Nommé maître de conférences en 1959, à la suite du transfert à Grenoble de Georges Dessaux dans une chaire de physiologie nouvellement instituée à la Faculté des Sciences, Gabriel Pérès entreprit l'étude des effets métaboliques exercés par une hormone surrénalienne qui avait été isolée quelques années auparavant par Thaddeus Reichstein (1897-1996), et que l'on connaissait encore assez mal, l'aldostérone. Par ailleurs, il initia une recherche sur les effets métaboliques de l'atocophéryl-quinone, un analogue structural du tocophérol, ou vitamine E. Là encore, la bibliographie était clairsemée et les résultats obtenus par les divers auteurs remplis de contradictions. Il s'imposait de procéder à une enquête conduite en faisant varier méthodiquement les conditions expérimentales. C'est ce que Gabriel Pérès réalisa avec la coopération active de deux spécialistes des vitamines, biochimistes formés à l'école de Paul Meunier (1908-1954), j'ai nommé Jacques Jouanneteau, disparu hélas il y a quelques années, et Georges Zwingelstein, toujours actif à Tamaris. Ce fut le début d'une longue et fructueuse collaboration, et compte tenu de l'orientation physiologique que ces deux chercheurs souhaitaient donner à leur recherche, ils rejoignirent par la suite le laboratoire de Physiologie générale et comparée. A ces travaux sur le tocophérol fut aussi associé un peu plus tard notre ami Gérard Brichon, qui fit là ses premières armes de physiologiste. Entre temps, Gabriel Pérès s'était trouvé amené à prendre la direction du laboratoire, à la suite du décès inopiné du professeur Daniel Cordier, en octobre 1960.
La chaire de physiologie générale et comparée que Gabriel Pérès occupa à partir de l'automne 1961, créée par une loi de 1883 dont Paul Bert fut le rapporteur, fut longtemps la seule de ce genre dans une Faculté des Sciences. Saturnin Arloing, élève de Chauveau, en fut le premier titulaire. Bientôt il remplaça son maître, et la chaire échut à un élève de Paul Bert, Raphaël Dubois, qui l'occupa à partir de 1887. La Faculté des Sciences de Lyon avait jusqu'alors été logée dans les combles du Palais Saint-Pierre. La politique de réanimation universitaire lancée par la Ve République, en réaction à la défaite subie devant l'Allemagne en 1870, se traduisait, entre autres choses, par la construction de palais universitaires. Celui de Lyon, édifié sur les terrains de la Vitriolerie, quai Claude-Bernard, se trouvait alors en cours d'aménagement, si bien que Dubois arriva juste à temps pour obtenir l'attribution de locaux assez satisfaisants pour l'enseignement pratique et la recherche en physiologie. C'est dans ces locaux que Dubois et ses successeurs, Couvreur, Cardot et Cordier, ont officié pendant quatre-vingt ans. Il devait revenir à Gabriel Pérès de présider au transfert du laboratoire sur le campus universitaire de la Doua, à Villeurbanne, non sans rencontrer bien des difficultés de la part des services financiers de l'administration centrale, et plus encore de certains collègues peu enclins à attribuer des locaux aux disciplines jusqu'alors ignorées par les programmes. Car la physiologie commençait enfin à occuper en France, dans les cursus scientifiques, la place qui lui revenait. L'ancienne licence ès sciences naturelles composée de trois certificats, telle qu'elle avait été définie par des arrêtés ministériels de 1896, où la physiologie animale n'était qu'optionnelle, avait cédé la place en 1958 à des licences nouvelles, tant pour l'enseignement que pour la recherche, dans la composition desquelles cette discipline figurait obligatoirement. En 1966, une nouvelle réforme, première d'une longue série, modifia le premier cycle, désormais étalé sur deux ans, et y introduisit la physiologie (ainsi que la biochimie et la génétique). Simultanément, la psychologie se trouvait détachée de la philosophie, et faisait appel à la psychophysiologie, rarement offerte jusqu'alors en France (des tentatives lyonnaises, dues la première à Raphaël Dubois, la seconde à Daniel Cordier, avaient été vite étouffées). La mise en place de ces réformes exigeait l'attribution de moyens nouveaux, tant en locaux qu'en personnels. L'effectif du laboratoire s'accrut rapidement, la psychophysiologie, créée en 1960 et placée sous la responsabilité de Jacques Chanel, un autre élève de Daniel Cordier, prit son indépendance, avec le soutien actif de Gabriel Pérès qui dut patiemment convaincre de l'opportunité de cette mesure tel ou tel de ses collègues plus âgés (entre autres le physicien Georges Déjardin, foncièrement hostile à la multiplication des chaires). Ce n'était pas tout de réunir des moyens. On s'aperçut rapidement que la démocratisation de l'enseignement physiologique et l'augmentation des effectifs nécessitaient une refonte de l'approche didactique. Les jeunes enseignants s'attelèrent avec enthousiasme à cette tâche, réussirent à faire exécuter par les étudiants, plus nombreux d'année en année, un programme ambitieux de manipulations, les unes classiques, et peut-être d'autant mieux formatrices, les autres résolument modernisées ; ils s'inspirèrent des méthodes décrites dans les manuels anglais ou américains pour amener les élèves à construire eux mêmes leurs plans d'expérience, et réaliser l'analyse critique de leurs résultats. Ils furent encouragés par le professeur Pérès, qui institua des travaux dirigés, précédant de plusieurs années l'établissement officiel de ce type d'enseignement, et obtint pour ce faire, dès 1962, du doyen Jean Braconnier, la création pour ses collaborateurs de deux postes de maîtres assistants, prélude à plusieurs autres.
