Affaire Louis Mailloux - Définition

Source: Wikipédia sous licence CC-BY-SA 3.0.
La liste des auteurs de cet article est disponible ici.

Réactions politiques

Premier projet de loi

Théotime Blanchard en 1875.

Les émeutes ne sont pas mentionnées implicitement lors de la reprise des travaux à l'Assemblée législative, le 20 février 1875, mais le député H. O'Leary, du comté de Kent, qualifie la loi d'insulte, ce qui est réfuté par le premier ministre. Le 8 mars, Théotime Blanchard propose un projet de loi qui légaliserait les délibérations et nominations faites lors de la réunion publique tenue en novembre à Caraquet. Cette loi aurait pour effet d'annuler la réunion du 4 janvier 1875 et la nomination des syndics anglo-protestants. Introduit le 9 mars 1875, le projet de loi soulève un débat, le ministre Fraser accusant Blanchard d'être responsable des émeutes. Malgré la défense de Blanchard, le projet de loi est rejeté.

Tentative d'assassinat

Le 18 mars 1875, alors qu'il se rend de Caraquet à Fredericton, Théotime Blanchard est victime d'une tentative d'assassinat. En effet, alors qu'il se trouve près de Néguac, un homme déguisé en femme fait feu sur lui et la balle manque de peu sa tête. Le coupable ne sera jamais retrouvé.

Deuxième projet de loi

Le gouvernement provincial présente ensuite, le 8 avril, un projet de loi visant à faire construire une prison à Caraquet et d'y établir un poste de police permanent. Une pétition de 15 000 signatures, présentée par le député Kennedy Francis Burns, dénonce la loi qu'il suspecte de venir de Robert Young.

À la suite de l'attentat sur sa personne et du choc causé par la mort de Louis Mailloux, Théotime Blanchard se fait des plus virulent, déclarant même « qu'il n'était pas nécessaire que les Bismarcks et les Kaisers de Gloucester fassent venir l'armée prussienne à Caraquet ».

Le projet de loi est tout de même adopté, seulement 4 députés — Henry O'Leary, Urbain Johnson, Kennedy Burns et Théotime Blanchard — s'y étant opposé.

Émeutes de Caraquet

Formation du conseil scolaire

En novembre 1874, une réunion est organisée par Théotime Blanchard pour nommer les officiers aux différentes charges publiques de la paroisse de Caraquet, dont les trois postes de commissaires scolaires en vertu de l'article 31 de la Loi des écoles communes. Ces nominations doivent être sanctionnées par le Conseil exécutif de la province, présidé par le Caraquetois Robert Young. L'ouverture des travaux est prévue pour le 6 janvier 1875. Une réunion est convoquée à Caraquet par Young, le 4 janvier, à laquelle assistent uniquement des membres de la minorité anglophone de la ville. Les dix-neuf personnes présentes signent une pétition informant le Conseil exécutif de la non-validité de la réunion de novembre et que les commissaires nommés sont invalidés tel que le stipule l'article 31 de la Loi des écoles communes, faute d'avoir payé leurs taxes scolaires. Lors de la même réunion, un nouveau conseil scolaire est créé, formé de John Sewell, Philip Rive et James G.C. Blackhall. Catherine Dwyer, qui épousera Philip Rive un an plus tard, est nommée institutrice et on loue une école. On informe l'institutrice qu'elle ne doit pas accepter les enfants des personnes s'opposant à cette réunion. Robert Young présente lui-même la pétition au Conseil exécutif.

Carte de situation.

Début des hostilités

James G.C. Blackhall, marchand et commissaire scolaire.

Une seconde réunion est convoquée par Robert Young le 14 janvier 1875, où l'on doit fixer les taux de taxation et les méthodes de perception. À la réunion, une motion propose Philip Duval comme président de l’assemblée. La plupart des gens votent contre, mais leur choix est ignoré parce qu’ils n’ont plus de droit de vote, n'ayant pas payé la taxe scolaire. Ceux-ci ont apparemment expulsé immédiatement le président et Blackhall. La réunion se termine sans que rien ne soit décidé.

