Chain Home / AMES TYPE 1 (Air Ministry Experimental Station = Station expérimentale du Ministère de l'Air) était le nom de code pour la chaîne côtière de stations radar construite par les Britanniques avant et pendant la seconde Guerre mondiale. Le système comprenait deux types de radars : les stations Chain Home métriques, qui fournissaient des alertes radar à longue portée, et les stations Chain Home Low / AMES TYPE 2 centimétriques, de plus courte portée, mais qui pouvaient détecter les aéronefs à basse altitude.
En 1933, le Ministère de l'Air britannique (Air Ministry) mettait sur pied un comité pour la modernisation de la défense aérienne du Royaume-Uni. Durant la Première Guerre mondiale, les allemands avaient utilisés des Zeppelins comme bombardiers à longue portée et leur interception par des avions s'était avéré un désastre, seul la DCA avait fonctionné. Même si les Zeppelins mesuraient des centaines de mètres de longueur et se déplaçaient à seulement 100 km/h, les intercepteurs ne purent les apercevoir que trois fois sur 20 sorties et ne furent jamais capables de les attaquer.
Les bombardiers développés depuis la guerre pouvaient maintenant voler au-dessus de la portée des canons de DCA, ce qui constituait une grande menace. Pire, les aérodromes ennemis n'étaient qu'à 20 minutes de vol ce qui leur permettrait de faire leur raid et d'être reparti avant que les intercepteurs puissent intervenir. La seule solution était d'avoir une escadre de chasseurs en permanence en vol ce qui était physiquement impossible à l'époque. Il fallait donc trouver un autre moyen. Le 12 février 1935, Robert Watson-Watt envoya un mémo du système proposé au Air Ministry intitulé Detection and location of aircraft by radio methods. Le concept avait un potentiel important et on lui demanda immédiatement une démonstration. Dès le 26 février, il avait mis sur pied deux antennes à environ 10 km d'une antenne onde-courte de la BBC à Daventry. Dans le plus grand secret, Watson-Watt, son assistant Arnold Wilkins et un seul membre du comité A.P. Rowe, assistent à la démonstration qui permit de repérer un bombardier à plusieurs occasions avec le signal émis. Fait plus important, le premier ministre, Stanley Baldwin, se tenait informé des progrès du développement du radar.
Deux semaines plus tard, Wilkins quitta le Radio Research Station avec un petit groupe, dont Edward George Bowen, pour continuer la recherche à Orfordness. Le 2 avril 1935, Watson-Watt obtint un brevet pour le système radar (brevet britannique GB593017). Dès juin, son équipe pouvait détecter un avion à 27 kilomètres, ce qui était assez loin pour cesser tout développement sur des systèmes compétiteurs à écholocation sonore. À la fin de la même année, la portée était déjà de 100 km et en décembre, les plans pour cinq stations couvrant l'approche de Londres étaient déjà prêts.
Une de ces stations serait située près sur la côte près de Orfordness et Bawdsey Research Station fut érigé là pour servir de centre principal de recherche sur le radar. Rapidement, des tests à grande échelle du système, plus tard connu sous le nom de code Chain Home, furent entrepris pour détecter et intercepter un bombardier par détection radar. L'essai fut un échec, non à cause de la détection radar mais à cause du problème de communiquer l'information à temps. Les chasseurs furent lancés trop tard et ne virent leur cible qu'après que le bombardier eut dépassé la zone de bombardement. Watson-Watt s'attaqua immédiatement à ce problème en organisant un système de détection par paliers successifs. Les rapports aboutissent au War room où des observateurs indiquent sur une large carte la position de l'ennemi et des coordonnateurs relaient l'information aux escadrons de chasseurs par communications herztiennes directes.
En 1937, les premières stations étaient opérationnelles et le système mis à l'épreuve. Les résultats furent concluants et vingt autres stations furent commandées. Au début de la Seconde Guerre mondiale, 19 étaient construites et prêtes à assumer un rôle décisif dans la Bataille d'Angleterre, en 1940 où elles se sont avérées capables de donner des alertes avancées des raids de la Luftwaffe. Les stations Chain Home ont été construites le long de la côte britannique, au début au sud et à l'est de l'Angleterre, puis sur l'ensemble de la côte, y compris sur les îles Shetland. Il y avait cinquante stations à la fin de la guerre.
