Une représentation sociale se définit comme une forme de connaissance socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social (Jodelet). Comme beaucoup d’institutions, l’école est l’objet de représentations sociales diverses véhiculées par les acteurs qui participent à cette « microsociété » tels que les parents, les enseignants et les politiques. Ces acteurs participent à la représentation de la réussite scolaire souvent définie à partir du concept d’intelligence tandis que l’échec scolaire est souvent vécu comme résultant de difficultés liées à des causes internes (faible QI, comportements inadaptés, déficit intellectuel…) . Néanmoins, ces représentations ne sont pas figées et dépendent tant des pratiques éducatives que de théories qui fleurissent et qui font l’hypothèse que l’enfant doit être placé au cœur des apprentissages, comme acteur de son propre développement.
Bernard Rivière, dans les jeunes et les représentations sociales de la réussite, spécifie que « la réussite scolaire correspond à la notion dite traditionnelle de performance exprimée par les résultats obtenus et l’ordre d’enseignement atteint ». La représentation sociale de la réussite scolaire peut sembler alors limitée à la simple obtention de notes jugées bonnes. Néanmoins, l’auteur s’évertue également dans son livre à décrire la représentation de la réussite personnelle qu’il rattache à l’accomplissement de soi. La réussite scolaire est liée à des valeurs traditionnelles orientées vers l’excellence et la performance, cependant, il y a sans doute des parallèles à faire entre la réussite scolaire et la réussite personnelle avec d’un côté l’idée selon laquelle la réussite scolaire (au sens du rendement scolaire) est le préalable de la réussite personnelle mais de l’autre côté, l’hypothèse que la réussite scolaire est une réussite personnelle. En ce sens, la définition de la réussite s’élargit au rôle socialisateur de l’école. La réussite scolaire passera donc par l’accomplissement de soi rendu possible au fur et à mesure des interactions avec les différents agents de socialisation ; interactions qui, si elles sont régulées, seront un des vecteurs de l’acquisition des comportements pro sociaux.
Par opposition à la réussite scolaire, l’échec peut être perçu comme une défaillance en termes de résultats scolaires. S’ensuit logiquement un sentiment d’incapacité acquise du fait de l’attribution de l’échec à des causes endogènes par exemple, le sentiment d’avoir une intelligence lente, des troubles du comportement ou encore une démotivation intrinsèque. Chez beaucoup d’enseignants d’ailleurs, l’échec est lié à une cause propre au développement de l’enfant. Cependant, des éléments périphériques gravitent autour de l’élève et viennent interagir avec lui. L’enfant fait partie intégrante d’un réseau complexe de relations qui engagent des agents divers comme les enseignants, les parents, les politiques. Ainsi la représentation de l’échec scolaire ne se limite-t-elle plus ici à des caractéristiques internes mais est aussi liée à des causes externes comme les méthodes d’enseignement, l’aide apportée par les parents, les politiques gouvernementales.
La réalité construite autour des représentations de la réussite et de l’échec peut prendre une forme coercitive pour l’élève si l’école se limite à un rôle de juge en tranchant entre ce qu’elle considère être de la réussite et ce qu’elle considère être de l’échec (Perrenoud). Cependant, la réussite et l’échec sont également la responsabilité partagée des acteurs qui créent ces représentations. Partant de ce constat, c’est à l’école de contribuer à développer une représentation claire du rôle respectif de l’élève, des parents et des enseignants face à la réussite scolaire (Martineau).
La socialisation se définit communément comme le processus par lequel l’individu va intérioriser les normes et les valeurs du milieu dans lequel il évolue. L’école représente sans doute avec la famille un des lieux de socialisation les plus importants dans le développement de l’enfant en contribuant à son épanouissement personnel. Plus qu’une mission instructive, l’école a une mission éducative s’ébauchant dans les multiples interactions qui vont façonner les comportements, bouleverser les points de vue, créer des conflits. Ces interactions, si elles sont bien régulées pourraient alors permettre à l’enfant de se forger une identité sociale adaptée aux contraintes de l’environnement.
Vygotski soutenait que l’ensemble des interactions sociales permet à l’esprit individuel de progresser. Cette affirmation sous tend l’idée selon laquelle l’interaction jouerait un rôle de catalyseur des apprentissages. Mais de quels apprentissages parlons nous ici ? Yves Bertrand nous dit qu’ « il ne faut jamais oublier que la nature même des apprentissages est fondamentalement sociale et culturelle et qu’il faut tenir compte de liens entre les apprentissages et la vie dans la société ». Ainsi, selon l’auteur, l’école se mue en une instance socialisatrice garante d’une transmission contextualisée des savoirs et d’une éducation socioculturelle, préalable de l’adaptation sociale. Cette vision de l’école n’est pas sans rappeler les théories sociocognitives sur l’éducation qui prônent le primat des facteurs culturels et sociaux dans la construction des connaissances. L’interaction sociale est véritablement la clef de voûte de ces théories comme nous le rappellent les travaux de Vygotski sur la zone proximale de développement, de McLean sur les modèles coopératifs entre les élèves ou encore de Doise et Mugny sur le conflit sociocognitif. Ainsi la réussite de l’élève sera évaluée en termes d’adaptabilité comportementale en ce qu’il parviendra ou non à se décentrer de son point de vue pour comprendre celui d’autrui. La réussite scolaire n’est plus liée ici qu’à l’obtention de bonnes notes mais est également tributaire d’interactions sociales constructives, d’où la nécessité d’une bonne régulation de ses interactions. Dans cette optique, l’enseignant devra organiser l’espace, instituer la loi, élaborer des projets, favoriser l’entraide, imaginer des médiations, réguler des émotions afin de permettre à l’enfant d’évoluer au mieux dans son environnement. Dans une logique de socialisation, les auteurs socioconstructivistes ne nient pas le fait que l’enseignant a effectivement un rôle dans la transmission des savoirs mais celui-ci doit également se centrer sur les savoir faire des enfants afin de les former dans leurs individualités. De même, il a pour fonction de leur inculquer le savoir être, le savoir vivre-ensemble et faire ainsi de l’école un lieu propice au développement de l’enfant. L’enseignant ne doit donc surtout pas mésestimer le rôle des interactions sociales. Pour les socioconstructivistes, la fonction de socialisation peut donc être vue comme le soubassement, le pré requis de la fonction d’apprentissage.
La socialisation scolaire, notamment décrite au travers des théories sociocognitives de l’éducation, joue sans doute un rôle primordial dans la réussite des élèves. La réussite se matérialise alors par l’apprentissage des comportements prosociaux, des pratiques collectives. Cette logique de socialisation sous tendue par les interactions est la preuve que le développement intrapersonnel passe par un processus interpersonnel (Vygotski).