Hospitalisation sans consentement en France - Définition

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Le Code de la santé publique actuel

En France, l'hospitalisation sans consentement est régie par la loi n° 90-527 du 27 juin 1990 (modifiée par la loi Kouchner du 4 mars 2002 relative aux droits des malades), qui a remplacé la loi de 1838. Ces textes sont repris dans les articles L3212-1 et suivants et L3213-1 et suivants du Code de la santé publique.

Outre l'hospitalisation libre (HL), ces textes définissent de façon restrictive le champ d'application des mesures d'hospitalisation sans consentement qui comporte deux modalités :

  • L'hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT, ancien "placement volontaire")
  • L'hospitalisation d'office (HO, ancien "placement d'office").

La circulaire « Veil » n° 48 DGS/SP3 du 19 juillet 1993 rappelle que: « La loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux (art. L 326-2 du code de la Santé Publique) donne à ces patients hospitalisés librement les mêmes droits que ceux qui sont reconnus aux malades hospitalisés pour une autre cause. Parmi ces droits figure celui d’aller et venir librement à l’intérieur de l’établissement où ils sont soignés ; cette liberté fondamentale ne peut donc pas être remise en cause s’agissant de personnes qui ont elles-mêmes consenti à recevoir des soins psychiatriques. Certes les règlements intérieurs peuvent prévoir des modalités particulières de fonctionnement d’un service, mais ces modalités, dont le malade doit être informé, ne sauraient remettre en cause ce principe. » Le Dr Bantman cite des cas de restriction à la liberté d'aller et venir, à l'hôpital Esquirol, pour des patients en HL ou en HSC: risque de sortie sans autorisation de patients hospitalisés sous contrainte, risque d' « intrusion » de personnes étrangères au service dans un but surtout de trafic de stupéfiants ou d'alcool, démence avec déambulation chez des patients désorientés, risque de fugue d'une patiente autiste, menace de suicide.

D'après le Conseil d'État (arrêt Brousse, 18 octobre 1989, N° 75096), « une personne majeure présentant des signes de maladie mentale, ne peut être retenue contre son gré dans un établissement d'hospitalisation que pendant le temps strictement nécessaire à la mise en oeuvre des mesures d'internement d'office ou de placement volontaire, prévues par le Code de la santé publique ».

Une dérogation au principe général du consentement nécessaire du malade

La loi du 4 mars 2002 rappelle que le consentement aux soins par le patient reste le principe indispensable à toute prise en charge thérapeutique. Le recours à l'hospitalisation sous contrainte doit donc rester une exception qui est fortement encadrée. Il existe un certain flou sur le lien entre l'hospitalisation sans consentement et la possibilité d'imposer un traitement médical, le rapport Strohl insistant ainsi sur le fait que:

« le statut d'hospitalisé sans consentement ne devrait pas entraîner de facto une présomption de consentement aux autres actes effectués pendant cette période.
Certes la loi de 1990 est peu explicite quant à la liaison entre traitements et hospitalisation sans consentement, elle les amalgame quand elle définit l'HDT, comme répondant à un besoin de soins immédiats et d'une surveillance constante. On imagine effectivement que tout est compris dans ces termes : neuroleptiques, électrochocs, enfermement en unité fermée voire en chambre d'isolement.[...]
En ce sens il faut réaffirmer que le consentement au traitement doit être la règle, et l'hospitalisation comme le traitement sans l'accord du malade une exception dûment encadrée par des raisons médicales devant permettre aux médecins et aux malades de mieux gérer ensemble la pathologie mentale.  »

Une commission administrative, la Commission départementale des hospitalisations psychiatriques (CDHP), et les tribunaux civils et administratifs sont chargés de veiller au caractère légal du maintien à l'hôpital du patient et du respect de ses droits. Chaque CDHP se compose:

  • De deux psychiatres, l'un désigné par le procureur général près la cour d'appel, l'autre par le représentant de l'État dans le département ;
  • D'un magistrat désigné par le premier président de la cour d'appel ;
  • De deux représentants d'associations agréées respectivement de personnes malades et de familles de personnes atteintes de troubles mentaux, désignés par le représentant de l'État dans le département ;
  • D'un médecin généraliste désigné par le représentant de l'État dans le département.
  • En cas d'impossibilité de désigner un ou plusieurs membres de la commission mentionnée dans le présent article, des personnalités des autres départements de la région ou des départements limitrophes peuvent être nommées.

Hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT)

L'HDT s'effectue à la demande d'un tiers, c'est-à-dire d'un membre de la famille ou d'une personne qui lui porte de l'intérêt. Ce tiers doit justifier de relations antérieures à la demande d'HDT, ce qui interdit l'intervention de « faux tiers » tels que des assistantes sociales agissant à la demande d'un médecin ou de l'administration. Le cas échéant, le juge peut prononcer l'annulation et la suspension de l'hospitalisation. Selon le Code de la santé publique, l'hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT) répond à trois conditions préalables:

  • la présence de troubles mentaux ;
  • l'impossibilité, par le patient, à consentir à son hospitalisation ;
  • la nécessité de soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier.

Pour l'HDT d'urgence, les textes introduisent la notion de « péril imminent », c'est-à-dire de risque de dégradation grave de l'état de la personne en l'absence d'hospitalisation.

Modalités d'application de l'HDT

  • Le tiers est défini comme toute personne susceptible d'agir dans l'intérêt du patient, c'est-à-dire :
    • un membre de sa famille ou de son entourage ;
    • une autre personne pouvant justifier de l'existence de relations antérieures à la demande d'hospitalisation, à l'exclusion des personnels soignants dès lors qu'ils exercent dans l'établissement d'accueil.
  • Formulation de la demande du tiers :
    • La demande doit être manuscrite, sur papier libre et signée par la personne demandeuse. La loi précise que si cette personne ne sait pas écrire, la demande peut être reçue par le maire, le commissaire de police ou le directeur de l'établissement qui en donne acte. Cette demande doit comporter les noms, prénoms, profession, âge et domicile de la personne demandeuse comme de la personne dont on demande l'hospitalisation. La demande doit préciser la nature des relations entre la personne demandeuse et celle qui fait l'objet de la demande et, éventuellement, leur degré de parenté.
  • Certificats médicaux :
    • Il est nécessaire que deux certificats médicaux de moins de 15 jours soient joints à la demande d'HDT.
    • Les médecins qui établissent les certificats ne doivent être ni parents ni alliés entre eux, ni avec le directeur de l'établissement habilité à recevoir les patients hospitalisés sans leur consentement, ni avec le tiers demandeur ni avec le patient.
    • Le premier certificat ne peut être établi par un médecin exerçant dans l'établissement d'accueil du patient. Le deuxième certificat n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du premier.
    • Les certificats médicaux doivent être rédigés en langue française, comporter les nom, prénom, fonction du médecin rédacteur. Ils doivent être rédigés en termes simples en évitant les termes techniques et les hypothèses diagnostiques car ces certificats ne sont pas couverts par le secret médical.
    • Chaque médecin doit examiner et constater lui-même les troubles mentaux présentés, l'entretien avec le patient est donc obligatoire. Lorsque le patient ne peut être approché ou abordé (cas exceptionnels) le médecin doit le préciser.
    • Les certificats doivent être adressés au directeur de l'établissement d'accueil.
  • En cas de péril imminent, et uniquement dans ce cas, le directeur de l'établissement peut prononcer l'admission au vu d'un seul certificat médical émanant d'un médecin de l'établissement d'accueil mais dans ce cas le certificat doit faire apparaître l'immédiateté du danger pour la santé ou la vie du patient. La demande d'un tiers reste alors indispensable.

L'exigence de deux certificats constitue en principe une garantie importante, mais elle serait contournée (par exemple en cas d'impossibilité de trouver un deuxième médecin):

  • par un recours abusif à la procédure de péril imminent (laquelle exige un seul certificat)
  • par la rédaction tardive (après l'admission) de l'un des deux certificats
  • par un esprit de confiance réciproque entre les médecins, qui les inciterait, lorsqu'ils sont censés établir le deuxième certificat, à confirmer automatiquement les conclusions du premier médecin (ou à recopier textuellement son certificat).

