Dès 1949, Gabriel Pérès avait commencé au laboratoire de physiologie de la Faculté des Sciences des recherches sur les modifications subies par les protéines sériques à la suite de diverses agressions, notamment les brûlures et le choc traumatique. C'était le domaine d'étude de Daniel Cordier. Docteur vétérinaire, agrégé à l'École d'Alfort, mais aussi élève d'André Mayer, professeur au Collège de France, Cordier avait étudié avant la guerre les modifications métaboliques induites par les changements des tensions des gaz dans l'air inspiré, reprenant ainsi les travaux initiés cinquante plus tôt par Paul Bert et ses élèves dans leurs mémorables recherches sur la pression barométrique. Cordier avait fait sienne la méthode d'analyse temporelle instituée par Paul Bert, qui consiste à étudier dans le temps les effets de chacun des facteurs susceptibles d'intervenir dans une condition expérimentale déterminée, en en faisant varier l'intensité et la durée d'application. Cette approche rigoureuse fut précisément celle que Gabriel Pérès, à son tour, conseilla à ses élèves. Cordier était ainsi parvenu à d'importantes conclusions sur l'acidose métabolique produite par l'asphyxie ou l'hypoxie, même si elle peut être masquée dans ce dernier cas en raison d'une phase initiale d'alcalose gazeuse liée à l'élimination exagérée d'anhydride carbonique qu'entraîne l'hyperventilation réflexe induite par l'hypoxie. D'autre part, Cordier, en sa qualité de vétérinaire militaire, avait effectué à la Poudrerie du Bouchet, près de Vert-le-Petit, des travaux importants sur les phénomènes pathologiques consécutifs à l'inhalation des gaz de combat. En 1940, au moment de l'armistice, il avait gagné l'Angleterre et trouvé refuge à Cambridge, où il put poursuivre des recherches physiologiques en rapport avec les exigences de la guerre, tout en établissant des liens personnels avec la célèbre école des physiologistes de Cambridge, à commencer par Barcroft. De retour en France, Cordier fut nommé en 1945 professeur de physiologie à la Faculté des Sciences de Lyon, dans la chaire laissée vacante par le décès de Henry Cardot (1886-1942), et réussit, en dépit des difficultés de l'après-guerre, à remettre en route non seulement le laboratoire lyonnais, dont Émile Terroine, professeur de physiologie à Strasbourg replié à Lyon, avait assuré la gestion par intérim, mais aussi le Laboratoire maritime de physiologie de Tamaris, entièrement dévasté par la guerre.
Sous la direction de Cordier, Gabriel Pérès commença par étudier les modifications du spectre d'absorption du sérum sanguin dans l'ultraviolet. Lorsque ce travail fut entrepris, c'était une approche fort originale, d'autant plus que rares étaient à l'époque les laboratoires français dotés du fameux spectrophotomètre DU mis au point en Californie par Arnold Beckman en 1942. La suite logique de l'étude était le dosage quantitatif des protéines sériques, et Pérès l'entreprit chez le rat, soumis à divers types d'agression ou de modifications des gaz inspirés. Compte tenu du rôle exercé par les glandes surrénales dans la protection de l'organisme vis à vis des agressions, établi en particulier par les travaux de Hans Selye (1907-1982), qui ne manqua d'ailleurs pas de citer ultérieurement ses travaux, G. Pérès examina les effets de la privation des surrénales, ou surrénalectomie. En s'appuyant sur les travaux d'Arthur Grollman (1901-1980), il réussit à mettre au point un breuvage salin de composition définie qui assurait la survie des animaux surrénalectomisés, ce qui permettait une comparaison valable avec l'effet des traitements par les hormones corticostéroïdes administrées aux animaux opérés ou intacts. Parmi les résultats de cette importante série de recherches, qui furent présentés dans une thèse de doctorat soutenue en 1955, on doit citer la baisse de la protéinémie totale provoquée par divers types de chocs ou par le manque d'oxygène, phénomène qui n'apparaît pas chez les animaux surrénalectomisés. C'était l'indice d'une augmentation du catabolisme protidique dans les conditions mises en jeu, et de l'intervention des surrénales, et il en poursuivit dès lors l'étude en procédant au dosage des acides aminés sanguins, qui se trouvèrent, comme prévu, en forte augmentation. C'est alors que Gabriel Pérès m'associa, de 1957 à 1960, à ses recherches sur les effets métaboliques des tensions gazeuses. Par la suite, après la disparition de Cordier, il nous confia, à ma femme et moi-même, la poursuite de cette recherche ; nous fumes ainsi amenés à reprendre l'étude dumétabolisme des acides aminés, en employant des techniques de séparation et de dosage par électrophorèse ou par chromatographie, et en procédant à des investigations sur les enzymes qui effectuent les réactions métaboliques. Ceci nous a permis de tester certaines des hypothèses élaborées.
Une intéressante conséquence des recherches effectuées à Lyon sur les effets des brûlures et du manque d'oxygène fut l'étude des effets physiologiques de l'altitude, envisagée isolément ou associée aux radiations solaires. Les expériences furent menées par Gabriel Pérès dans un chalet dont il avait fait l'acquisition aux Terrasses, au-dessus de la Grave, à 1 800 m d'altitude. Pour les réaliser, il fallait emmener de Lyon aux Terrasses les animaux aussi bien que le matériel nécessaire pour les expériences, en particulier une petite centrifugeuse mue manuellement, pour séparer le plasma sanguin. Fait plus remarquable, Gabriel Pérès n'hésita pas à monter, sur son dos, les animaux d'expérience encore plus haut, dans un refuge sis à 3 450 m. Comparativement, des essais furent réalisés à Lyon dans un caisson à dépression provenant des surplus américains. G. Pérès étudia non seulement les constituants sanguins mais également le transit gastrique et l'absorption intestinale du glucose, qui étaient deux des thèmes de recherche du laboratoire de Daniel Cordier. Les effets des radiations solaires furent tout spécialement étudiés, ainsi que le rôle protecteur des hormones surrénaliennes.
Voilà à quoi un physiologiste enthousiaste consacrait ses vacances estivales, dans les années 1950. Il est juste d'ajouter que Gabriel Pérès menait toute l'année, à Lyon comme aux Terrasses, une vie extrêmement laborieuse. Il avait accepté d'exercer des fonctions de directeur scientifique dans un laboratoire pharmaceutique, auxquelles il consacrait plusieurs matinées par semaine. Il venait ensuite au laboratoire et, à partir de onze heures, il commençait son travail expérimental, qui bien souvent ne se terminait que tard dans la soirée. Deux jours entiers étaient dévolus aux travaux pratiques, le vendredi et le samedi.