Hector Guimard (Lyon, 10 mars 1867 – New York, 20 mai 1942) est un architecte français et le représentant majeur de l'Art nouveau en France.
Dans la mouvance internationale de ce style, Guimard fait figure de franc-tireur : il ne laisse aucun disciple derrière lui, aucune école et c’est la raison pour laquelle il a longtemps été considéré comme un acteur secondaire de ce mouvement. Cette absence de postérité contraste avec la profusion formelle et typologique extraordinaire de son œuvre architecturale et décorative, où l’architecte donne le meilleur de lui-même en une quinzaine années d’activité créatrice.
Hector Guimard étudie l'architecture à Paris de 1882 à 1885 auprès d'Eugène Train et de Charles Génuys à l’École nationale des arts décoratifs et est diplômé de l'École nationale supérieure des beaux-arts en 1889 après avoir suivi l'enseignement de Gustave Raulin. C'est notamment auprès de lui que le jeune Guimard est sensibilisé aux théories d'Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc, qui jette les bases dès 1863 avec ses Entretiens sur l'architecture des futurs principes structurels de l’Art nouveau. C'est également le style médiévisant de ce dernier qui détermine l'aspect des premières œuvres de Guimard : l'hôtel Roszé (1891), l'hôtel Jassedé (1894), et surtout l'Ecole du Sacré Cœur (1895).
La conversion de Guimard au style linéaire qui reste aujourd'hui attaché à son nom est quant à elle plus circonstanciée : elle se fait lors d’un voyage à Bruxelles, où il visite l’hôtel Tassel de Victor Horta. La réalisation la plus emblématique de cette époque, le Castel Béranger (1898), illustre ce moment de transition qui voit le choc entre ces deux héritages : sur les volumes géométriques d’inspiration médiévale du gros œuvre se répand à profusion la ligne organique « en coup de fouet » importée de Belgique.
Mais malgré ce feu d’artifice d’innovations et de démonstrations tous azimuts, le monde se détourne rapidement de Guimard : moins que l’œuvre, c’est l’homme qui agace. Et en digne représentant de l’Art nouveau, il est lui-même victime des contradictions inhérentes aux idéaux du mouvement : ses créations les plus achevées sont financièrement inaccessibles au plus grand nombre, et à l’inverse ses tentatives de standardisation cadrent mal avec son vocabulaire très personnel. C’est finalement complètement oublié qu’il s’éteint à New York en 1942, où la crainte de la guerre l’avait fait s’exiler (sa femme est juive).
Le Castel Béranger rend Guimard célèbre du jour au lendemain et de nombreuses commandes lui permettent alors d’affiner toujours davantage ses recherches esthétiques – l’harmonie et la continuité stylistiques notamment (un idéal majeur de l’Art nouveau), qui le poussent à une conception quasi totalitaire du décor intérieur, culminant en 1909 avec l’hôtel Guimard (cadeau de noce à sa riche épouse américaine) où des pièces ovoïdes imposent des meubles uniques, partie intégrante de l’édifice.
Si le puits de lumière propre à Victor Horta est une donnée plutôt absente de son œuvre (sauf dans l’exemple tardif de l’hôtel Mezzara, de 1911), Guimard n’en mène pas moins des expériences spatiales étonnantes, dans la volumétrie de ses constructions notamment : la maison Coilliot et sa troublante double-façade (1898), la Bluette et sa belle harmonie volumétrique (1898), et surtout le Castel Henriette (1899) et le Castel d’Orgeval (1905), manifestations radicales d’un « plan-libre » vigoureux et asymétrique, vingt-cinq ans avant les théories de Le Corbusier. La symétrie n’est cependant pas proscrite : le magnifique hôtel Nozal, en 1905, reprend la disposition rationnelle d’un plan en équerre proposé par Viollet-le-Duc.
Les innovations structurelles ne manquent pas non plus, comme dans l’extraordinaire salle de concert Humbert-de-Romans (1901), où une charpente complexe fractionne les ondes sonores pour aboutir à une acoustique parfaite ; ou comme dans l’hôtel Guimard (1909), où l’étroitesse de la parcelle permet à l’architecte de rejeter toute fonction porteuse sur les murs extérieurs et de libérer ainsi l’agencement des espaces intérieurs, différent d’un étage à l’autre ; etc.
Génial touche-à-tout, Guimard est aussi un précurseur de la standardisation industrielle, dans la mesure où il souhaite diffuser le nouvel art à grande échelle. Sur ce plan il connaît une véritable réussite – malgré les scandales – avec ses célèbres entrées du Métro parisien, constructions modulables où triomphe de principe de l’ornement structurel de Viollet-le-Duc. L’idée est reprise – mais avec moins de succès – en 1907 avec un catalogue d’éléments en fonte applicables à l’architecture : Fontes Artistiques, Style Guimard.
Comme pour le cadre architectural global, la conception intrinsèque de ses objets d’art procèdent du même idéal de continuité formelle (qui permet de fusionner toutes les fonctions pratiques dans un corps unique, comme pour le Vase des Binelles, de 1903) – et linéaire, comme dans le dessin de ses meubles, à la silhouette gracile et harmonieuse.
Son vocabulaire ornemental inimitable procède d’un organicisme végétal particulièrement suggestif, tout en restant résolument sur le versant de l’abstraction. Moulurations et remous nerveux investissent ainsi tant la pierre que le bois ; dans l’aplat, Guimard crée de véritables compositions abstraites qui s’adaptent avec la même aisance au vitrail (hôtel Mezzara, 1903), au panneau de céramique (maison Coilliot, 1898), à la ferronnerie (Castel Canivet, 1899), au papier peint (Castel Béranger, 1898) ou au tissu (hôtel Guimard, 1909).
Plusieurs de ses réalisations peuvent être vues rue La Fontaine dans le 16e arrondissement de Paris.