Lorsque l’on déforme un matériau polymère par cisaillement, ce dernier peut réagir de deux manières différentes. La déformation se répartit soit de manière homogène, comme c’est le cas avec la plupart des polymères thermoplastiques, soit elle est fortement localisée et visible sous forme de fines bandes, appelées bandes de cisaillement. Leur épaisseur va de quelques microns à 1 millimètre.
On remarque dans la plupart des cas que les bandes de cisaillement sont inclinées par rapport à la direction de traction d’un angle de 45° environ, car c’est dans ce plan que la contrainte de cisaillement est maximale (Facteur de Schmidt).
Le type de polymère conditionne à la fois l’apparition ou non de bandes de cisaillement, et la vitesse de déformation et la température à laquelle la déformation a lieu. Ainsi, pour des températures inférieures à 0,8.Tg, on a un comportement homogène ; au-delà, les déformations deviennent localisées.
Ce mécanisme d’endommagement est souvent plus faible pour des essais de traction. En effet, les craquelures sont alors prédominantes. À l’inverse, pour un essai de compression, les bandes de cisaillement l’emportent.
L’apparition des bandes de cisaillement s’accompagne d’un adoucissement, c’est-à-dire d’un ramollissement du matériau, ce qui se traduit par une chute de la contrainte. Ensuite, plus la contrainte augmente et plus le nombre de bandes de cisaillement augmente, et donc la déformation du matériau.
Les craquelures, aussi appelées « craze » ou « crazing », définissent la tenue à la rupture des polymères.
L’hypothèse isovolumique habituellement pratiquée dans les études de déformation des matériaux (comme les métaux) n’est pas valable pour les polymères. En effet, lors d’un essai de traction sur ces derniers, du vide se forme au sein des chaînes, d'où une augmentation du volume total.
Une craquelure est constituée majoritairement de vacuoles (zones de vide pouvant atteindre 30 à 40 % du volume total) et autour desquelles on observe des fibrilles (chaînes macromoléculaires orientées). Ces dernières ont un comportement mécanique particulier expliquant les phénomènes de rupture du matériau. On peut observer les craquelures par microscopie électronique à balayage.
Les craquelures sont le fruit d’un processus de transformation d’énergie. En effet, les deux surfaces de part et d’autre de la craquelure emmagasinent des énergies de surface de rupture ; énergie auparavant stockée sous forme élastique dans le matériau. Donc les craquelures sont bénéfiques car elles absorbent l’énergie mécanique, renforçant ainsi le polymère et évitant parfois la rupture.
L’approche de la nucléation des craquelures est problématique. En effet, sur le plan physique, on constate une discontinuité des propriétés mécaniques (telle que la densité), ce qui pose problème. Il s’agit néanmoins d’un mécanisme de cavitation.
La nucléation a toujours lieu dans une zone affaiblie, c’est-à-dire où il y a des impuretés, une densité d’enchevêtrements plus faible ou un défaut géométrique (fissure). Il s’agit donc souvent d’une zone de concentration de contraintes.
Remarquons que pour les alliages de polymères, comme par exemple le polystyrène choc, le phénomène de craquelure est important compte tenu du nombre élevé de sites de nucléation. On remarque d’autre part, qu’expérimentalement la nucléation est plus faible pour des polymères fortement orientés ; pour les résines thermodurcissables, le réseau est tellement réticulé que les craquelures ne peuvent pas apparaître.
Les craquelures sont également impossibles si l'on exerce une compression, car alors la pression exercée empêche la création de vide. Enfin, ce phénomène ne se produit que pour des températures de l’ordre de 0,8.Tg.
Les craquelures extrinsèques naissent localement dans les zones affaiblies, parfois avant le seuil de plasticité ; les craquelures intrinsèques apparaissent dans le volume tout entier pour des températures très proches de la température de transition vitreuse.
Numériquement, on peut établir une valeur limite d’apparition des craquelures.
La croissance des craquelures s’explique plus facilement par deux mécanismes régissant l’allongement des fibrilles sous contrainte. Le premier est un mécanisme de fluage qui entraîne la croissance des craquelures perpendiculairement à la direction d’étirement. Le deuxième repose sur l’approvisionnement de la matière située dans la masse totale du polymère.
Typiquement, l’allongement peut atteindre des valeurs de 500 %, le diamètre des fibrilles restant constant (10 nm). Pour le taux de vide dans une craquelure, cela s’élève à 50 voire 80 %.
Le mécanisme d’extraction de matière est prépondérant pour la croissance des craquelures, cependant le mécanisme minoritaire de fluage a une importance capitale dans la rupture finale du matériau.
D’un point de vue mécanique, un polymère infesté de craquelures n’est pas ruiné ; au contraire, la présence des fibrilles permet aux craquelures de soutenir une charge dans la direction perpendiculaire à leurs faces.
La présence de craquelures au sein d’un matériau polymère n’est pas néfaste comme nous venons de le voir. Cependant, si les fibrilles des craquelures se rompent, le polymère se dirige tout droit vers sa ruine.
La rupture des fibrilles est liée au désenchevêtrement puis à la rupture des chaînes de polymères. Suivant la température, on distingue deux modes de rupture :
La craquelure devient alors une microfissure qui croît jusqu’à la rupture.
Suivant le type d’essai réalisé sur l’échantillon, on observe en traction majoritairement des craquelures et en compression des bandes de cisaillement.
Lors d’un essai de compression, les craquelures ne peuvent se former ; ce sont donc les bandes de cisaillement qui l’emportent et qui se développent. A contrario, en traction, les craquelures apparaissent pour des valeurs de déformations inférieures à 10 % ; ce qui limite le développement des bandes de cisaillement.
Le polystyrène est un bel exemple de cette compétition. En effet, il a un comportement fragile en traction (lié à la présence de crazes se transformant en fissures et amenant à la rupture) alors qu’il est ductile en compression (car les bandes de cisaillement entraînent un ramollissement du matériau).
On peut également assister à une osmose entre les phénomènes. En effet, des craquelures peuvent générer des bandes de cisaillement.
Devant la diversité et l’interaction des phénomènes mis en jeu lors d’une déformation, il est très utile, pour un ingénieur, de pouvoir utiliser une « carte » afin de prévoir le comportement d’un polymère pour une sollicitation donnée, à une température donnée. On peut déterminer alors facilement comment se comportera le matériau polymère après sa mise en œuvre, par exemple.
On peut trouver des exemples de carte de résistance comme pour le PMMA. Elle est généralisable à tous les polymères thermoplastiques amorphes.
Toutefois, cette carte n’est pas universelle et des mécanismes de rupture prématurée peuvent avoir lieu en présence de défauts indésirables, par exemple. Il faut donc l’utiliser avec parcimonie.