Les Allemands connaissaient la construction de la Chain Home mais ne savaient pas vraiment son utilité. Ils testèrent leurs théories sur le sujet en envoyant le GRAF Zeppelin II (Zeppelin LZ130). De mai à août 1939, le ballon dirigeable allemand a fait des vols le long de la côte de Grande-Bretagne, en vue de confirmer la théorie que les tours de 100m de haut édifiées par les Britanniques de Portsmouth à Scapa Flow étaient utilisées pour la localisation par radio des avions. Le LZ130 a fait un ensemble de tests, allant de l'interception d'émissions radio à la prise de photos, en passant par une analyse de fréquences magnétiques et radio. Cependant, la mauvaise qualité de l'équipement allemand les a empêché de détecter les radars Chain Home britanniques, et la mission LZ130 en a conclu que les tours britanniques n'étaient pas liées à des opérations radar, mais formaient plutôt un réseau de radiocommunications et sauvetage navals.
Le système Chain Home était très primitif, et, pour être prêt au combat, il a été mis en production en urgence par Robert Watson-Watt. Cet ingénieur pragmatique considérait que la «troisième qualité» va, à condition que la «deuxième qualité» ne puisse pas être produite à temps, et que la «première qualité» ne soit jamais disponible. Chain Home était certainement de «troisième qualité» et souffrait de bruits et d'erreurs de détection. Mais c'était quand même le meilleur au monde à l'époque, et il fournit une information critique, sans laquelle la bataille d'Angleterre aurait pu être perdue.
Chain Home n'a rien de l'image populaire d'un radar. Contrairement aux radars allemands, il n'y a pas d'antennes tournantes envoyant un faisceau d'énergie radioélectrique en «phare», tout en écoutant les échos. Chain Home n'a que des antennes fixes. Le réseau d'émission émet un «éventail» étalé, couvrant un grand angle, d'une centaine de degrés. Le réseau de réception est composé de deux antennes fixées à angle droit l'une de l'autre. Ces antennes ont une sensibilité directionnelle, et selon l'azimut de la cible, l'écho est plus ou moins fort dans l'une que dans l'autre. L'opérateur doit ajuster manuellement un circuit de comparaison pour estimer au mieux la force relative des deux signaux reçus. L'angle vertical de la cible est estimé par comparaison avec la force des signaux reçus dans un autre ensemble d'antennes situé plus près du sol. Le retard de l'écho, bien sûr, détermine la distance.
Pendant la bataille, les stations de Chain Home, et tout particulièrement celle de Ventnor sur l'île de Wight, ont été attaquées de nombreuses fois entre le 12 et le 18 août 1940. Il est arrivé un jour qu’une section de la chaîne dans le Kent, dont la station de Douvres, soit mise hors d'état par un coup de chance endommageant le réseau électrique. Mais, bien que les huttes en bois recélant l'équipement radar soient endommagées, les tours ont survécu grâce à leur robuste construction en poutrelles d'acier. Comme les tours sont restées intactes et que les signaux ont rapidement été remis en route, la Luftwaffe a conclu que les stations étaient trop difficiles à endommager par bombardement, et les a laissées tranquilles pour le reste de la guerre. Si la Luftwaffe avait réalisé combien ces stations radar étaient essentielles à la défense aérienne britannique, il est probable qu'elle aurait mis toutes ses ressources pour les détruire.
Le système Chain Home a été détruit après la guerre, mais certaines des grandes tours d'acier restent, reconverties pour de nouveaux usages pour le XXIe siècle.
L'une de ces tours émettrices de 110m de haut (voir photo à droite) se trouve à l'usine BAE Systems de Great Baddow en Essex (2003). Elle était initialement à Canewdo, et on prétend que c'est que la seule tour de Chain Home encore dans son état d'origine, sans modification.
Le lecteur intéressé se reportera à Chain Home en anglais, où il trouvera les références géographiques et souvent historiques de chacun des 59 sites.