L'Abbaye du Relec (ou Abbaye du Relecq suivant les sources) est une abbaye fondée probablement en 1132 dans un vallon (vallée du Queffleut) au pied des Monts d’Arrée, sur le territoire de la commune de Plounéour-Ménez dans le Finistère en Bretagne. L'église est classée depuis 1914 au titre des Monuments historiques.
L'abbaye aurait été fondée par des moines venus de l’abbaye de Bégard à l’emplacement d’une abbaye antérieure probablement bénédictine, qui aurait porté le nom de Gerber, fondée par saint Pol Aurélien au VIe siècle, dont le premier abbé aurait été saint Tanguy, décédé en 572, et située à proximité de l’endroit supposé, nommé Brank-Alek (branche de saule), de la bataille ayant opposé en 555 les armées de Comonor comte de Poher et Tudal, prince de Domnonée (appuyé par le roi des Francs, Childebert). Cela expliquerait le nom de l’abbaye qui proviendrait des reliques des combattants tués lors de cette bataille (l'abbaye est dénommée en latin Abbatia de reliquiis dans des Chartes anciennes). Jusqu'au XIXème siècle, on voyait encore au village du Mengleuz une pierre plate schisteuse appelée Men Be Conomore : la pierre tombale de Conomor (aujourd'hui cette dernière serait enfouie à proximité de l'abbaye). Traditionnellement, les Cisterciens s'installaient dans des lieux à l'écart de la fréquentation des hommes.
Ces moines défricheurs s’adonnent à la prière, à l’étude, mais accordent aussi une grande importance au travail manuel et agricole comme dans tous les monastères qui suivent la règle de saint Benoît restaurée par Bernard de Clairvaux. La règle de l'abbaye, édictée en 1134, précise, conformément à la tradition cistercienne: "La nourriture des moines de notre ordre doit provenir du travail manuel de la culture des terres, de l'élevage du bétail. On y prie aussi au "ronron des prières (...) qui s'épandait de Plounéour à Commana et parfois venant de la Montagne par les jours de neige qui poudraient de blancheur le Roc'h Trevezel, le hurlement des loups affamés".
L’abbaye est prospère du XIIème au XVème siècle, (pillée toutefois en 1375). par les troupes du duc de Lancastre dans le cadre de la Guerre de Cent Ans) possédant des terres réparties dans les trois évêchés de Léon, de Trégor et de Cornouaille. Elle a contribué également de façon significative au développement économique des Monts d’Arrée en utilisant un système probablement hérité du droit britonnique du haut Moyen-Age, appelé la quévaise (chaque paysan se voit attribuer un emplacement de maison, un petit jardin et un lopin de terre), mode original de mise en valeur des terres qui rappelle le système des bastides dans le sud-ouest de la France. Les ruines du village médiéval du Goënidou en Berrien, abandonné vers 1350, illustrent les principes égalitaires de cette organisation (maisons identiques à cheminées centrales réparties symétriquement).
Système créé pour attirer des paysans et favoriser les défrichements sur des terres souvent ingrates, la "quévaise" désigne à la fois une exploitation agricole et un mode de rapport qui unit le tenancier à son seigneur. La sujétion seigneuriale est forte: le quevaisier ne peut abandonner sa tenure, ni la louer; il doit "ensemencer et labourer chaque année le tiers des terres chaudes de sa tenue" (les "terres chaudes" sont les terres cultivables, par opposition aux "terres froides", non cultivables), il ne peut qu'émonder les arbres de sa terre, mais en aucun cas abattre les troncs (droit réservé au seigneur). L'héritage repose sur un droit particulier: c'est le plus jeune des fils qui hérite de ses parents, à défaut la plus jeune des filles; si le quevaisier n'a pas d'enfant, la tenure retourne au seigneur. Ces règles visent à empêcher la division des tenures. Le seigneur dispose d'un droit de gerbe , prélevant en moyenne une gerbe sur huit (le paysan doit attendre le passage du collecteur seigneurial avant de pouvoir rentrer sa récolte au risque de la perdre, ce qui provoque des révoltes parfois comme à La Feuillée). Le quevaisier est soumis à un certain nombre d'autres obligations assez lourdes (corvées,charrois) pour le compte de son seigneur. En retour, le quevaisier qui respecte toutes ces dispositions est assurer de jouir à perpétuité, lui et son enfant le plus jeune, de sa terre, dont il est donc un "quasi-propriétaire". C'est un système à la fois favorable au paysan et pourtant très contraignant, comparé au domaine congéable.