Gabriel Pérès suivait l'exemple de ses maîtres, en préparant son enseignement très minutieusement. À l'ancien cours magistral à la Cordier, très documenté, certes, mais parfois un peu théâtral, et entièrement laissé à la discrétion du professeur, il substitua des cours établis selon un plan communiqué préalablement aux étudiants, assorti de planches anatomiques établies par ses soins, et respectant scrupuleusement le programme. C'était sérieux, ardu parfois, mais efficace, comme en témoignent le succès des étudiants lyonnais aux concours de recrutement. Bientôt il fut en mesure de proposer la création d'enseignements nouveaux, portant notamment sur la physiologie des animaux marins, qui, avec d'autres établis ultérieurement, ont conféré son originalité et son efficacité aux enseignements lyonnais de la physiologie. Le professeur Pérès, conscient de ses devoirs envers les étudiants, les recevait volontiers, les acceptait comme stagiaires ou chercheurs à Lyon ou à Tamaris. Cette attention portée à l'enseignement n'est pas toujours à l'honneur dans les établissements universitaires, et si elle a valu à Gabriel Pérès et à ses collaborateurs la gratitude de maint ancien élève, elle n'a guère été appréciée favorablement par ses pairs.
Prenant la responsabilité d'une équipe dont les thèmes de recherches avaient été définis par Cordier, mais qui l'intéressaient personnellement à plus d'un titre, Gabriel Pérès sut fournir des moyens de travail aux anciens de la maison, recruter rapidement des maîtres de conférences qui assumèrent à ses côtés une partie des tâches d'enseignement magistral et de direction de recherche — mentionnons tout spécialement Robert Fontanges, spécialiste de la physiologie microbienne et de l'immunophysiologie, ainsi que Jeanne-Françoise Worbe, elle aussi ancienne élève de Daniel Cordier, qui développa une recherche originale sur le métabolisme glucidique — et également engager certains jeunes chercheurs du laboratoire sur des sujets nouveaux, qui lui paraissaient prometteurs : outre les travaux sur la physiologie des poissons sur lesquels je me propose de revenir, je citerai les effets physiologiques des ondes laser, étudiés par Pierre Deschaux, ceux du rayonnement ultraviolet, par Jacques Dumas, ceux de l'hyperoxie hyperbare — un sujet qui avait été exploré pour la première fois par Paul Bert, surpris par la toxicité de l'oxygène pur sous forte pression et complétait les recherches précédemment entreprises au laboratoire — les mécanismes de l'absorption intestinale des sucres, qui ont fait l'objet de la thèse de Gabriel Crouzoulon, le métabolisme du silicium, sujet très original apporté au laboratoire par Yolande Charnot. Celle-ci le tenait de son père, Abel Charnot (1897-1970), pharmacien militaire établi au Maroc, qui avait reçu à Lyon sa formation scientifique car il avait préparé aux côtés du pharmacien colonel Albert Leullier, professeur à la Faculté de Médecine et Pharmacie, et sous la direction d'Edmond Couvreur, - alors titulaire de la chaire de physiologie générale et comparée, sa thèse de doctorat ès sciences soutenue en 1925 et intitulée Contribution à l'étude du sang de l'Ilelix pomatia. Abel Charnot s'était intéressé aux troubles du métabolisme calcique présentés par les sujets vivant dans les zones où se trouvent les gisements de phosphate. Généralisant ses observations sur les changements affectant le silicium du sang et des tissus dans divers états pathologiques, il s'était trouvé conduit à instituer des traitements à base de silicium organique, seul ou associé au potassium, en vue de régulariser le métabolisme calcique. Gabriel Pérès, qui avait effectué des recherches expérimentales sur la calcémie et dont la seconde thèse de doctorat ès sciences avait précisément porté sur la régulation de la calcémie chez les mammifères, ne pouvait qu'être intéressé par ce sujet ; il n'hésita pas à encourager Yolande Charnot dans la poursuite de cette recherche, qui donna lieu à de nombreuses publications sous leur signature, et leur valut l'honneur de participer à un Symposium Nobel sur le silicium tenu en 1977 à Stockholm, à un moment où peu de chercheurs, en France, mesuraient l'intérêt de telles recherches.
En 1984, Gabriel Pérès, tout en continuant d'assurer certains enseignements, en particulier sur les animaux marins, décida de se décharger dorénavant des enseignements d'endocrinologie qu'il délivrait à Lyon dans la maîtrise de physiologie, dont la responsabilité m'avait été confiée une dizaine d'années auparavant, et de confier la direction de son laboratoire lyonnais à Georges Zwingelstein, devenu directeur de recherches au CNRS. En effet, outre les lourdes tâches qu'il assumait à Lyon, et dont je viens de donner un aperçu, Gabriel Pérès s'occupait très activement depuis 1961 de la direction du Laboratoire maritime de Tamaris, dont je vais maintenant parler, et il reconnut la nécessité de se consacrer désormais exclusivement à cette dernière fonction.