Le lendemain 15 janvier, une trentaine d’hommes ayant assisté à la réunion sabotée se rend à l’école pour y organiser une autre réunion, cette fois-ci entre catholiques. Il est dix heures du matin. La porte est barrée et les hommes se rendent chez James Blackhall, qui vit près de l’école, pour lui demander les clés. Pendant que certains discutent avec Blackhall, d'autres vont chercher du rhum au magasin des Robin. Ils reviennent plus tard sous l'effet de l'alcool, certains chantent même La Marseillaise. Ils sont maintenant une cinquantaine et exigent que Blackhall signe sa démission. Les insurgés mettent la maison sens dessus dessous, répandant presque un incendie et Blackhall accepte finalement de signer. Ils se rendent ensuite chez Martin Haché et Stanislas Légère, deux des Acadiens ayant payé leurs taxes. On leur exige la signature d'une lettre établissant qu’ils s’opposent à la loi scolaire. De plus, les émeutiers extorquent de l’argent à Martin Haché et à M. Ahier. Philip Rive démissionne du conseil scolaire avant même de recevoir la visite des émeutiers.

Parmi les autres endroits visités par les émeutiers se trouve le magasin de Robert Young. Ce dernier se trouvait alors à Fredericton. Ils sont accueillis par le commis Colson Hubbard, parent de Sarah Hubbard, l'épouse de Robert Young. Ils achètent des provisions et du rhum et menacent le commis Hubert Blanchard, un autre Acadien ayant payé la taxe.

La maison Blackhall, déplacée au Village historique acadien en 1976.

Après que les émeutiers eurent quitté la résidence des Young, Sarah Hubbard envoie un télégramme à son mari. Selon certaines sources, ce télégramme aurait plutôt été envoyé par Philip Rive.

« Ils affirment en avoir fini avec tous les protestants à part toi. Ils menacent de t'enlever la vie dès ton arrivée. Nous nous préoccupons pour ta sécurité, d'après les événements d'hier. S'ils se rassemblent et qu'ils se procurent de l'alcool comme à leur habitude, ils ne sauront plus où s'arrêter. Ils disent qu'après en avoir fini avec toi ils iront chez tous les marchands pour brûler les comptes et hypothèques. »

Robert Young reçoit le télégramme à son passage dans la région de Sackville. Il rend ensuite visite à son ami William Kelly, à Chatham, avant de retourner à Caraquet, le 22 janvier. Les émeutiers ayant été identifiés par le commis Colson Hubbard lors de leur visite au magasin, des mandats d’arrestation sont lancés le lendemain de son arrivée.

Le curé Pelletier de Caraquet reçoit une lettre anonyme — que la tradition orale affirme venir du commis Colson Hubbard. On y menace de brûler le presbytère de l'église Saint-Pierre-aux-Liens et d’autres édifices s’il ne demande pas aux gens de se calmer. Il fait la lecture de la lettre durant la messe dominicale du 24 janvier. Plusieurs considèrent cette lettre comme une menace et ils sont une centaine à se rendre le matin du 25 janvier chez Robert Young. Celui-ci s'est barricadé chez lui avec des amis et ils sont armés. Les émeutiers quittent ensuite la maison dans l’ordre, sans avoir réussi à parlementer avec Young.

Arrivée des renforts

L'hôtel Sewell en 1890.

Après avoir reçu les mandats d'arrestation, le shérif Robert B. Vail de Bathurst appelle du renfort de l'honorable William Kelly, de Chatham, chez qui Young avait rendu visite avant de revenir à Caraquet. Vail arrive à Caraquet le 26 janvier à trois heures du matin, accompagné de six constables. Ils sont rejoints tôt le matin par John et Richard Sewell, de Pokemouche. Ils descendent à l’hôtel Sewell tandis que Vail se rend chez Robert Young. Un groupe de 20 hommes, envoyés par Willam Kelly, arrive le 27 janvier à l'aube. Ceux-ci sont des mercenaires, car la loi interdit à Vail de faire appel à des constables ne venant pas du comté sans la permission de trois juges de paix. Vail se trouvait par hasard à Caraquet durant les événements du 15 janvier.

Les rumeurs courent et Joseph Lebouthillier, Éloi Lanteigne et Gustave Lanteigne sont arrêtés. Plusieurs personnes sont apparemment malmenées. La situation est aggravée par le fait qu'aucun constable ou milicien ne parle français. Gervais Chiasson, confondu avec Gervais Lanteigne, est battu et arrêté, même s'il n'a aucun rapport avec les émeutes.

Fusillade

Death of Constable Gifford, une caricature de la fusillade parue dans le Canadian Illustrated News du 13 février 1875. L'article ne mentionnait même pas la mort de Mailloux.

