Lorsqu'il devint titulaire de la chaire de physiologie comparée, Gabriel Pérès devint du même coup le directeur de ce que l'on nommait alors la Station maritime de Biologie de Tamaris. Sis dans la baie du Lazaret, qui s'ouvre sur la baie de Toulon, un bâtiment de style mauresque abrite depuis 1900 le laboratoire maritime de physiologie construit pour une large part grâce au don généreux de Michel Pacha, qui, en 1890, offrit à l'Université de Lyon, à la prière de Raphaël Dubois, le terrain et les matériaux nécessaires à la construction, sous la condition que le nouveau laboratoire maritime serait affecté aux recherches physiologiques et constituerait une annexe de la chaire de physiologie générale. Raphaël Dubois (1849-1929) réunissait la triple qualification de pharmacien, de médecin et de naturaliste. Je ne puis détailler ici les titres scientifiques éminents de Raphaël Dubois, auquel G. Pérès a consacré deux communications substantielles à l'Académie de Nice. Préparateur de Paul Bert à la Sorbonne, il l'assistait dans la réalisation de ses expériences sur l'anesthésie, et il avait entrepris simultanément l'étude de la biophotogénèse chez les animaux luminescents, étude qui lui fournit la matière de sa thèse de doctorat ès-sciences. Il découvrit le mécanisme intime du phénomène, montrant que la production de lumière était due à l'action d'un ferment, qu'il nomma luciférase, sur un substrat particulier, la luciférine. Les organismes lumineux sont nombreux chez les êtres qui vivent dans le milieu marin, et Dubois était pleinement conscient, tout comme son maître Paul Bert, du reste, de tout ce que le physiologiste peut espérer d'un laboratoire spécialement équipé pour les recherches physiologiques portant sur ces organismes. Dubois, qui parvint peu à peu à passer le plus clair de son temps à Tamaris, y travailla pratiquement jusqu'à sa mort, survenue en janvier 1929, trois jours après sa dernière communication.
Après Dubois, Cardot, ancien élève de Lapicque et proche collaborateur de Charles Richet, travailla à Tamaris avec ses élèves (Antoine Jullien et Angélique Arvanitaki notamment) et il sut y attirer la fleur des physiologistes français, ainsi que quelques nobles étrangers ; la station tomba en léthargie à la mort de Cardot, survenue en 1942, au moment où la Seconde Guerre mondiale faisait rage, provoquant des destructions considérables dans la région de Toulon et notamment à Tamaris, déjà dévasté par l'occupation italienne, puis allemande. Après la guerre, les bâtiments furent restaurés à grand peine par Cordier et son épouse, qui, disposant de moyens limités, durent se borner à venir y travailler deux mois chaque été avec quelques collaborateurs choisis. Il est important de remarquer que le fait de diriger la station ne fut cependant pas sans influencer durablement l'orientation des recherches de Daniel Cordier, qui joignit désormais les poissons, d'eau douce ou marins, aux espèces animales qui avaient fait jusque là l'objet principal de ses travaux. Son successeur devait adopter la même ligne de conduite.
En effet, sitôt nommé, Gabriel Pérès, qui jusqu'alors avait été tenu à l'écart de Tamaris (il travaillait aux Terrasses pendant l'été), décida de redonner vie à la station, et de l'ouvrir désormais de façon permanente. Il réussit à en conserver la maîtrise, malgré les convoitises de certain collègue lyonnais qui souhaitait occuper tout ou partie de la station et avait projeté de s'approprier ses moyens en personnels et en matériels (y compris les bateaux de pêche et la bibliothèque !) II y vint régulièrement lui-même, il obtint de certains de ses collaborateurs qu'ils y fassent des séjours prolongés, jusqu'au moment où un universitaire résida en permanence au laboratoire (ce fut d'abord Maurice Buclon, puis Gérard Brichon), il y organisa des stages d'étudiants, qui donnèrent naissance plus tard à des certificats spécialisés, il y accueillit des collègues français et étrangers, nouant avec plusieurs de ceux-ci de fructueuses collaborations (Ion Motelica, Robert Crane, Ernest Schoffeniels, Wanda Leyko...). La création d'un périodique scientifique, les Annales de l'Institut de biologie marine Michel-Pacha, suivie de celle des Acta Ichthyophysiologica, permit l'enrichissement rapide de la bibliothèque de l'Institut par échange avec d'autres revues similaires. Gabriel Pérès obtint du recteur Louis des travaux d'aménagement puis la construction d'un nouveau bâtiment inauguré le 28 décembre 1968 qui abrite un vivier bien équipé, un grand laboratoire