"La quévaise est une hostise , institution qui, pour le défrichement, attire des hôtes nés sur d'autres terres. Ce sont souvent des personnes en rupture de banc avec la société, y compris des repris de justice, car les terres des Templiers et des Hospitaliers détiennent le privilège du droit d'asile: ce sont des minic'hi, ce qui explique que ces terres aient été rapidement peuplées. A son arrivée, chaque hôte reçoit un lopin de terre dont il a la jouissance illimitée sans jamais en être propriétaire. En échange, il doit payer une rente annuelle. Les lopins sont tous exactement de même taille et il est interdit de bâtir des clôtures sur les terres communes. Enfin, la quévaise se caractérise par une véritable vie communautaire dans un habitat groupé, rare en Bretagne. Ce mode de vie singulier, qui a fonctionné pendant sept siècles, est susceptible d'avoir façonné les représentations de générations qui l'ont vécu mais également des générations ultérieures en favorisant une attitude positive à l'égard du collectivisme et de l'égalitarisme. En effet, la coincidence entre la carte des communes et des paroisses à quévaises, situées dans les Monts d'Arrée ou dans le Trégor intérieur (région de Bégard et Guingamp) et la carte actuelle de la partie septentrionale du territoire de l'actuel bastion communiste ne laisse pas d'être source d'interrogations. Toutefois, les particularités de la quévaise, parfaitement adaptées au cadre originel du défrichement et de la vie communautaire, deviennent insupportables à mesure de l'évolution des sociétés bretonnes.".
La guerre de Succession de Bretagne (1341-1381) entraîne une désertion des campagnes et dans des villages aux trois-quarts abandonnés, ceux qui restent s'entendent pour réserver les abords de chaque quévaise à leurs tenanciers. Les moines refusent aux quevaisiers le droit de construire des talus, arguant d'un droit oral qui s'est progressivement figé en droit écrit. Les tenanciers engagent donc de nombreux procès contre leurs seigneurs, qu'ils perdent régulièrement. La situation devient explosive et génère des siècles de haine à l'encontre des moines ainsi que de nombreuses révoltes et violences.
La quévaise ne concerne qu'une très petite minorité des terres de Bretagne occidentale (1500 à 2000 quevaisiers disséminés dans environ 70 paroisses à l'apogée vers le milieu du XVIIème siècle selon Philippe Jarnoux), mais est majoritaire dans quelques paroisses des Monts d'Arrée (Plounéour-Ménez, La Feuillée, Berrien, Le Cloître-Saint-Thégonnec) ainsi que plus à l'est, dans les Côtes d'Armor actuels, à Pont-Melvez, Mael-Pestivien, Bégard, Louargat et Pédernec.
Les relations avec les paysans quévaisiers étaient souvent difficiles : en 1727, un début de révolte survient, ceux-ci se plaignant d'un champart excessif. Un compromis maintien le droit de champart sur les grains, mais le supprime pour la filasse et les légumes. La quévaise, assimilée aux droits féodaux, est supprimée par l'Assemblée constituante lors de l'abolition des privilèges la nuit du 4 août 1789. La loi du 25 août 1792 organise le partage des terres des quevaises entre les paysans et l'assimilation des quevaisiers au régime commun lors des successions. Il en subsiste une prédominance de la petite propriété et surtout un esprit libre, "rebelle", qui s'est transmit au fil des générations jusqu'à aujourd'hui. Dans le cahier de doléances qu'ils ont rédigé, les habitants de Plounéour-Ménez écrivent: "N'est-il pas juste d'accorder à l'homme le fruit de ses soins et de ses travaux ? Paraît-il équitable que le domanier élève des plants et arbres dans ses droits et que le seigneur foncier s'en approprie sans en avoir eu soin ? » remettant ainsi en cause l'une des règles principales de fonctionnement de la quévaise.
La propriété communautaire des "terres froides", des "terres vaines et vagues" ainsi que des "issues", "garennes" et "placîtres" (champ commun au coeur d'un village) a subsisté après la révolution française, ces terrains étant reconnu propriété collective soit d'une commune, soit d'un hameau ("village") et ce n'est q'après la loi du 6 novembre 1850 que leur vente à des propriétaires privés est devenue possible. En 1908, Camille Vallaux écrit: "Aujourd'hui, les anciens communaux ont disparu et ce qui reste des propriétés collectives de village diminue tous les jours".
