En mathématiques, et plus particulièrement en théorie des groupes, le théorème de Lagrange est un théorème qui énonce un résultat élémentaire fournissant des informations combinatoires sur les groupes finis. Il est nommé ainsi en l'honneur du mathématicien Joseph-Louis Lagrange.
Théorème de Lagrange — Pour un groupe G fini, et pour tout sous-groupe H de G, le cardinal (encore appelé ordre) de H divise le cardinal de G :
Le quotient du cardinal de G par le cardinal de H s'appelle l'indice de H dans G et il est noté [G:H] :
Le mathématicien français Joseph-Louis Lagrange a démontré que, par permutation des n indéterminées d'une expression polynômiale, le nombre d'expressions obtenues est un diviseur de n!. L'ensemble des permutations est vu aujourd'hui comme un groupe à n! éléments, agissant sur les polynômes à n variables. Le travail de Lagrange se réinterprète comme le calcul du cardinal d'une orbite de cette action : il apparait comme précurseur des recherches sur les groupes, dont les premiers termes de vocabulaires furent introduits suite aux travaux d'Augustin Louis Cauchy, et dont la définition formelle n'a été donnée qu'en 1882 par Walther Franz Anton von Dyck.
La première démonstration est la démonstration classique, relativement élémentaire. La seconde s'appuie sur la notion d'action de groupe dont la définition est rappelée.
La première preuve du théorème consiste à partitionner l'ensemble G en une famille d'ensembles équipotents à H (autrement dit, de même cardinal que H). La donnée d'une partition équivaut à la donnée d'une relation d'équivalence sur G.
Soit la relation binaire sur G définie par :
vérifie les propriétés suivantes :
La relation est réflexive, symétrique, et transitive, donc elle définit une relation d'équivalence sur l'ensemble G. La classe d'équivalence de e n'est autre que H.
Remarquons que la relation est G-invariante à droite : pour tous x,y et z dans G, implique (donc, est équivalent à) . En particulier, lorsque C désigne une classe d'équivalence, et x un élément de C, alors l'ensemble est la classe d'équivalence de e, donc H. En effet, C=Hx (y dans C <=> xRy <=> il existe h dans H tel que <=>y dans Hx), donc .
Comme l'application est une bijection, les ensembles C et H ont même cardinal. De suite, les classes d'équivalence partitionnent G en des parties de même cardinal que H.
Une action d'un groupe fini G sur un ensemble X est la donnée pour tout élément g de G d'une application bijective envoyant x sur un élément noté , vérifiant les deux conditions suivantes :
Si le groupe fini G agit sur un ensemble X, le stabilisateur d'un point x de X est défini comme l'ensemble des éléments h du groupe G tels que ; il est facile de vérifier que les stabilisateurs sont des sous-groupes de G. L'orbite de x se définit comme l'ensemble des éléments y de X s'écrivant : pour . La conjugaison par l'élément g induit une bijection du stabilisateur de x sur le stabilisateur de :
En particulier, le cardinal du stabilisateur de x ne dépend pas du choix de x dans son orbite. Par application du lemme des bergers, le cardinal du stabilisateur de x divise le cardinal de G, et le quotient est égal au cardinal de l'orbite de x.
La preuve du théorème de Lagrange consiste à réaliser tout sous-groupe H d'un groupe fini G comme un stabilisateur pour une action de G. L'action considérée est l'action du groupe G par translation à gauche sur l'ensemble X de ses parties, définie comme suit :
Le stabilisateur d'un sous-groupe H est précisément H. En effet, l'égalité gH = H implique l'existence d'un élément h vérifiant gh = e ; autrement dit, g doit être l'inverse d'un élément de H, et a fortiori doit appartenir lui même à H. Réciproquement, comme le produit d'éléments de H appartient à H, tout élément h de H vérifie . De fait, par double inclusion, H est le stabilisateur de H et la propriété s'en trouve démontrée.