Un système chimique est dit conjugué s'il constitue un système d'atomes liés de façon covalente avec au moins une liaison π délocalisée, contrairement à ce que la représentation de Lewis pourrait laisser penser, ce qui permet de représenter ce système sous plusieurs représentations de Lewis, dites mésomères, résonantes ou canoniques.
La conjugaison, origine de cette délocalisation, peut être de différentes natures :
Ce composé présente - formellement - deux liaisons doubles sur les trois liaisons présentes entre les atomes de carbone. De fait, les liaisons se délocalisent sur l'ensemble du squelette carboné en apportant un caractère de liaison double sur la liaison centrale (formellement simple) et font apparaitre des charges en bouts de chaîne.
Ce type de conjugaison présente un cas particulier, la conjugaison croisée qui intervient quand sur trois liaisons π qui peuvent interagir, deux interagissent entre elles par conjugaison et la troisième est exclue de l'interaction. Des exemples de conjugaison croisée sont donnés par la benzophénone, les dendralènes, les radialènes ou les fullerènes.
Ces systèmes conduisent à une délocalisation générale des électrons sur toutes les orbitales p alignées, parallèles et adjacentes des atomes, ce qui abaisse leur énergie et augmente ainsi leur stabilité.
La délocalisation des électrons crée une région où ils n'appartiennent pas à une seule liaison ou atome, mais plutôt à un groupe, les différences de probabilités de présence dans deux régions de l'espace voisines (ici pour une chaîne d'atomes) s'amoindrissent (on donne l'image d'un déplacement continu des électrons entre deux liaisons consécutives). Ces modifications correspondent à une combinaison de formes mésomères (dites aussi résonantes ou canoniques) telle que l'énergie du système soit minimale (donc il s'agit du minimum absolu de la surface d'énergie potentielle associée aux présences électroniques) : cette notion est parfois présentée par l'introduction d'un pourcentage de localisation de la liaison.
Cette stabilisation du système par délocalisation des électrons a des effets sur sa réactivité: elle favorisera par exemple la formation d'un produit plutôt que celle de son isomère, le premier étant stabilisé par mésomérie, ou favorisera la stabilité d'un intermédiaire réactionnel plutôt qu'un autre, orientant la réaction selon un mécanisme plutôt qu'un autre (compétition SN1/SN2 par exemple).
Les systèmes conjugués possèdent des propriétés uniques qui donnent des couleurs intenses. De nombreux pigments utilisent des systèmes d'électrons conjugués, comme la longue chaîne d'hydrocarbure conjuguée du ß-carotène, donnant une couleur fortement orangée. Quand un électron du système absorbe un photon de lumière de la bonne longueur d'onde, il peut être porté à un niveau d'énergie plus élevé (voir particule dans une boîte). La majorité de ces transitions électroniques se font d'un électron d'une orbitale pi vers une orbitale pi antiliante (π vers π*), un électron non liant peut aussi être déplacé (n vers π*). Les systèmes conjugués de moins de huit doubles liaisons conjuguées absorbent uniquement dans les ultraviolets et apparaissent incolores à l'œil humain. À chaque double liaison ajoutée, le système absorbe des photons de plus grande longueur d'onde (et donc de plus basse énergie), et la couleur du composé s'étend du bleu au jaune. Les composés orange ou rouges ne s'appuient typiquement pas que sur les seules doubles liaisons.
L'absorption de la lumière du spectre ultraviolet à visible peut être mesurée avec la spectroscopie UV/Visible. L'absorption de la lumière forme la base de toute la photochimie.
Les systèmes conjugués forment la base des chromophores, qui sont les parties absorbant la lumière d'une molécule, qui peuvent rendre un composé coloré. De tels chromophores sont souvent présents dans des composés organiques variés, et parfois présents dans les polymères, qui sont colorés ou brillent dans le noir. Ils sont habituellement causés par les systèmes annulaires conjugués avec des liaisons comme C=O et N=N en plus des liaisons C-C conjuguées.
La conjugaison dans les structures cycliques a pour résultat l'aromaticité, une stabilité inhabituelle présente dans certains systèmes conjugués cycliques.
Simplement posséder des liaisons simples et doubles en alternance n'est pas nécessairement suffisant à un système pour être conjugué. Certains hydrocarbures cycliques (comme le cyclooctatétraène) possèdent en effet une alternance liaison simple/double. Bien que la molécule puisse apparaitre plane en ne regardant que sa structure chimique, la molécule ne l'est pas, et adopte typiquement une conformation "bateau". Puisque les orbitales p de la molécule ne peuvent pas s'aligner, les électrons ne sont pas partagés entre les atomes de carbone, et le système n'est pas conjugué.