La circulaire DGS/6 C n° 2000-564 du 20 novembre 2000 relative au rapport d'activité de la commission départementale des hospitalisations psychiatriques pour l'année 1999 fait état d'une « banalisation abusive » de la procédure de péril imminent, qui serait due aux raisons suivantes:

« - meilleure appréhension des problèmes de santé mentale par les médecins généralistes et les familles ainsi qu'une meilleure connaissance du dispositif de soins en psychiatrie ;
- difficulté pour les familles d'obtenir un second certificat médical ;
- modification du profil des personnes concernées : personnes suicidantes ou dépendantes aux produits toxiques ;
troubles de comportement violent ;
- augmentation des HDT d'urgence initiées par les services d'urgence des CHG »

Cas des mineurs

Ils ne font pas l'objet d'une HDT, mais les détenteurs de l'autorité parentale peuvent les hospitaliser contre leur gré.

Hospitalisation d'office (HO)

L'hospitalisation d'office (HO), régie par les articles L 3212-1 et suivants et L 3213-1 et suivants du Code de la santé publique est définie selon deux modalités :

  • En dehors de l'urgence :
    • L'HO est prononcée par arrêté du préfet de police à Paris, ou par le préfet dans les autres départements, au vu d'un certificat médical circonstancié.
    • Les modalités de la rédaction de ce certificat sont les mêmes que celles demandées pour les certificats médicaux nécessaires à l'HDT. Il doit préciser que les troubles mentaux du patient nécessitent des soins immédiats et compromettent de façon grave la sécurité des personnes et l'ordre public.
    • Ce certificat ne peut être rédigé par un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil du patient.
  • En situation d'urgence :
    • Dans le cas d'un danger immédiat pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical ou, à défaut, par la notoriété publique, le maire ou, à Paris, le commissaire de police, peuvent ordonner en urgence des mesures provisoires (qui ne constituent pas une HO d'après TA Paris, 30 octobre 2002, n° 006413, Groupe Information Asiles, AJDA 2003, IR p. 254). À Paris, dans ce cas, la détention a lieu à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police (anciennement « infirmerie spéciale du dépôt » ou « infirmerie spéciale près la préfecture de police »), située à l'hôpital Sainte-Anne.
    • Dans ce cas la loi n'impose pas un certificat médical mais un simple avis. Un médecin peut être mandaté par le maire ou un commissaire de police pour le rédiger dès que la situation le permet. Ce certificat doit mentionner que le patient, par son comportement, constitue un danger imminent pour la sûreté des personnes ou l'ordre public.

L'HO doit être motivée en droit et en fait, la motivation pouvant être contenue dans l'arrêté lui-même ou dans le certificat médical qui justifie l'HO (CE, 9 novembre 2001, Deslandes, n° 235247; Circulaire DGS/SD 6 C n° 2001-603 du 10 décembre 2001 relative à la motivation des arrêtés préfectoraux d'hospitalisation d'office).

Ordonnance de placement provisoire du juge des enfants dans le cadre de l'assistance éducative

L'article 375-3 du Code civil dispose: « S'il est nécessaire de retirer l'enfant de son milieu actuel, le juge peut décider de le confier : [...] A un service ou à un établissement sanitaire ou d'éducation, ordinaire ou spécialisé »

L'article 375-9 du Code civil dispose: « La décision confiant le mineur, sur le fondement du 3º de l'article 375-3, à un établissement recevant des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux, est ordonnée après avis médical circonstancié d'un médecin extérieur à l'établissement, pour une durée ne pouvant excéder quinze jours.
La mesure peut être renouvelée, après avis médical conforme d'un psychiatre de l'établissement d'accueil, pour une durée d'un mois renouvelable. »

Transport du patient

L'article L3222-1-1 CSP, tel qu'il résulte de la loi nº 2004-806 du 9 août 2004, dispose que les personnes en HDT ou en HO peuvent être transportées à l'établissement de santé d'accueil sans leur consentement et lorsque cela est strictement nécessaire, par des moyens adaptés à leur état, le transport étant assuré par un transporteur sanitaire agréé dans les conditions prévues aux articles L. 6312-1 à L. 6312-5. Dans le cas d'une HDT, le transport ne peut avoir lieu qu'après l'établissement d'au moins un certificat médical et la rédaction de la demande d'admission prévus aux articles L. 3212-1 et L. 3212-3.

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