur lui-même de manière qu’il traverse le blanc de l’œil et que vous ayez le sentiment qu’il est arrivé à des parties non résistantes. La profondeur à laquelle doit pénétrer l’instrument n’est autre que la distance qui sépare la pupille de la circonférence externe de la cornée transparente ou couronne de l’œil : à ce moment, l’instrument apparaît au centre de l’œil en raison de la transparence de la cornée. Portez alors l’instrument en haut, au point où siège la cataracte et déprimez-la : si elle a cédé, le malade verra immédiatement, bien que l’aiguille soit restée dans son œil. Attendez un instant, et si la cataracte remonte, abaissez-la de nouveau, sans retirer l’instrument. Aussitôt qu’elle se maintient et qu’elle ne remonte plus, retirez le mikdah doucement, en renversant petit à petit la main. »
— Abulcasis, La chirurgie d’Abulcasis ( traduction de l’arabe par le Dr Lucien Leclerc)
Ibn al-Haytham (Alhazen) a apporté d’importantes contributions à l'ophtalmologie et a permis l'amélioration des conceptions antérieures sur les processus impliqués dans la vision et la perception visuelle dans son Traité d'optique (1021), qui est connu en Europe sous le nom d’Opticae Thesaurus. Il a également été le premier à entrevoir que la rétine pouvait être impliquée dans le processus de formation de l’image.Avicenne, dans le Canon de médecine (vers 1025), décrit la vue comme l'un des cinq sens. Le mot rétine (du latin retina) vient d’un terme arabe donné par Avicenne pour désigner cet organe.
Dans son Coliget, Averroès (1126-1198) a été le premier à attribuer à la rétine les propriétés d’un photorécepteur et il a également été le premier à suggérer que le principal organe de perception visuelle pourrait être la membrane arachnoïde (Aranea). Son travail a donné lieu à beaucoup de discussions en Europe au XVIe siècle sur la question de savoir si le principal organe de la vision était le cristallin comme l’affirmait la théorie galenique des humeurs ou la choroïde, selon la théorie de l’Aranea d’Averroes, qui à son tour avait été abandonnée lorsqu’on a découvert que la rétine était le principal organe de perception visuelle.
Ibn Nafis a écrit un grand manuel sur l’ophtalmologie appelé Précis d’ophtalmologie expérimentale où il a apporté un certain nombre de contributions originales sur la question. Le livre est divisé en deux sections : l’une sur la théorie de l'ophtalmologie et l’autre sur les médicaments simples et composés en ophtalmologie.Ibn al-Nafis a découvert que les muscles situés derrière le globe oculaire ne sont pas innervés par le nerf ophtalmique et n’entrent pas en contact avec lui et que le nerf optique passe à proximité, mais n’entre en contact avec aucun d’entre eux. Il a également découvert de nombreux traitements nouveaux pour le glaucome et les troubles de vision d'un œil lorsque l'autre oeil est atteint d’une maladie.
Parmi les autres ouvrages d’ophtalmologie célèbres citons le Continens de Rhazes, les Carnets d'Ophtalmologie d’Ali Ibn Isa et la Médecine des yeux de Jibrail Bukhtishu, entre autres.