La théorie de la séduction a été formulée par Sigmund Freud dans ses "Etudes sur l'hystérie" et qui concernait la genèse de cette affection. A partir de sa clinique et des récits associatifs de ses patientes, il s'agissait essentiellement de femmes souffrant d'hystérie mais pas exclusivement, il pensait qu'elles avaient été victimes de séduction (aujourd'hui on dirait "abus") de la part d'un adulte. C'est cette séduction traité psychiquement par refoulement et révélé par un évènement, généralement mineur et dans l'adolescence qui serait à l'origine des troubles, notamment sous forme de conversion. Cet après coup faisait revenir le premier évènement à la conscience, le sexualisait à la faveur de la puberté et le rendait ainsi traumatique. L'exemple du cas Emma est le plus illustratif de cette vision. Le père de la psychanalyse concevait cette théorie comme la "source du Nil" (caput Nili) de la névrose. C'est dans une lettre à Wilhelm Fliess datant de septembre 1897 qu'il la remit en question en parlant de l'abandon de sa neurotica (cf. l'article hystérie). Il est habituel de considérer que cet abandon représente l'un des moments fondateurs de la construction de la théorie psychanalytique et de l'abandon du modèle neurologique basée sur le schème : "traumatisme = affection". On parlera dès lors de métapsychologie.
La restriction de la théorie de la séduction à la psychopathologie, la dislocation et le démembrement des registres temporel, topique et traductif ont amorcé cet abandon consacré par la répudiation de cette théorie par Freud lui-même qui l'a considérée comme appartenant à une période révolue. Cet abandon, ou sabordage, est-il une autocensure ? S'il l'est, de quelle censure s'agit-il ?
Les données tirées de l'expérience psychanalytique étaient une suite d'incestes, de viols et d'agressions sexuelles brutales, à l'ombre très respectée des familles bourgeoises de Vienne au tournant du vingtième siècle. Les récits de ces "scènes" feraient rougir de pudeur et pâlir de jalousie les pornographes les plus aguerris.
Pendant son séjour à Paris et en suivant les cours de Jean-Martin Charcot sur l'hystérie, du 3 octobre 1885 au 28 février 1886, Freud a suivi les conférences et assisté aux autopsies de Brouardel à la morgue de Paris sur des cas de viol et d'assassinat d'enfants ou de violence sexuelle accompagnée de violence physique
Le séjour de Freud à Paris a peut-être été d'une plus grande importance historique dans la genèse de la psychanalyse que lui-même ne le pensait ou ne voulait admettre. Il y fut un témoin de première main des traumatismes sexuels réels éprouvés lors de l'enfance, qui sont autant de "preuves" sur lesquelles il a édifié sa thèse de 1896 où des traumatismes sexuels réels éprouvés sont au cœur même de la maladie névrotique.
A l'encontre de cet abandon, vient une curieuse phrase tirée de la préface de Freud au livre du capitaine John Gregory Bourke "Scatologic Rites of All Nations" : (à propos de Brouardel)
À cette époque, un "attentat à la pudeur" était un viol sans pénétration dont les victimes étaient des enfants pauvres, surtout des petites filles, trois raisons nécessaires et suffisantes pour ignorer (dans la signification anglaise de ne pas vouloir savoir), et la littérature médico-légale en était rempli, comme l'atteste "L'étude médico-légale sur les SÉVICES ET MAUVAIS TRAITEMENTS EXERCÉS SUR DES ENFANTS" d’Ambroise Tardieu.
Il s'agissait de maltraitance exercée le plus souvent sur des personnes les plus démunies (femmes et enfants pauvres) par des personnes en position d'autorité (père, mère, maître d'école ou patron).
En suivant les conférences et les autopsies de Brouardel sur le corps d'enfants, morts, victimes de sévices, souvent des mains d'un parent, Freud aurait pu voir et savoir des choses que "la science préférait ignorer" et aurait pu avoir peut-être le sentiment de toucher l'intouchable et de nommer l'innommable.
Le séjour de Freud à Paris (1885-1886) lui a peut-être inspiré l'élaboration de la théorie de la séduction, mais il a aussi contribué en partie à son abandon pour éviter le scandale qu'elle provoquerait. Freud hésitait, dans sa définition de l'abus sexuel entre un excès d'activités sexuelles et une agression sexuelle, impressionné par ce qu'il avait vu lors des démonstrations de Brouardel à la morgue de Paris.
Comme excès d'activités sexuelles, Freud incluait dans l'abus sexuel toute sexualité déviée de sa fonction procréatrice, comme la masturbation, le coït interrompu du retrait avant l'éjaculation et le rapport sexuel avec préservatif ou condom. Comme agression sexuelle, Freud incluait dans l'abus sexuel toute violence sexuelle accompagnée de violence physique ou morale d'une contrainte physique ou morale sur une personne à un rapport sexuel fortuit ou indésiré de la pédophilie, du viol et de l'inceste.
La communalité dans ces trois cas de figure est le rapport bourreau-victime par la contrainte physique ou morale. La différence est dans l'âge et la proximité ou la familiarité dans les structures de parenté.
De retour à Vienne, entre 1894 et 1900, Freud trouvait en Wilhelm Fliess un ami intime, un confident, un collaborateur et un contradicteur. Freud connaissait et admirait Fliess depuis 1887.