Selon le sociologue Ronan Le Coadic, la quévaise était une sorte de "communisme agraire" et est un des éléments qui ont favorisé la pénétration des idées socialistes dans la région.
Cette abbaye cistercienne avait développé un système hydraulique innovant utilisé pour l’irrigation des jardins et la distribution en eau dans les bâtiments. L'eau coule suivant un axe approximatif sud-nord et s'accumule à l'abri d'une chaussée (digue) pour former deux étangs qui drainent le fond de la vallée. L'eau qui dicte l'emplacement des bâtiments et des jardins. Trois fontaines existaient: la fontaine Notre-Dame, fontaine de dévotion, était au bord de la route traditionnelle reliant Plounéour-Ménez à Le Cloître-Saint-Thégonnec et était réputée guérir les hernies, les coliques et les rhumatismes; elle a disparu. La fontaine de la place, en granite, circulaire a environ cinq mètres de diamètre, datée du XIVème ou XVème siècle, et en son centre se dresse un obélisque de sept mètres de haut datant du XVIIIème siècle. Une troisième chapelle dédiée à Saint-Bernard se trouve dans le bois du Relec. Les jardins étaient entourés de douves larges et profondes qui, outre leur rôle d'irrigation, protégeaient les jardins des moines des animaux et des maraudeurs.
A partir de la fin du XVe siècle, des abbés commendataires sont désignés, d'abord par le duc de Bretagne puis par le roi de France: la plupart sont non-résidents, certains ne viendront même jamais dans leur abbaye, ne s'intéressant qu'aux bénéfices qu'elle leur procure, comme Louis d'Acigné (voir Maison d'Acigné) entre 1526 et 1541.
En 1498, l’abbaye reçoit de la Duchesse Anne de Bretagne le droit de posséder quatre poteaux de justice[réf. souhaitée]. Malgré de nombreux privilèges financiers et économiques obtenus au fil des siècles, particulièrement des ducs de Bretagne, l’abbaye entre en déclin à partir du XVIème siècle, subissant des pillages à répétition lors des Guerres de religion (France), particulièrement en 1598 où elle est pillée par une troupe de brigands dirigée par La Fontenelle. Malgré des restaurations partielles au XVIIème et XVIIIème siècle grâce à René de Rieux, père-abbé de 1600 à 1651 ou encore à Jean-Baptiste Moreau, prieur de 1680 à 1715, elle tombe partiellement en ruines. L'abbaye du Relec verra sa situation se dégrader nettement dès le premier quart du XVIIIème siècle, si bien que la Révolution française ne trouve plus guère au Relec que quatre moines, cinq chevaux et vingt et une bêtes à cornes sous la férule de Dom Claude-François Verguet. Ce dernier, né à Champlitte en Franche-Comté en 1744 et décédé à Montarlot (Haute-Saône) en 1814, fut le dernier prieur de l'abbaye du Relec (le dernier abbé commendataire, Du Vivier de Lanzac, mort en 1784, n'eut pas de successeur) dans la décennie 1780, juste avant la Révolution française. En avril 1789, le clergé du diocèse du Léon, cédant aux conseils de leur évêque, Monseigneur De La Marche, ne nomma aucun député aux États généraux, mais changea d'avis en septembre et élut alors deux députés à l'Assemblée constituante: l'abbé Expilly et le prieur de l'abbaye du Relec, Dom Verguet. Il prêta serment de fidélité à la Constitution civile du clergé en janvier 1791 et devint par la suite vicaire épiscopal de l'évêque constitutionnel de Langres, puis curé constitutionnel de Montarlot et Bonaparte le nomma en 1800 sous-préfet de Lure, mais resta en poste peu de temps.
C'est à cette époque que les bâtiments de l'abbaye furent vendus. L’église abbatiale est partiellement sans toit. Elle devient une étable pendant la Révolution, puis est lentement et partiellement restaurée dans le cours des XIXème et XXème siècle mais sans jamais abriter à nouveau de communauté religieuse. Ce dernier, né à Champlitte en Franche-Comté en 1744 et décédé à Montarlot (Haute-Saône) en 1814, fut le dernier prieur de l'abbaye du Relec (le dernier abbé commendataire, Du Vivier de Lanzac, mort en 1784, n'eut pas de successeur) dans la décennie 1780, juste avant la Révolution française.