Soit K un corps muni d'une valeur absolue et E un K-espace vectoriel.
Une norme sur E est une application
sur E à valeurs réelles positives et satisfaisant les hypothèses suivantes :
séparation :
;
homogénéité :
;
sous-additivité (appelé également Inégalité triangulaire) :
.
Remarques
Les corps des réels et des complexes ne sont pas les seuls à admettre une valeur absolue. Tout corps supporte la valeur absolue constante égale à 1 en dehors de 0. Dans le cas des corps valués, la norme est même ultramétrique en vérifiant une certaine condition plus forte que la sous-additivité.
Une fonction de E dans
qui ne satisfait que les hypothèses d'homogénéité et de sous-additivité est appelée semi-norme.
Un espace vectoriel muni d'une norme est alors appelé espace vectoriel normé (parfois abrégé en EVN).
L'image d'un vecteurx par la norme se note usuellement
et se lit « norme de x ».
Premières propriétés
La norme est sous-linéaire, c'est-à-dire qu'elle vérifie la propriété suivante :
.
Plus généralement, on obtient par récurrence immédiate l'inégalité dans
:
.
La séparation et l'homogénéité garantissent les propriétés de séparation et de symétrie de la fonction
. La sous-additivité justifie alors l'inégalité triangulaire,
nécessaire pour montrer que d est une distance sur E, qui plus est invariante par translation.
Un espace vectoriel normé est donc un espace métrique homogène et la topologie associée est compatible avec les opérations vectorielles.
La sous-additivité permet d'obtenir la propriété suivante :
qui montre que la norme est une application 1-lipschitzienne donc continue.
La norme est aussi une fonction convexe, ce qui peut être utile pour résoudre des problèmes d'optimisation.
Topologie
Une norme
sur un espace vectoriel
définit une distance d sur
par la formule suivante :
De plus, à d est associée, comme à toute distance, une topologie séparée. Un ouvert pour cette topologie est une partie
de E vérifiant la propriété suivante :
Cette topologie possède la propriété suivante :
Proposition — L'addition de
dans
et la multiplication externe de
dans
sont continues.
Soient
un point de
et
un accroissement, alors :
La majoration précédente montre que l'addition est 2-Lipschitzienne donc uniformément continue.
Soient
un point de
et
un accroissement, alors, si
et
:
La dernière majoration montre l'uniforme continuité de la multiplication externe sur toute boule de
de centre 0 et rayon M, donc la continuité sur
.
Boule
Cette construction d'une topologie donne toute son importance à la notion de boule ouverte de centre
et de rayon
, c'est-à-dire l'ensemble des points dont la distance à
est strictement inférieure à
. Toute boule ouverte est l'image de la boule unité (ouverte)
par une translation de vecteur
et d'une homothétie de rapport
.
Les boules ouvertes centrées en un point
forment une base de voisinages du point
, elles caractérisent donc la topologie. Si K=R ou C, toute boule ouverte est convexe. En effet, comme la convexité est conservée par translation et homothétie, il suffit de montrer cette propriété pour la boule ouverte unité. Si
et
sont deux points de cette boule et si
est un réel entre zéro et un, alors :
La propriété suivante est donc vérifiée :
Propriété — Un espace vectoriel normé sur R ou C est localement convexe.
Ce qui signifie que tout point admet une base de voisinages convexes, par exemple les boules ouvertes centrées en ce point.
Norme équivalente
Plus la topologie contient d'ouverts, plus précise devient l'analyse associée. Pour cette raison une topologie contenant au moins tous les ouverts d'une autre est dite plus fine. La question se pose dans le cas de deux normes
et
sur un même espace vectoriel
, de savoir à quel critère sur les normes correspond une telle comparaison entre leurs topologies associées.
est dite plus fine que
si toute suite de vecteurs de
convergeant pour
converge pour
, ou encore, s'il existe un réel strictement positif α tel que :
Cette définition est légitimée par le fait que
est plus fine que
si et seulement si sa topologie associée
est plus fine que
et
sont dites équivalentes si
est plus fine que
et
est plus fine que
, ou encore, s'il existe deux réels strictement positifs α et β tels que :
Cela correspond au fait que les boules ouvertes des deux normes puissent s'inclure l'une dans l'autre à dilatation près, ou encore que les deux topologies associées soient les mêmes. En termes métriques, les deux structures sont même uniformément isomorphes. Sur un espace vectoriel réel ou complexe de dimension finie, toutes les normes sont équivalentes (cf topologie d'un espace vectoriel de dimension finie).
Constructions génériques
Tout produit scalaire sur un espace vectoriel réel E définit la norme euclidienne associée par :
.
Une norme
est euclidienne (c'est-à-dire provient d'un produit scalaire) si et seulement si l'application
est bilinéaire
et dans ce cas cette application est le produit scalaire associé.
Si C est un ouvert convexe borné et équilibré d'un espace vectoriel réel ou complexe E, alors la jauge de C est une norme définie par
et dont C est la boule unité ouverte.
Si E et F sont deux espaces vectoriels normés réels ou complexes, l'espace
des applications linéaires continues est muni de la norme d'opérateur s'écrivant :