Les méganucléases sont des endonucléases qui se caractérisent par un site de reconnaissance de grande taille (des séquences d’ADN double-brin de 12 à 40 paires de bases), ce qui fait qu’il est généralement présent en un seul exemplaire dans un génome donné. Pour prendre un ordre de grandeur, il faut 20 fois la taille du génome humain pour espérer rencontrer 1 fois la séquence de 18 paires de bases reconnue par la méganucléase I-SceI. Les méganucléases sont donc considérées comme les enzymes de restriction les plus spécifiques.
Parmi les méganucléases, les endonucléases de homing de la famille LAGLIDADG sont devenues depuis une quinzaine d’année des outils privilégiés d’étude et d’ingénierie des génomes.
Les méganucléases sont des « ciseaux moléculaires à ADN » que l’on peut utiliser pour remplacer, supprimer ou modifier des séquences de façon extrêmement ciblée. En modifiant leur site de reconnaissance par ingénierie de protéines, on peut modifier la séquence ciblée. Les méganucléases sont employées pour modifier toutes sortes de génomes – bactériens, végétaux, animaux – et ouvrent de larges possibilités d’innovation, notamment en santé humaine (élimination de matériel génétique viral ou « réparation » de gènes altérés) et en agriculture biotechnologique.
On rencontre les méganucléases chez un grand nombre d’organismes : archaea ou archéobactéries, bactéries, phages, champignons, levures, algues, certaines plantes. Elles peuvent être exprimées dans différents compartiments de la cellule : noyau, mitochondries, chloroplastes. Plusieurs centaines de ces enzymes ont été identifiées.
Les méganucléases sont surtout représentées par deux grandes familles d’enzymes regroupées sous le terme d’endonucléases de homing : les endonucléases introniques et les intéines. Dans la nature, ces protéines sont codées par des éléments génétiques mobiles, des introns ou des intéines. Les introns se propagent en s’intégrant à un endroit précis de l’ADN et en provoquant, grâce à la méganucléase exprimée, la cassure de l’allèle complémentaire qui ne contient pas l’élément mobile. Dans le cas des introns de groupe I et des intéines, la cassure induit la duplication de l’élément mobile au niveau du site de coupure grâce à l’intervention du mécanisme de recombinaison homologue de l’ADN double-brin.
On ne connait pas bien la fonction précise des méganucléases. L’hypothèse la plus répandue est que le matériel génétique qui les code fonctionne comme un élément parasite utilisant les mécanismes cellulaires de réparation de l’ADN double-brin à son profit, pour se multiplier et se transmettre, tout en n’altérant pas le matériel génétique de leur hôte.
Du fait de leur grande spécificité, qui leur confère une haute précision et une bien moindre toxicité cellulaire que d’autres enzymes de restriction, les méganucléases ont été identifiées dès les années 1990 comme des outils de modification du génome particulièrement prometteurs.
Néanmoins, la réalisation de recombinaisons génétiques induites par des méganucléases était limitée par le répertoire disponible. En effet, même si des centaines de méganucléases existent dans la nature,et même si chacune d’entre elles tolère de petites variations de son site de reconnaissance, la probabilité de trouver une méganucléase susceptible de couper un gène donné à l’endroit voulu est extrêmement mince. L’ingénierie de nouvelles méganucléases pourvues du site de reconnaissance souhaité est donc rapidement devenu l’objectif de plusieurs laboratoires de recherches. Les recherches et les applications les plus poussées portent sur les endonucléases de homing de la famille LAGLIDADG.
Pour créer des méganucléases « à façon », deux grands types d’approches ont été déployés :
Ces deux approches peuvent être combinées pour multiplier les possibilités de création de nouvelles enzymes, tout en conservant une efficacité et une spécificité élevées. Les scientifiques de Cellectis, une entreprise française de biotechnologie, ont ainsi mis au point une collection de plus de 20 000 domaines protéiques issus de la méganucléase homodimérique I-CreI et d'autres structures de méganucléases. Ils peuvent être combinés en hétérodimères chimériques fonctionnels réalisés sur mesure pour des laboratoires de recherche ou pour des acteurs industriels.