Le développement d'une discipline scientifique passe généralement par trois ou quatre phases. La biogéographie illustre bien cette maturation.
La première phase est descriptive. Dès la fin du XVIIIe siècle, l'un des premiers essais sur la géographie du vivant fut proposé par Buffon, mais c'est au XIXe siècle que naquit vraiment la biogéographie comme discipline scientifique. Ces pères de la biogéographie sont les explorateurs des XVIIIe et XIXe siècles, parmi lesquels de Candolle, Alexander von Humboldt (1769-1859), Aimé Bonpland (1773-1858), Alfred Russel Wallace (1823-1913), Charles Darwin (1809-1882), Sir Julian Huxley (1887-1975), Philip Lutley Sclater (1829-1913). En France la biogéographie connaît un destin assez liée à celle de la phytosociologie, aussi retrouve-t-on des grands noms communs aux deux disciplines comme Henri Gaussen (1891-1981) et Paul Rey (1918-)...
La phase suivante cherche à comprendre l'histoire des faunes (celle des flores demeurant alors en suspens) donc leur évolution. Cette recherche a été amorcée de manière essentiellement narrative cependant par Darwin, Wallace et Huxley mais c'est Ernst Mayr qui ajoute réellement cette dimension temporelle en 1965 : son objectif étant d'analyser l'origine, la différenciation, le développement et la mise en place des faunes en relation avec l'histoire spatio-temporelle des milieux.
L'étape suivante à laquelle sont associés les noms de George Evelyn Hutchinson (1903-1991), Robert MacArthur (1930-1972) et Edward Osborne Wilson (1929-) est l'approche hypothético-déductive prévoyant les distributions des organismes et les processus impliqués à partir d'hypothèses puis à vérifier sur le terrain les prédictions de ces hypothèses. Cette biogéographie prédictive s'efforce d'expliquer des mécanismes fondamentaux tels que l'immigration, la colonisation, l'extinction, la structuration et le renouvellement des peuplements. Un exemple de cette démarche est la théorie de la l'équilibre dynamique de McArthur et Wilson (1963 et 1967).
La quatrième phase est la biogéographie expérimentale qui consiste à tester des hypothèses sur certains des mécanismes étudiés par la biogéographie prédictive : créer artificiellement des milieux nouveaux, fragmenter des espaces, ériger ou supprimer expérimentalement des barrières à la colonisation, manipuler des nombres d'espèces sur des espaces restreints, faire des substitutions d'espèces, etc.
Ces dernières années, les études génétiques effectuées sur des marqueurs neutres des génomes à hérédité monoparentale ont permis de retracer des routes de migrations des grandes familles d'arbres au quaternaire. Ces approches de phylogénétique couplées avec des approches de paléontologie (fossiles, données palynologiques et anthracologiques) sont d'une puissante inégalée jusqu'à présent. Les progrès sont constants dans la description des trajets des espèces, le rôle des événements historiques ont un poids que l'on ne cesse de revoir à la hausse pour expliquer la physionomie des paysages actuels.
Le travail de cartographie des régions biogéographique n'est pas achevé et continue à évoluer, notamment concernant les aspectes sous-marins et parce que les modifications climatiques peuvent modifier certains facteurs écologiques.