Gabriel Pérès - Définition

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De l'écophysiologie à l'écotoxicologie

Les préoccupations des hommes de science, puis des décideurs politiques, relatives à l'avenir des espèces, menacées par les modifications du milieu ambiant entraînées par les activités humaines, ont ouvert au cours de la deuxième moitié du XXe siècle un nouveau domaine d'investigations physiologiques dont la portée est double : il s'agit d'une part d'étudier précisément les fonctions qui permettent aux êtres vivants de s'accommoder des conditions de vie que leur impose le milieu ambiant et de réagir à leurs modifications ; d'autre part, de mettre à profit les données ainsi acquises pour évaluer les risques que certaines activités humaines font peser sur la biosphère. Or l'école lyonnaise avait à son actif une bonne connaissance des mécanismes adaptatifs à l'étude desquels se trouvait voué depuis Cordier l'essentiel de son activité scientifique, et cela chez des organismes aquatiques des plus variés. Gabriel Pérès était d'autant plus à même de s'investir dans ce dernier champ d'étude qu'il pouvait en outre se prévaloir de sa double formation initiale de vétérinaire et de scientifique. D'ailleurs, le domaine ne lui était pas totalement étranger, puisque dès 1953, il avait supervisé au laboratoire de physiologie de la Faculté des Sciences la thèse de doctorat vétérinaire d'André Dubus rapportant Quelques données sur l'utilisation des poissons comme réactifs biologiques. Certes, en provoquant des changements dans les conditions du milieu, les chercheurs lyonnais visaient avant tout à démasquer les mécanismes régulateurs qui assurent en permanence chez les animaux supérieurs le maintien de l'homéostasie et leur permettent ainsi de mener, selon la célèbre expression de Claude Bernard, une vie libre et indépendante. Mais en dépit de leur orientation fondamentale, ces chercheurs n'étaient pas indifférents aux retombées pratiques que comportaient leurs travaux : lorsque l'on étudie les effets des changements de température ou de salinité du milieu, les applications sont évidentes, et les institutions publiques ou privées intéressées se révèlent prêtes, sous certaines conditions, à épauler les chercheurs. C'est ainsi que naquit d'abord une série de recherches effectuées chez les poissons d'eau douce sur l'influence de l'augmentation de la température de l'eau provoquée par le fonctionnement des centrales nucléaires, recherches qui furent soutenues par EDF et donnèrent lieu à des rapports publiés dans les Cahiers de Montereau.

À côté des modifications physiques affectant le milieu ambiant, les modifications de nature chimique, celle de la salinité du milieu marin et surtout le déversement de substances éventuellement toxiques dans les milieux aquatiques par les entreprises industrielles, posaient des questions épineuses, qui commencèrent d'être activement étudiées par Gabriel Pérès et plusieurs de ses collaborateurs : c'est l'influence des sels de plomb sur divers mécanismes physiologiques qui retint d'abord leur attention (Bogé et Rigal, 1974, Demael 1975), puis le méthyl-mercure (Bogé et Rigal, 1980), le chrome, cependant que s'imposait le recours aux poissons, très sensibles à la pollution, comme organismes détecteurs. Pour cela, la littérature étrangère, qui dans les années 70 était presque exclusivement d'origine anglo-saxonne, proposait des espèces dont il fallait valider l'emploi dans notre pays ; d'autres espèces mieux adaptées aux conditions régnant en France méritaient d'être repérées ; à côté des méthodes fondées sur l'estimation de la seule létalité, il convenait d'adjoindre des mesures biochimiques rendant mieux compte des effets toxiques engendrés par les polluants. En outre, il s'imposait d'établir des méthodes de substitution in vitro, épargnant le recours aux animaux vivants. C'est à cette tâche multiforme que Gabriel Pérès n'a pas hésité à s'atteler, en en faisant le sujet pour ainsi dire exclusif de ses propres travaux à partir du moment où il se fixa à Tamaris. Il resserra sa collaboration scientifique avec les chercheurs de l'école polonaise, à la suite de laquelle il introduisit l'étude de certaines activités enzymatiques présentes dans les globules rouges (superoxyde dismutase et catalase plus particulièrement), qui donnèrent lieu à de fructueuses recherches avec Gérard Brichon, ainsi qu'avec Hélène Roche et plusieurs doctorants jusqu'au départ de Madame Roche dans la région parisienne en 1995. Plusieurs organismes nationaux et internationaux firent appel à la compétence reconnue de Gabriel Pérès, qui fut encore, en 1996, nommé expert auprès de l'OCDE en écotoxicologie aquatique. La recherche appliquée n'a pas toujours bonne presse en France, et il est de bon ton dans certains milieux scientifiques de prétendre l'ignorer, même et surtout lorsqu'on la pratique discrètement pour glaner quelques subsides. Certes, Gabriel Pérès en tira parti pour son laboratoire, et réussit par ce moyen à le faire survivre malgré la déficience des crédits publics, mais il ne ménagea pas sa peine, en acceptant de siéger dans de multiples commissions, de rédiger des rapports substantiels, d'assister à des colloques spécialisés. Tout ceci témoigne qu'il considérait ces tâches comme un devoir qu'un scientifique doit rendre à son pays, et c'était, me semble-t-il, une autre facette de cet engagement civique qui l'avait poussé, quarante ans plus tôt, à rejoindre discrètement les combattants de la France libre.

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