Durant l'après-midi du 27 janvier, un groupe de 14 jeunes de Caraquet se réunissent pour jouer aux cartes dans le grenier de la maison d'André Albert, située juste en face de l'hôtel Sewell. Dans la cuisine se trouvent également Louis Parisé, l'épouse d'André Albert et sa belle-sœur, Clothilde Chiasson, qui est également la mère de l'un des invités, Joseph Chiasson.

Peu de temps après, Vail apprend du valet de l'hôtel Sewell, Philias Thériault, que des émeutiers se cacheraient dans la maison d’André Albert. Le shérif ordonne à son assistant Stephen Gable de donner l'assaut avec vingt hommes, dont John Blackhall qui sert d'interprète. Il est trois heures de l'après-midi. Blackhall pose des questions à André Albert, qui nie la présence des émeutiers. Pendant ce temps, Stephen Gable et quelques hommes entrent dans la maison alors que les autres restent à l'extérieur pour éviter que les occupants s'enfuient. Un des constables pointe son fusil dans sa direction alors que Clothilde se lève pour retirer de l'eau qui bout sur le poêle ; elle s'évanouit. Les deux femmes sont ensuite transportées dans une pièce voisine. Un bruit venant du deuxième étage attire l'attention de Robert Ramsay. Il pointe le plafond et tire une balle au hasard pour « effrayer ceux qui s'y cachent ». Après ce coup de feu, Richard Sewell s'écrie « les fils de pute sont là-haut ! » et se précipite vers le grenier, avec Henry Burbridge. Les occupants les en empêchent. Voyant cela, d'autres constables tentent d'enlever les planches du plafond avec leurs carabines. Deux coups de feu partent du grenier, sans blesser personne.

John Gifford parvient à se glisser au grenier avec l'aide de Richard Sewell et George Loggie. Gifford reçoit un coup de feu en plein visage et meurt sur le coup. Il avait tiré une fois. La suite des événements n'est pas connue avec précision. Il semble que pendant plusieurs minutes, des coups de feu sont tirés à travers le plafond. Profitant de la confusion, Agapit Albert arrive à s'échapper du grenier tandis que Stanislas Albert est assommé par un constable en essayant de le faire. Pendant ce temps, quelques constables parviennent au grenier et mettent fin aux tirs. Bernard Albert est jeté en bas, mais se cache en dessous d'un lit. Il est coupé aux doigts et a une blessure au front. Joseph Duguay, blessé au visage, est arrêté sur le fait. Louis Mailloux repose par terre, blessé à la tête. Il est laissé pour mort tandis que les constables rassemblent les émeutiers.

Réactions immédiates

Colson Hubbard, qui a identifié certains émeutiers et aurait envoyé une lettre de menace au curé Joseph Pelletier. Photographie de 1904.

Les 14 émeutiers arrêtés sont conduits au magasin de Young, qui sert de prison, sauf un, qui est laissé sur place à cause de ses blessures trop importantes. Il ne sera soigné que le lendemain. Un peu plus tard, les constables permettent d’aller chercher le corps de Louis Mailloux. Il respire toujours et meurt trois quarts d’heures plus tard, dans la nuit du 28 janvier. Les prisonniers sont ensuite conduits à Bathurst. À l'arrivée, plusieurs ont des engelures aux pieds et l'un des chevaux meurt.

Dès que la nouvelle de la fusillade arrive à Bathurst, le sénateur John Ferguson ainsi que deux autres juges de paix font appel à la milice de Chatham afin de venir en aide aux policiers. Le 28 janvier, deux officiers et 41 artilleurs de la batterie de campagne de Newcastle partent sous le commandement du Major R. R. Call. Ils arrivent à Bathurst le 29 janvier à 21 h 30. Ils emportent aussi deux canons de fort calibre. Un détachement de quatre officiers et 46 hommes du 73e bataillon d'infanterie partent aussi de Chatham le 28 janvier. Ils vont arriver à Bathurst le lendemain, vers 17 heures.

Le 30 janvier, on décide que le corps d'artillerie restera à Bathurst. Seuls les fantassins iront à Caraquet pour aider les constables ; ils y arrivent le lendemain matin.

Les funérailles de Louis Mailloux sont célébrées le 2 février. Le même jour, John Gifford est inhumé à Newcastle. Tous les commerces de la ville sont fermés et 1 000 personnes assistent à ses funérailles.

Page générée en 0.123 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise