Le style de C.J. Cherryh est rafraîchissant pour le genre Space Opéra. Si on y trouve les poncifs du genre -aliens, guerres galactiques, technologies avancées- leur traitement se fait avec un souci du détail confinant au récit anthropologique. Les aspects psychologiques et sociologiques des différentes races constituent une source sans fin de thrillers, angoisses et retournements de situation. Chaque négociation se fait au bluff sur base de suppositions. Chaque mouvement de vaisseau spatial implique des calculs fastidieux, des délais de transmission et des risques de collision. Le principal danger que court un vaisseau est le recours en justice et la perte de la licence de navigation. Chaque tâche des femmes d'équipages implique des procédures rébarbatives, une chaîne de commandement et des routines ennuyeuses. À aucun moment on ne sait si les alliés ne se révéleront pas des traîtres et si les ennemis ne seront pas les meilleurs partenaires.
D'autre part la structure sociale hani est propice à un message féministe particulièrement ironique : les mâles sont considérés comme des incapables sujets à de brusques sautes d'humeur. Leur utilité première est la reproduction, bien qu'ils puissent servir de potiches [sic] ou servir à consolider une alliance entre clans jusqu'à ce qu'un autre mâle moins éduqué et plus brutal le remplace à grands coups de griffe. Le parallèle avec la condition de la femme dans le milieu du travail saute rapidement aux yeux. La conviction de Pyanfar selon laquelle il s'agit plus de préjugés dus à l'éducation qu'à un état de fait dû à la biologie fera figure de révolution… et ne sera que fort peu suivie tant chez les hani que dans les autres races. Les mâles hani eux-mêmes sont loin d'être convaincus. Ainsi, les (parfois involontaires) naviguants mâles de Pyanfar puis de Hilfy doivent se surpasser pour être considérés comme simplement compétents. Et même alors, l'équipage hésitera souvent à montrer en public leur scandaleux naviguant mâle.
Ce thème présent dans les trois cycles est particulièrement prenant dans le dernier volume : l'Héritage de Chanur. Le jeune mâle n'a dû son engagement qu'à des faveurs sexuelles, n'a reçu ni vraie responsabilité ni vraie formation et a été purement et simplement abandonné par son vaisseau. Le responsable de la Jonction le confie au capitaine Hilfy pour en être débarrassé. Le hakkikt Kif s'adresse à lui plutôt qu'à la capitaine dans le but d'insulter celle-ci. Même si l'équipage réprouve la manière dont il a été traité (Chanur passe pour un clan très libéral), son intégration sera longue et douloureuse.