de recherche ainsi qu'un petit bâtiment pour le logement des étudiants participant aux stages. Il put également obtenir en 1965 du CNRS les crédits nécessaires pour la construction d'un bateau, le professeur Raphaël Dubois, appelé à remplacer la ville de Lyon, une embarcation légère acquise bien avant la guerre. Enfin, il engagea une active politique de collaboration avec les organismes de recherche qui s'implantèrent dans la région, le CNEXO, le Centre d'études et de recherches biologiques de la Marine (CERBM), la Fondation océanographique Paul-Ricard, puis l'Université de Toulon et du Var, pour n'en citer que quelques uns. Pour expliciter durablement la vocation de la station, Gabriel Pérès lui fit donner le nom d'Institut Michel-Pacha (Laboratoire maritime de physiologie) qui aurait dû être le sien à l'origine. Même si les bouleversements administratifs qui suivirent la réforme des Universités après la crise de mai 68 ont parfois entravé la réalisation des travaux nécessaires à l'entretien correct du laboratoire — mais Tamaris n'a pas été la seule victime de l'incurie administrative vis-à-vis des bâtiments universitaires — les efforts constants de Gabriel Pérès puis de son élève et successeur Gérard Brichon, l'actuel directeur, auquel il transmit le flambeau le ter janvier 1988, ont réussi à maintenir intact le potentiel de l'Institut.
Lorsque l'on consulte la notice de travaux établie par Gabriel Pérès peu avant son départ à la retraite (1er septembre 1989), on est frappé de l'importance qu'ont prise progressivement les sujets de recherches portant sur les animaux aquatiques, alors que cette rubrique était absente de l'exposé de titres préparé en 1961. Ayant pris conseil auprès de spécialistes de la physiologie et de la biologie des poissons, notamment de Maurice Fontaine, professeur au Muséum, et directeur de l'Institut océanographique de Paris, il consacra une part de plus en plus grande de son activité scientifique à la physiologie des animaux aquatiques, qu'ils soient marins ou habitants des eaux douces. D'abord il encourage les élèves de son prédécesseur qui ont commencé des recherches dans ce domaine, par exemple Renée Bange-Barnoud sur le métabolisme protidique, et Andrée Demael, qui mène à bien une thèse sur les particularités du contrôle endocrinien du métabolisme glucidique chez la Tanche, en réponse aux conditions du milieu ; elle sera rejointe par Daniel Garin, qui contribue à affiner par la méthode des traceurs isotopiques l'étude des métabolismes organiques. D'autre part, il encourage des chercheurs à étudier l'absorption intestinale : je pense aux premières recherches de Maurice Buclon, qui ont démarré à son initiative, aux beaux travaux de Béchir Tritar, de Tunis, sur l'absorption intestinale des acides aminés chez les céphalopodes et les amphibiens effectuées tant au niveau de l'organisme entier que sur des cellules isolées, avec de multiples voies d'approche, notamment une technique originale de vésicules de bordure en brosse d'entérocytes. Il aide grandement Madame Peyrin, chercheur du CNRS chez le professeur André Cier, à étudier la biosynthèse des amines biologiques et le rôle des corps axillaires chez les Poissons. Et il amorce chez les animaux aquatiques une étude comparative des effets métaboliques des changements affectant la composition du milieu, d'abord en ce qui concerne la composition gazeuse, puis surtout la composition ionique, et c'est tout un ensemble de travaux importants que Georges Zwingelstein va entreprendre avec une solide équipe, en portant une attention toute particulière sur le métabolisme lipidique : les lipides faisaient un peu le rôle de parent pauvre des études métaboliques effectuées chez les animaux marins. La biogenèse et le métabolisme des lipides complexes, et leur rôle dans l'osmorégulation, les processus de méthylation et la perméabilité membranaire dans divers tissus vont faire l'objet des persévérantes recherches de Zwingelstein, Gérard Brichon, et leurs collaborateurs, qui se poursuivent avec fruit jusqu'à ce jour, contribuant à la notoriété internationale de l'Institut Michel-Pacha, et donnant lieu à de multiples et étroites collaborations avec plusieurs laboratoires américains. Enfin, Gabriel Pérès démarre lui même avec un petit groupe qu'il dirige personnellement des recherches tout à fait intéressantes sur la nutrition des poissons, qui débouchent sur la définition des conditions d'élevage de certaines espèces, et sur l'écotoxicologie, dont il convient de parler plus précisément.