Si l'on connaît deux nombres réels a et b tels que
et tels que
, alors il existe (au moins) une racine c dans
du polynôme dérivé P':
P'(c) = 0.
Ce théorème est un théorème de séparation des racines de P et de P'. Entre deux racines de P se trouve toujours au moins une racine de P'.
Le théorème de Bolzano
Soit P un polynôme à coefficients réels.
Si P(a) et P(b) ne sont pas de même signe, il existe au moins une racine réelle c compris entre a et b.
La majoration de Lagrange
« Soit P(x) un polynôme à coefficients réels tel que les k coefficients appartenant aux puissances les plus élevées soient positifs ou nuls et en appelant G le plus grand des coefficients négatifs en valeur absolue et an le coefficient du terme de plus haut degré alors toutes les racines réelles, s'il en existe, sont inférieures ou égales à
»
La démonstration est la suivante: On considère x comme étant réel.
P(x) est alors supérieur ou égal à
d'après la somme d'une série géométrique. En réduisant au même dénominateur, on a
Or, si x>1, alors
(xk − xk − 1) > (x − 1)k
donc si
on a
an(xk − xk − 1) > G
et par conséquent P(x)>0. Donc, si elle existe, une racine de l'équation est nécessairement inférieure à
Cette règle permet de trouver très facilement une limite inférieure pour les racines négatives en appliquant la règle à P(-x), sous réserve qu'il y en ait.
En appliquant la règle au numérateur de P(1/x) après réduction au même dénominateur, de trouver une estimation de la plus petit racine positive si elle existe.
Remarque: On notera que le théorème de Cauchy n'est rien d'autre que l'adaptation au cas complexe de l'estimation de Lagrange.
Exemple
Soit P(x) = x6 + 3x5 − 2x3 + x + 2. On cherche les limites supérieures et inférieures des racines positives et négatives.
L'application de la majoration de Lagrange donne an = 1 et G=2. D'autre part, k=3. Donc les racines positives sont inférieures à
Calculons P(1/x). On trouve que le numérateur est
2x6 + x5 − 2x3 + 3x + 1
donc an = 2, G=2 et k=3. La plus petite racine positive, si elle existe, est donc supérieure à
Estimons de même les racines négatives: P( − x) = x6 − 3x5 + 2x3 − x + 2 donc an = 1, G=3 et k=1. On a donc que les racines négatives sont toutes supérieures à -1-3=-4.
donc an = 2, G=3 et k=1. La racine négative, si elle existe est inférieure à -1/(1+3/2)=-2/5.
Un calcul numérique donne pour racines -2.738012467, -1.172706808 et il n'y a pas de racine positive !
Règle des signes de Descartes
Cette règle a été donnée par René Descartes dans son œuvre La Géométrie (1637). Son objet est de déterminer le nombre de racines positives et négatives d'un polynôme à coefficients réels.
Descartes s'exprime ainsi, où les "vraies" racines sont les positives, tandis que les "fausses" racines sont les négatives:
« On connoift auffy de cecy combien il peut y auoir de vrayes racines, & combien de fauffes en chafque Equation. A fçauoir il y en peut auoir autant de vrayes, que les fignes + & - s'y trouuent de fois eftre changés; & autant de fauffes qu'il s'y trouue de fois deux fignes +, ou deux fignes - quie s'entrefuiuent. »
On suppose que le polynôme à une variable et à coefficients réels est ordonné par ordre décroissant des exposants.
Alors le nombre des racines positives du polynôme est égal au nombre de changements de signes entre deux coefficients non nuls diminué éventuellement d'un multiple de 2 (pour tenir compte des racines complexes qui sont conjuguées), chaque racine étant comptée selon sa multiplicité.
En changeant la variable x en (-x), la règle permet de trouver le nombre des racines négatives, à un multiple de 2 près, puisque l'on a permuté les racines positives et négatives par la transformation.
Clairement, si le polynôme n'admet que des racines réelles, la règle de Descartes donne alors le nombre exact de racines positives.
De la même manière, on peut, par la règle de Descartes, déterminer combien de racines réelles sont supérieures à une valeur donnée c, en transformant x en x-c dans le polynôme.
Exemples
Le polynôme
admet un seul changement de signes, entre le deuxième et le troisième terme. La règle de Descartes affirme donc qu'il possède exactement une racine positive.
Si l'on transforme x en -x, on a
qui donne deux changements de signes. Donc il y a 2 ou 0 racines négatives.
Le polynôme
admet quatre changements de signes. Donc le polynôme peut avoir zéro, deux ou quatre racines positives.
Combien le polynôme
a-t-il de racines réelles supérieures à 1/2 ? On développe
et on trouve
qui n'a qu'un seul changement de signe. Il n'y a donc qu'une seule racine réelle supérieure à 1/2.
Extensions de la règle
On considère ici, non seulement les polynômes à coefficients réels mais également des expressions ressemblant à des polynômes avec des exposants réels quelconques.
Dans un article paru dans le journal de mathématique pure et appliquée, en 1883, Laguerre donne une démonstration de la règle de Descartes à partir du théorème de Rolle et cette démonstration lui permet de conclure que la règle des signes de Descartes s'applique même si les exposants ne sont pas entiers et sont des réels quelconques, ce qui constitue une première généralisation de la règle de Descartes.
Puis, Laguerre, dans le même article, essaie d'obtenir de la règle de Descartes une majoration:
Théorème de Laguerre: Étant donné le "polynôme"
ordonné suivant les puissances croissantes de x, les exposants pouvant être quelconques mais réels.
Le nombre des racines positives de l'équation f(x)=0 qui sont inférieures à une quantité A est majoré par le nombre des alternances de la suite. Et si ces deux nombres diffèrent, leur différence est un nombre pair.
Cette proposition subsiste lorsque le nombre de termes est limité, pourvu que la série composée de ces termes soit convergente pour x=A.
Un cas particulier intéressant est obtenu en prenant A=1.
Exemples
Soit f(x) = x3 − x2 + x1 / 3 + x1 / 7 − 1. Combien y a-t-il de racines positives ? il y a trois alternances de signes (+- ; -+; +-) donc au plus 3 racines réelles positives.
Soit
. Combien y a-t-il de racines positives inférieures à 2 ? La suite se calcule ainsi:
soit numériquement 0.25;1.0004; − 1.4995;0.5004; − 5.4995; − 69.4995.
Il y a donc trois alternances (+-; -+; +-) donc trois racines positives au plus. Soit une ou trois racines positives. On vérifie graphiquement qu'il y en a une seule vers 0.4473661675.