Lire sur un écran induit des attitudes et des postures nouvelles, qui peuvent se révéler être des inconvénients pour le lecteur.
Claire Belisle note dans « La lecture numérique : pratiques et enjeux » que lire à l’écran met le lecteur dans une posture physique nouvelle et donne lieu à une expérience sensori-motrice spécifique. En effet, alors que la lecture d’un support papier permet de lire dans différentes positions, la lecture à l’écran suppose une certaine immobilité et donc une sensation d’inconfort. De plus, l’expérience perceptive change : le lecteur est plus facilement sujet à une fatigue oculaire. Alors que le livre papier offre un confort visuel maximum (du fait de sa taille, de l’appareillage typographique, du contraste encre-papier), l’écran peine à présenter une résolution suffisante et une qualité d’affichage pour l’œil. Même si actuellement, les technologies tentent de remédier à ces insuffisances (avec par exemple le rétro-éclairage), Claire Belisle indique que l’écran offre une moindre lisibilité et une vitesse de lecture inférieure d’au moins 25% par rapport à la lecture sur papier. Christian Vandendorpe explique d’ailleurs que même pour les personnes qui passent plusieurs par jour devant leur écran d’ordinateur, ce médium n’est pas leur support de lecture favori. Quand il s’agit de se livrer à la lecture attentive d’un texte, que ce soit pour le travail ou la détente, la plupart de ces personnes choisissent encore de passer par l’imprimante.
Mais, l’écran et tout l’appareillage informatique peuvent permettre de nouveaux modes d’accès à la lecture. Les utilisateurs peuvent personnaliser l’affichage du texte à l’écran, en grossissant les caractères, mais aussi en aménageant les couleurs, les contrastes ou les polices. De plus, ceci peut être positif pour les personnes handicapées qui peuvent par les fonctionnalités du support améliorer la clarté et la présentation des documents.
Si l’on prend le cas de la lecture sur livre électronique, l’inconfort est réduit. La manipulation de cet objet nomade est plus facile, le lecteur peut lire dans différentes positions du fait du format et du poids (léger) du livre électronique (même si il doit obligatoirement se trouver à proximité d’une source électrique).
Enfin, afin d’avoir une meilleure lisibilité, le lecteur peut s’appuyer sur des repères. Il peut retrouver certaines formes traditionnelles du livre avec la présence de titre, de paragraphe, de menu. A cela s’ajoute de nouveaux éléments para-textuels liés à l’aspect numérique, comme les icônes et une organisation spécifique de la page.
La lecture numérique revient aussi à circuler ou à naviguer en mode hypertexte ou hypermédia.
Christian Vandendorpe explique qu’« on ne lit pas un hypertexte comme on lit un roman, et (que) la navigation sur le Web procure une sensation différente de la lecture d’un livre ou du journal ».
L’hypertexte induit, en effet, une possibilité de lecture non linéaire. Est offerte au lecteur la possibilité de choisir et de construire son propre parcours de lecture. Pierre Lévy va plus loin en affirmant que le lecteur devient auteur. Cependant Christian Vandendorpe rappelle que c’est le concepteur du site et l’auteur du document qui créent les liens et qui ainsi guident le lecteur dans un parcours de lecture plus ou moins prédéterminé.
Mais ce nouveau mode de lecture n’est pas sans conséquence pour le lecteur. Les psychologues cognitivistes Jean-François Rouet et André Tricot en évoquent quelques dangers :
En effet, la lecture de documents hypertextuels mobilise fortement la mémoire de travail de l’individu. On entend par mémoire de travail, « l’espace actif de la mémoire où sont réalisés les ensembles de traitements qui permettent la compréhension » (Jean-François Rouet). Le lecteur doit faire plusieurs choses en même temps : il doit lire l’information, vérifier la pertinence de celle-ci et choisir son parcours de lecture en activant les liens hypertextes, ce qui peut lui poser des difficultés.
En définitive la lecture numérique implique de nouvelles compétences de la part du lecteur parce qu'il doit mettre en œuvre des capacités d’orientation et des capacités mémorielles. Afin d’éviter cette consultation aléatoire, la lecture numérique oblige le lecteur à garder la trace de son itinéraire de lecture. Il faut donc qu’il développe une méthode intellectuelle de lecture, des stratégies de repérage et qu’il apprenne à développer sa mémoire immédiate. Le lecteur doit aussi prendre conscience la profondeur de ce qu’il lit, afin d’avoir une vision globale du document. la lecture numérique entraîne une absence de contexte pour le lecteur. Or ce contexte a pour fonction d’orienter les schèmes de réception et de créer des réseaux en fonction desquels aura du sens tout ce qui sera lu à la suite. Le lecteur doit donc s’efforcer à recontextualiser le document qu’il lit à travers l’écran.
D'un point de vue matériel, le lecteur doit manipuler des outils informatiques.
Ces nouvelles compétences que suggèrent la lecture numérique ne sont pas forcément évidentes pour l’utilisateur. Le professionnel doit donc le former à ces nouvelles compétences :
De plus, le lecteur devra être capable d’élaborer un bilan de son parcours de lecture, pour pouvoir le réadapter ou non.
La lecture numérique est liée au développement de la société de l'information et à l'accroissement du web depuis une dizaine d'années. Cependant ces nouvelles pratiques ne semblent pas menacer l'avenir de la lecture papier comme cet avènement pouvait au départ le laisser supposer. On assiste davantage à une coexistence des supports. L'exemple de l'e-book est éclairant à ce sujet. En effet, cette innovation est restée en suspens parce qu'elle n'a pas fait l'objet d'un usage suffisant étayant ainsi la thèse selon laquelle la technique n'entraîne pas nécessairement l'usage ou la pratique. La lecture numérique par ses caractéristiques et ses fonctionnalités élargit l'offre de lecture et peut donc contenter un public plus large aux demandes diversifiées.