La problématique réciproque est la suivante, soit G un groupe, existe-t-il deux sous-groupes H1 et H2 de G non triviaux (c’est-à-dire différents de {e} et G) tel que G soit isomorphe au produit direct de H1 et H2 ?
La réponse est parfois positive, comme le montre l'exemple des groupes cycliques. Ce n'est pas toujours le cas, le groupe symétrique d'ordre trois, contenant les permutations d'un ensemble de trois éléments, contient six éléments. Les seuls sous-groupes non triviaux ont pour cardinal deux ou trois. Or les seuls groupes de cardinal deux ou trois sont des groupes cycliques donc abéliens. Comme le produit direct de deux groupes abéliens est abélien et que le groupe symétrique d'ordre trois est non commutatif, il n'est pas produit direct non trivial de deux sous-groupes.
Soit H1 et H2 deux sous-groupes d'un groupe G, les propriétés élémentaires offrent une condition nécessaire pour qu'ils correspondent à un produit direct. Tout élément de G s'écrit comme produit d'un élément de H1 et d'un élément de H2 et tout élément de H1 commute avec tout élément de H2. Cette condition n'est pas seulement nécessaire, mais aussi suffisante :
Le fait que φ soit un morphisme provient directement de la condition (i), en effet :
La condition (ii) exprime exactement le fait que φ est bijective. La démonstration est donc achevée.
Soient H1 et H2 deux sous-groupes de G. On dit que la somme de H1 et de H2 est égale à G si et seulement si le groupe engendré par les éléments de H1 et de H2 est égal au groupe entier G et si tout élément de H1 commute avec tout élément de H2.
Si, de plus l'intersection de H1 et de H2 est réduit à l'élément neutre, alors la somme est dite directe et la notation suivante est utilisée :
Cette définition se généralise à n sous-groupes.
La somme directe possède bien des analogies avec son homologue en algèbre linéaire (cf. Somme directe). Soit H1 et H2 deux sous-groupes de G, alors :
Supposons que tout élément de G s'écrit de manière unique comme somme d'un élément de H1 et d'un élément de H2. Alors soit h un élément de l'intersection de H1 et de H2, 1G s'écrit comme somme d'un élément de H1 et d'un élément de H2 des deux manières suivantes: 0 + 0 et h - h. On en déduit que h est égal à 0. Si tout élément s'écrit comme la somme d'un élément de H1 et d'un élément de H2 alors l'union de H1 et de H2 engendre G. Et la somme directe de H1 et de H2 est bien égale à G.
Supposons que la somme directe de H1 et H2 est égal à G. Soit alors deux écritures d'un même élément comme somme d'un élément de H1 et d'un élément de H2: h1 + k1 et h2 + k2. On en déduit que les deux expressions h1 - h2 et k2 - k1 sont égales. Ces deux expressions sont membres de l'intersection de H1 et de H2. Elles sont donc nulles, ce qui montre l'égalité entre h1 et h2 (respectivement entre k1 et k2). Ce qui démontre l'unicité de l'écriture d'un élément de G comme somme d'un élément de H1 et de H2. Si la somme de H1 et de H2 est égale à G alors la démonstration précédente montre que le caractère abélien de G implique l'existence d'une écriture de la forme h + k où h est élément de H1 et k de H2 pour chaque élément de G.
Supposons que la somme directe de H1 et de H2 soit égale à G. Soit φ l'application de H1xH2 dans G qui, à tout élément (h,k) associe h+k. φ est clairement un morphisme de groupe.
Montrons que φ est surjectif.
La somme de H1 et de H2 est égale à G. En conséquence, si a est un élément de G Il existe donc une suite finie d'éléments de H1 et de H2 dont la somme est égale à a. Comme le groupe G est abélien, il est possible de permuter les termes de telle manière à avoir dans la somme d'abord les éléments de H1, puis les éléments de H2. On en déduit que a est somme d'un élément de H1 et d'un élément de H2. Ces deux éléments forment l'antécédent de a par l'application φ.
Montrons que φ est injectif.
Avec des notations évidentes, supposons que (h,k) un soit élément du noyau de φ. Il vérifie h + k = 0, en conséquence h est un élément de H1 égal à -k donc est aussi élément de H2. Comme la somme est directe h est égal à 0 et donc k aussi. Ce qui termine la démonstration.Une approche, un peu analogue à celle des espaces vectoriel, donne une équivalence entre un produit direct et un morphisme particulier appelé projecteur. Soit G un groupe, H1 et H2 deux sous-groupes de G tel que l'application φ du paragraphe précédent soit un isomorphisme. Alors tout élément g de G s'écrit de manière unique h1*h2 où hi est élément de Hi. Soit p l'application de G dans G qui à g associe h1. Elle bénéficie des propriétés suivantes :
Ici o désigne la composition des fonctions.
L'analogie avec les espaces vectoriels donne lieu à la définition suivante :
La donnée d'un projecteur permet une décomposition de G en produit direct :
Dans le cas où G est abélien, tout morphisme dont le carré est égal à lui-même est un projecteur, en effet tout élément du groupe commute avec tout élément du groupe.
Cette propriété peut se reformuler de la manière suivante. Toute suite exacte :
telle que G est abélien, et qu'il existe une section G/H dans G qui se factorise en un produit direct
En effet, montrons p est un morphisme :
Montrons que pop est égal à p. Soit g = h1*h2 un élément quelconque de G, p(g) = h1. De plus, h1 s'écrit de manière unique comme produit d'un élément de H1 et d'un élément de H2 de la manière suivante h1=h1*e, donc p(h1)=h1, et la proposition est démontrée.
Montrons que tout élément de l'image de p commute avec tout élément du noyau de p. L'image de p est inclus dans H1, la proposition précédente montre l'inclusion inverse donc l'image de p est égale à H1. Montrons alors que le noyau de p est égal à H2. Par construction de p tout élément du noyau s'écrit e*h2 avec h2 élément de H2 ce qui démontre l'égalité. Le paragraphe précédent montre alors le résultat recherché.
Il suffit de montrer que tout élément de G s'écrit de manière unique comme produit d'un élément h de l'image et d'un élément k du noyau. Soit g un élément de G soit h l'image de g par p et k=g*h-1. Par construction, h est élément de l'image de p.
De plus, pop(g) = p(g) = p(h) = h, et donc p(h-1) = h-1. En conséquence p(k) = p (g)*p(h-1)=e, et k est bien un élément du noyau. Tout élément de G s'écrit bien comme produit d'un élément de l'image et d'un élément du noyau.
Supposons deux écritures g = h*k et g = i*l d'un élément g de G comme produit d'un élément de l'image et d'un élément du noyau de p. alors i-1*h = l*k-1 et le terme de gauche est un élément de l'image et celui de droite du noyau. Comme les deux termes sont égaux, ils appartiennent à l'intersection. En tant qu'élément de l'image, le terme est invariant par p, en tant qu'élément du noyau son image est égal à e, en conséquence i-1*h = l*k-1 = e. Ce qui montre l'unicité de l'écriture.